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B – L\’APPLICATION DES EXCEPTIONS ISSUES DU DROIT DES LIBERALITES

Comme il a été vu précédemment, doctrine et jurisprudence reconnaissent à l’attribution à titre gratuit de l’assurance vie, le caractère de libéralité.
Cela soumet donc le contrat d’assurance vie aux causes de révocation issues du droit des libéralités.

C’est l’article 953 du code civil qui prévoit trois cas de révocation des libéralités: ” la donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d’ingratitude, et pour cause de survenance d’enfants”.

Tout d’abord, la révocation pour cause “d’inexécution des conditions sous lesquelles elle (la libéralité) aura été faite” semble n’être que purement théorique. En effet, l’attribution à titre gratuit d’une assurance vie avec charges ne peut pas se concevoir. En pratique il ne s’agit que d’une intention purement libérale de la part du donateur qui souhaite simplement avantager une personne définie. Il semble alors que ce premier cas ne soit qu’une hypothèse d’école.

Quoi qu’il en soit, cette action en révocation pourra être exercée par l’incapable qui en a le pouvoir ou par le représentant, à défaut. Il ne s’agit pas là d’une action personnelle puisque le seul constat objectif de l’inexécution des charges par le bénéficiaire suffit à le rendre révocable.

Ensuite, le code civil prévoit le cas de l’ingratitude du bénéficiaire. “L’ingratitude” englobe de nombreuses hypothèses telles que la tentative d’attentat à la vie du donateur par le donataire; les sévices, délits ou injures graves; ainsi que le refus d’aliments.
Cette révocation n’est pas automatique et revêt un caractère personnel. Cependant un arrêt de la cour de cassation en date du 8 mars 1988 (et confirmé depuis) a admis que l’action en révocation soit exercée par l’administrateur ad hoc d’enfants mineurs.
En somme, le représentant de l’incapable mineur ou majeur, pourra agir en révocation du bénéficiaire ingrat.

Enfin, la révocation relative à la survenance d’enfants s’appliquera d’avantage aux majeurs, capables ou incapables, qu’aux mineurs. Il s’agit d’une révocation de plein droit qui, par conséquent, pourra être exercée par le représentant légal de la personne protégée.
Ce type de révocation a une importance considérable puisqu’il permet, sans aucune prévision contractuelle, de révoquer le bénéficiaire initial, même acceptant, au seul motif d’une survenance d’enfant.
Prenons le cas, par exemple, d’une personne célibataire et sans enfant qui souscrit un contrat d’assurance au bénéfice de ses parents. Si, avant de décéder, le donateur a eu des enfants, le bénéfice sera attribué à ces derniers et les grands parents en seront évincés. Cela, sans aucune modification contractuelle préalable puisque la révocation est automatique.

A l’issue de cette première partie, il apparait que l’accès à l’assurance vie pour l’incapable souscripteur ou assuré est considérablement facilité.
Le régime en vigueur est simplifié en matière de souscription; innovant en ce qu’il admet que l’incapable soit assuré dans le cadre d’une assurance en cas de décès; et protecteur puisqu’il précarise la qualité de bénéficiaire acceptant d’un contrat souscrit par un majeur protégé.
Certes, il ne s’agit pas là d’une réforme parfaite puisque certaines lacunes sont notables.
Cependant, l’organisation des règles de l’assurance vie s’est indiscutablement adaptée à l’incapable souscripteur ou assuré et par là même, à l’évolution de notre société.

La Partie II de ce mémoire sera consacrée à la protection de la personne protégée par l’assurance vie. En d’autres termes il conviendra de s’interroger sur le caractère avantageux de l’accès à l’assurance vie pour l’incapable bénéficiaire.

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