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B. Le rachat obligatoire.

Suivant un processus inverse à celui du retrait obligatoire, le rachat obligatoire (ou
sell-out) permet aux détenteurs des titres restants d’une société ayant fait l’objet d’une OPA de
contraindre l’offrant qui a atteint les seuils fixés par l’article 15 § 2 de leur racheter leurs
actions pour un juste prix. Cette disposition permet de prendre en compte le fait que les
conditions dans lesquelles les actionnaires minoritaires ont fait l’acquisition de leurs titres ont
été modifiées par le succès de l’offre(294), et ainsi de protéger ceux qui n’ont pas apporté leurs
actions à l’OPA d’éventuels abus auxquels la position dominante du nouvel actionnaire
majoritaire pourrait donner lieu(295). Les conditions du rachat obligatoire sont identiques à
celles qui donnent à l’actionnaire majoritaire la possibilité d’actionner la procédure de retrait
obligatoire(296). D’un point de vue purement pratique, le rachat obligatoire représente pour les
actionnaires minoritaires un allongement de trois mois du délai d’acceptation initial de l’offre
(297).

Précédemment inconnu du droit allemand, le droit de rachat obligatoire a été transposé
au sein de celui-ci par le § 39c WpÜG qui, comme le § 39a de cette même loi, fait usage de
l’option prévu par l’article 15-2 de la directive et prévoit ainsi que le seuil atteint par l’offrant
doit être de 95% du capital assorti de droits de vote. Le « juste prix » doit prendre la même
forme que la contrepartie de l’offre. Aucune obligation n’incombe à l’offrant de proposer une
contrepartie en espèces. Le montant de la contrepartie correspond à celui de l’offre.

Introduite pour la première fois en droit français par la loi du 2 août 1989 pour
permettre à des actionnaires minoritaires d’obtenir le rachat de leurs titres dans certaines
circonstances(298), l’ « offre publique de retrait » (vocable français désignant la procédure
équivalente de « rachat obligatoire ») est réglementée par les articles L. 433-4-I C. mon. fin.
et 236-1 RGAMF. Lorsque le ou les actionnaires majoritaires détiennent de concert au moins
95 % des droits de vote d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un
marché réglementé, le détenteur de titres n’appartenant pas au groupe majoritaire peut
demander à l’AMF de requérir du ou des actionnaires majoritaires le dépôt d’une offre
publique de retrait. Celle-ci doit concerner la totalité des titres de capital ou donnant accès au
capital et des titres de droits de vote qui ne sont pas détenus par l’actionnaire ou le groupe
majoritaire. Cependant, l’article 236-1, al. 2 RGAMF précise que l’AMF apprécie la légitimité
de la demande des actionnaires minoritaires au regard « des conditions prévalant sur le
marché des titres concernés » ainsi que « des éléments d’appréciation apportés par le
demandeur », ce qui signifie que l’autorité de régulation des marchés a la possibilité de refuser
d’accéder à la demande des actionnaires minoritaires lorsque la preuve du caractère non
liquide de leurs titres n’est pas établie, c’est à dire lorsque ne peut être prouvée l’impossibilité
pour ceux-ci de vendre leurs actions sur le marché dans des conditions normales de délai et de
cours en raison de l’« étroitesse du marché » et de la « quasi-absence de transactions »(299).
S’agissant du « juste prix », comme en matière de retrait obligatoire, il doit être procédé à une
évaluation multi-critères de la valeur des titres, qui doit « conduire à un résultat équitable ne
lésant par les intérêts des actionnaires exposés à un retrait des titres de la côte »(300).

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