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B : Le droit allemand.

ADIAL

261. Etant donné que le droit allemand suit une tradition civiliste à l’image de notre droit interne, on devrait en principe retrouver les mêmes outils dans ces deux droits. Or, on peut tout de même constater que le droit, s’il utilise des principes proches du droit français, dispose de spécificités à travers les principes d’interprétation des « conditions générales » (1) ainsi qu’avec un mouvement d’extension de la législation sur les clauses abusives (2).

1 : Les principes d’interprétation des « conditions générales ».

262. La Cour suprême fédérale (Bundesgerichtshof) s’est, en 1956, attribuée un pouvoir jurisprudentiel de contrôle des conditions générales de contrats qui sont désormais soumis à « un contrôle du caractère raisonnable des clauses » (Angemessenheit-Kontrolle) . Les acquis de cette jurisprudence ont inspiré la loi sur les conditions générales (Gesetz zur relegung des Rechts der Allegemeinen Geschäfstbedingunden) du 9 décembre 1977. De par cette loi, les tribunaux établissent un contrôle judiciaire des clauses contractuelles en matière de conditions générales. Pour être reconnues par ces derniers, les clauses des conditions générales doivent présenter dans le cadre du contrat un caractère raisonnable. Certes, une notion comme celle de « caractère raisonnable requis » présente à première vue beaucoup d’imprécisions et par conséquent d’incertitudes, ce qui semble ouvrir les portes à une application subjective voilée selon l’opinion personnelle des juges. Toutefois, l’examen des conditions générales incombant aux tribunaux allemands n’est point abandonnée à la subjectivité des juges . Pour préciser ce qui dans chaque espèce est à considérer comme « raisonnable », les tribunaux font recours aux idées de réglementation qui sont à la base des normes du droit positif.

263. Ainsi, dans le cadre des clauses limitatives de responsabilité, la jurisprudence allemande a pu déclarer que ces clause étaient inadmissibles pour les cas de manquements majeurs, mais devaient être admises pour les cas de manquements mineurs. Les juges ont utilisé pour cela, à l’image de notre faute lourde, la notion de « négligence grossière » . La Cour fédérale suprême de 1956 a ainsi déclaré que ces clauses incluses dans des conditions générales ne peuvent exonérer le débiteur de sa responsabilité pour négligence grossière. Cependant, cette notion, tout comme en droit français, pouvant susciter des difficultés quant à sa définition précise, l’article 5 de la loi dispose expressément que dans le doute, les conditions générales s’interprètent en faveur du client. Par ailleurs, la jurisprudence allemande a développé un certain nombre de règles spéciales d’interprétation qui, en définitive, visent toutes à restreindre au possible la portée de ces clauses dans les conditions générales. L’une des plus importantes règles à cet égard est celle suivant laquelle les cas visés et leur mode de résolution doivent ressortir du texte même de la clause . Une autre règle d’interprétation dispose que les clauses trop largement formulées sont nulles et pas seulement réductibles, ce qui n’est pas sans nous faire penser à la règle française selon laquelle les clauses d’exclusion incluses dans les contrats d’assurance se doivent d’être formelles et limitées . Ainsi, si l’on a le sentiment que le droit allemand ressemble au droit français dans l’éviction des clauses limitatives de responsabilité, il semblerait tout de même que les règles à ce sujet soient plus nettes, contrairement à notre droit interne où règne une sorte de flou artistique.

2 : L’extension de la législation sur les clauses abusives.

264. Avant que la loi du 9 décembre 1977 soit adoptée par le législateur allemand, la question s’était posée de savoir si le consommateur privé devait jouir d’une protection plus étendue que celle accordée aux professionnels . La jurisprudence allemande du contrôle judiciaire des conditions générales n’a pas été une mesure protectrice des seuls consommateurs privés, elle faisait une large considération des professionnels. Cependant, la loi de 1977 a tout de même prévu un catalogue spécial de clauses inopposables aux consommateurs privés . Cependant, si cette technique législative aurait dû aboutir en théorie à ce que les clauses exonératoires dans le commerce interprofessionnel connaissent des limites autres que celles rencontrées lors des relations avec les consommateurs, en pratique, dans l’application du principe général de contrôle, la jurisprudence s’inspire visiblement du catalogue pour protéger les professionnels. On constate dès lors que pour les résultats de ce contrôle judiciaire au domaine du commerce interprofessionnel, un rapprochement avec les standards applicables aux rapports avec les consommateurs privés . Face à ce genre de prise d’initiative du juge, il ne serait pas forcément étonnant que nos juges français prennent eux aussi cette initiative de protéger les professionnels. Cependant, notre législation sur les clauses abusives dispose expressément qu’elle ne s’applique pas aux professionnels.

265. Ainsi, de lege lata, les ressources de notre droit interne de même que celles du droit comparé sont plus ou moins séduisantes. Cependant, aucune d’entre elles n’est parfaitement adaptée au problème particulier de l’éviction des clause limitatives de responsabilité en droit français. C’est pourquoi, il convient maintenant de rechercher de lege ferenda d’autres techniques.

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