A l’opposé, de nouvelles sociétés issues de la production audiovisuelle traditionnelle se spécialisent dans les contenus pour les nouveaux médias au sens large. Pour la plupart, le web documentaire ne constitue qu’une partie de leurs activités qui s’adressent également aux marques, aux institutions et aux ONG.
Créé en 2007, Honkytonk concurrence Upian sur son point fort : la maîtrise des outils du web. La société, qui a été cofondée par Arnaud Dressen, issu de la production audiovisuelle classique, a fusionné avec l’agence web 31 Septembre ce qui lui permet de revendiquer un double savoir-faire à la fois en termes de production de contenus audiovisuels et de conception de contenus interactifs. En plus d’un producteur et d’une chargée de production, l’équipe d’Honkytonk comprend également un « producteur multimédia » et un développeur flash. Ils se sont fait connaître grâce au succès de « Voyage au bout du charbon » dont ils ont fait un format, comme cela a été évoqué précédemment, mais ils se sont aussi illustrés dans des projets de visuel interactifs comme « iROCK ». La société se définit comme spécialisée dans le web documentaire mais elle développe également une activité de prestataire pour les institutions, les fondations et les agences de communication en vue d’atteindre un objectif de chiffre d’affaires fixé, selon Satellinet, aux environs de 300 000 euros pour 2010(67).
Créée en 2008, Narrative affiche un positionnement différent : raconter de « belles histoires » sur le web grâce à des « programmes courts, intimes et didactiques ». Ses créatrices, Cécile Cros, ex-directrice générale de Textuel La Mine, et la journaliste Laurence Bagot revendiquent une approche à contre-courant : donner la part belle au récit d’un auteur, l’interactivité devant être mise au service d’un contenu et non l’inverse. Tout juste créée, la société, qui ne compte aucun salarié, a remporté l’appel à projets lancé par le groupe France Télévisions en 2008 pour une collection de web documentaires, un beau tremplin pour les deux jeunes femmes qui racontent avoir créé Narrative sans projet concret dans leurs cartons et sans modèle économique(68). Pour la production des 24 web documentaires commandés par France Télévisions, Narrative a lancé un appel à projets pour trouver des auteurs et fait appel à Upian pour la réalisation du site internet.
Une partie des web documentaires qui constituent la série « Portraits du Nouveau Monde » ont été réalisés à partir des travaux de photographes sur un sujet particulier, qui ont été adaptés pour s’intégrer à un format multimédia. C’est le cas notamment de « Concubines », dans le premier volet de la série consacrée à la Chine, qui repose sur le photoreportage d’Axelle de Russé. Ce « recyclage » présente de nombreux avantages en termes de coûts mais il se traduit par des sujets de facture assez classique avec une interactivité limitée. Le financement de « Portraits du nouveau Monde » est celui d’une production audiovisuelle classique : aide du CNC (100 000 euros) et apport du diffuseur (360 000 euros) pour un budget global de 480 000 euros.
Pour leurs autres projets, Laurence Bagot et Cécile Cros trouvent des solutions au cas par cas en proposant notamment à des marques « de sponsoriser des programmes sur des sujets qui les concernent(69) ».
Lancé par deux anciennes journalistes de Libération, Ligne 4 (clin d’oeil à la ligne de métro parisienne) propose un modèle encore différent puisque la société fonctionne comme une agence de presse spécialisée dans la production de web reportages et de web documentaires. Elle est constituée d’une équipe de 12 personnes qui regroupe des journalistes, des photographes, des reporters d’images et des webgraphistes. Sa ligne éditoriale est simple : proposer des reportages spécialement conçus et réalisés pour internet à tous les sites qui diffusent de l’information : sites de journaux, de chaînes de télévision mais aussi institutions et ONG. Ligne 4 a notamment produit « Témoins du Dedans(70) » sur cinq Congolais, transformés en reporters amateurs, livrant leur regard sur les conflits qui déchirent leur pays.
Le sujet a été diffusé sur les sites du Monde.fr et de l’Unicef. Son modèle économique reste toutefois dépendant des aides du CNC. « Je trouve les financements pour produire et ensuite je vends à un diffuseur », a expliqué Judith Rueff, directrice et rédactrice en chef de la société de production dans le cadre du Festival européen des 4 Ecrans(71). Les aides du CNC représentent 50% du budget des productions, le reste étant constitué du financement des médias, des ONG et des institutions, a-t-elle précisé.
Il s’agit des acteurs que nous avons le plus fréquemment croisés lors de notre tour d’horizon de la production actuelle de web documentaires en France. La liste n’est donc pas exhaustive. En parallèle avec l’émergence de ces sociétés spécialisées dans les nouveaux médias, de nouveaux acteurs sont apparus qui se définissent comme « producteurs de contenus » et qui se destinent à travailler aussi bien pour le web que pour la télé ou l’écrit. « On voit apparaître de nouvelles générations de producteurs, qui sont des boîtes de production qui se disent producteurs de contenus, mais sans nécessairement spécifier les choses, sans avoir de ligne éditoriale précise.
Ils s’intéressent aux nouveaux médias mais parmi d’autres supports et ils peuvent pour autant s’intéresser à la télévision, au court métrage et même au long métrage », explique Pauline Augrain. Pour la chargée de mission au CNC à la direction du multimédia et des industries techniques(72), ils seront inévitablement amenés à préciser le positionnement et leur ligne éditoriale.
67 Numéro quatre, lundi 25 janvier 2010
68 « Le pari du Webdocu », Martine Delahaye, Le Monde télévisions, 22 février 2010
69 Site internet de Narrative : http://www.narrative.info/#/about
70 http://www.unicef.fr/pages/TemoinsDuDedans/TemoinsDuDedans.htm
71 http://www.festival-4ecrans.eu/fil-70.html
72 Pauline Augrain, Op. Cit.
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