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B/ L’appréhension spécifique du risque technique par les assureurs construction

En matière d’innovation technologique, les assureurs construction mettent en
place une analyse spécifique du risque encouru pour savoir jusqu’à quelle intensité de
désordres ils sont capables de l’assumer. Tout risque innovant est donc examiné
individuellement et ne peut faire l’objet d’une couverture globale. Après une analyse au
cas par cas, l’assureur peut délivrer sa garantie par le biais d’une annexe au contrat
principal et moyennant la perception d’une cotisation supplémentaire.
En interne, les assureurs construction élaborent et mettent en oeuvre des
politiques spécifiques d’analyse et de souscription pour délivrer une couverture adaptée
au risque technologique, tels que le montrent les exemples suivants30.
La mise en place de chauffe-eau solaire (cf. schéma ci-dessous) dans les maisons
individuelles, bâtiments à usage collectif et piscines à usage privatif renvoie à des
conditions de souscription spécifiques.

L’équipement doit être certifié « CSTBat »31 ; le chauffe-eau doit être homologué par
PROMOTELEC32 ; les études de dimensionnement, hors chauffe-eau solaire individuel,
doivent être réalisées par un bureau d’études techniques spécialisé ; les capteurs
solaires, objets de l’appréciation de risques, doivent être couverts par un avis technique
en cours de validité et ne pas avoir été mis en observation par la Commission
Prévention Produits (C2P)33 ; enfin, le chauffe-eau doit bénéficier de l’appellation
Quali’Sol34.
L’analyse du risque découlant de l’installation de pompes à chaleur
géothermiques (PAC) répond également à un processus spécifique.
La mise en place de PAC à capteurs enterrés horizontaux fait l’objet d’une acceptation
au cas par cas après étude de l’assureur. Si l’assureur accepte de couvrir le risque, les
parties souscrivent un avenant au contrat, indiquant le procédé mis en oeuvre et accepté
par l’assureur.
La mise en place de PAC à capteurs enterrés verticaux, quant à elle, implique la
réalisation préalable d’un forage géothermique. L’assureur exige alors la mise en oeuvre
de techniques de forage adaptées à la nature du terrain afin d’assurer la bonne tenue des
couches géologiques à traverser et la bonne insertion des capteurs dans le forage. Le
foreur, pour prendre en compte la présence de nappes phréatiques, de réseaux enterrés
comme des conduites de gaz, ou de carrières souterraines, doit se renseigner auprès du
Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM)35. L’étude du risque et la
souscription de l’assurance ne peut donc relever que d’une analyse chantier par chantier,
le candidat à l’assurance devant transmettre à l’assureur des documents techniques tels
que l’attestation d’assurance responsabilité civile décennale du foreur ou l’attestation
« Foreur Qualité-PAC », au titre de laquelle le professionnel est reconnu comme apte et
compétent pour réaliser des forages nécessaires à l’installation de pompes à chaleur.
Enfin, les installations photovoltaïques sont également soumises à une
appréciation particulière du risque par les assureurs. Ceux-ci doivent avoir en leur
possession tous les éléments techniques du dossier (documentations techniques des
procédés utilisés, curriculum vitae du personnel de l’entreprise, modalités
d’intervention du constructeur sur le chantier, attestations des formations suivies),
l’attestation d’assurance du fabricant des procédés pour lesquels l’assurance est
demandée, l’appellation Quali’Pv36 du procédé analysé ou l’attestation de formation
technique du fabricant validée par l’Association pour la qualité d’installation des
systèmes à énergies renouvelables (Qualit’EnR)37.
Au-delà de l’analyse complexe du risque technologique, le contenu des garanties
est également différencié en fonction des caractéristiques du procédé concerné.
Les panneaux solaires photovoltaïques sont encore un bel exemple de cette
distinction.
D’un côté l’installation de modules intégrés, participant au clos et au couvert du
bâtiment, constitue des travaux de construction et tombe alors sous le coup de
l’obligation d’assurance responsabilité civile décennale. Par ailleurs, il est possible de
souscrire une garantie responsabilité civile dommages intermédiaires pour tous les
dommages ne revêtant pas le critère de gravité de la responsabilité décennale.
A l’inverse, les panneaux solaires photovoltaïques simplement posés sur la bâtiment ne
constituent pas le résultat de travaux de construction et ne sont donc pas soumis à
l’obligation d’assurance décennale. Les assureurs proposent alors la souscription d’une
garantie responsabilité civile contractuelle de droit commun qui couvre les dommages
aux équipements, peu important leur gravité.
En dehors de toute distinction, les assureurs proposent des garanties communes à
tout type de panneau solaire photovoltaïque : une garantie dommages, pour la
couverture de préjudices résultant notamment d’évènements naturels ou de vols sur le
chantier ; une garantie responsabilité civile travaux, qui couvre les dommages aux tiers
en cours de travaux sur la base du régime des troubles de voisinage ou de la faute
inexcusable ; et une garantie responsabilité civile des pertes et recettes, destinée à
couvrir spécifiquement l’arrêt de fourniture d’électricité au réseau consécutif à un
dommage subi par l’installation. Cette dernière démontre bien la prise en compte par les
assureurs construction d’une évolution particulière du risque lié aux panneaux solaires.
Leur finalité pouvant donner lieu à une revente du surplus d’énergie collectée au réseau,
la police vient couvrir l’efficacité, la productivité et la rentabilité de la technique. Bel
exemple, s’il en fallait, d’une adaptation réussie de l’assurance face au développement
récent d’une technologie nouvelle !
L’émergence de techniques nouvelles pose la question plus large de la prise en
charge des techniques non courantes et du risque technologique dans son ensemble, qui
n’est pas sans poser quelques problèmes à un système français d’assurance construction
aux difficultés reconnues.

30 Exemples tirés des process de souscription de L’Auxiliaire.
31 CSTBat correspond à un type de certification effectué par le Centre Scientifique et Technique du
Bâtiment (CSTB). CSTBat est dans le domaine du confort thermique, une appellation relative aux
équipements de génie climatique et aux procédés solaires. Le CSTB gère la procédure des « avis
techniques », portant notamment sur les capteurs et les chauffe-eau solaires. Ce marquage est exigé pour
certaines aides et crédits d’impôt.
32 PROMOTELEC est une association créée en 1962 pour promouvoir la sécurité et la qualité des
installations électriques dans le bâtiment. En qualité d’organisme certificateur, PROMOTELEC délivre
des labels de qualité dans les logements. Les labels PROMOTELEC sont une marque reconnue, signant la
qualité des réalisations et garantissant aux utilisateurs la fiabilité de leur installation.
33 Cf. infra pour une définition de l’avis technique et de la C2P.
34 Quali’Sol est l’appellation pour la qualité d’installation des systèmes solaires thermiques, à savoir les
chauffe-eau solaires individuels (CESI) qui produisent de l’eau chaude sanitaire et les systèmes solaires
combinés (SSC) qui procurent à la fois eau chaude sanitaire et chauffage.
35 Le BRGM est un établissement public dont les objectifs sont de comprendre les phénomènes
géologiques, développer des méthodologies et des techniques nouvelles, produire et diffuser des données
pertinentes et de qualité, et de mettre à disposition les outils nécessaires à la gestion du sol, du sous-sol et
des ressources, à la prévention des risques naturels et des pollutions, aux politiques publiques
d’aménagement du territoire.
36 Quali’Pv est l’appellation pour la qualité d’installation des systèmes solaires photovoltaïques raccordés
au réseau.
37 Association ayant pour objet de gérer les appellations Quali’Sol, Quali’Bois et Quali’Pv, de délivrer
des formations aux professionnels du bâtiment pour une meilleure adéquation aux problématiques
environnementales, des installations qu’ils proposent.

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