L’arrêt du 12 octobre 1993 a également redéfini le domaine de la responsabilité du commettant d’une part en l’étendant au domaine contractuel (a) et, d’autre part, en offrant une nouvelle conception du lien de préposition (b).
a. L’extension du régime de la responsabilité du commettant au domaine contractuel
Depuis longtemps, les Tribunaux appliquent le régime de la responsabilité du commettant du fait de son préposé dans le domaine contractuel. En effet, la Cour d’appel d’Angers a rendu un arrêt le 27 mai 1941 dans lequel elle a affirmé qu’ « en matière contractuelle ceux dont on doit répondre sont non seulement les préposés et mandataires, mais encore ceux que l’on a introduits volontairement dans l’exécution ». La Cour d’appel avait alors souligné l’autonomie qui affecte la responsabilité contractuelle par rapport à la responsabilité délictuelle. Il ressort donc de cet arrêt que le débiteur doit répondre du fait de toutes les personnes à qui il a confié l’exécution de la convention. La Chambre commerciale confirme cette solution en admettant clairement qu’il ne s’agit pas d’un régime relevant uniquement de la responsabilité délictuelle. Cette décision est la bienvenue et se justifie pleinement. En effet, il serait difficile de concevoir que la responsabilité du commettant pour le fait de son préposé se restreint uniquement au domaine extracontractuel dans la mesure où le préposé n’est pas lié personnellement par le contrat qui, au contraire, n’engage que le commettant.
b. Une nouvelle conception du lien de préposition
La tentation d’assimiler le lien de préposition au lien de subordination est grande. Rappelons que le lien de subordination a été défini par la Chambre sociale de la Cour de Cassation comme «l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de *sanctionner les manquements de son subordonné(9)». L’arrêt commenté ne semble d’ailleurs pas s’écarter de cette conception et semble au contraire l’admettre puisque, dans le cas d’espèce, les préposés mis en cause par la Société des parfums de Rochas sont en position de subordonnés, justifiant ainsi leur irresponsabilité.
Cependant, plusieurs décisions antérieures avaient déjà rompu avec cette vision du lien de préposition. On a pu en effet voir des décisions conférant la qualité de préposé à des membres de la direction de l’entreprise ou encore à des travailleurs indépendants(10). En outre, la Deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a pu affirmer que l’existence d’un lien de préposition n’implique pas nécessairement chez le commettant les connaissances techniques pour pouvoir donner des ordres(11). Autrement dit, ce qui compte pour que le lien de préposition soit caractérisé ne consiste pas dans le pouvoir de donner des ordres mais dans le fait d’agir pour le compte du commettant pris ici en qualité de personne morale. En effet, l’entreprise doit répondre des actes de tous ceux qui agissent pour elle et non pas seulement de ceux qui sont dans une situation de subordination. L’arrêt Société des parfums de Rochas consacre véritablement une conception moderne du régime de responsabilité du commettant pour le fait de son préposé d’une part en concevant le commettant non plus comme une personne physique mais comme une personne morale et, d’autre part, en apportant une nouvelle définition du lien de préposition et un nouveau fondement à ce régime. Cependant, si l’arrêt Rochas a été largement approuvé, son avenir est très rapidement apparu comme incertain aux yeux de la Doctrine qui a soulevé à son encontre une importante limite.
(9 Cass.soc., 23 janv.1997, Boyer, n°94-17979
10 Cass.2e civ., 12 janv. 1977 11 Cass.2e civ.,
11 oct.1989, Bull.civ.II, n°175)