Institut numerique

B/ Les modalités d’assurance des techniques non courantes

Le contrat d’assurance est établi et tarifé par l’assureur sur la base du risque
présenté par les travaux « de technique courante » et l’entrepreneur assuré s’engage à
déclarer les travaux ne répondant pas à ces critères. Pour bénéficier des garanties de son
contrat, il incombe donc à l’entrepreneur de vérifier, lors de la remise de son offre, que
les travaux qu’il envisage de réaliser ou de sous-traiter, sont conformes aux règles
définies par son assureur comme relevant de la technique courante. Dès lors que des
techniques non courantes sont mises en oeuvre, l’entrepreneur doit obtenir l’accord
préalable de son assureur.
La déclaration des travaux de technique non courante, dans le cadre d’une
opération déterminée, doit être accomplie le plus tôt possible. Si possible avant la
remise définitive des prix (afin de tenir compte de l’incidence d’une éventuelle
surprime) et, en tout état de cause, avant le début des travaux.
A la réception de cette déclaration, l’assureur procède à l’analyse du risque présenté,
puis se prononce sur les possibilités d’extension de garanties et les conditions
financières qui l’accompagne (il n’y a pas automatiquement de surprime).
Les extensions peuvent être « ponctuelles », pour un seul chantier, ou par
« abonnement », si le procédé de technique non courante est régulièrement mis en
oeuvre par l’entreprise.
La non déclaration de travaux de technique non courante fait peser sur l’assuré la
menace des sanctions prévues pour absence de déclaration du risque, le Code des
assurances distinguant la déclaration du risque initial lors de la conclusion du contrat et
la déclaration des circonstances nouvelles en cours de contrat44.
Aux termes de l’article L. 113-2-2° du Code des assurances, l’assuré est obligé
« de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le
formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge, lors de la
conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par
l’assureur les risques qu’il prend en charge ». Le proposant doit donc déclarer, dès la
souscription du contrat, toute utilisation de technique non courante qui serait susceptible
de modifier l’appréciation du risque par l’assureur. Par ailleurs, l’article L. 113-2-3° du
Code des assurances oblige l’assuré à déclarer en cours de contrat, « les circonstances
nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de
nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur »
dans le formulaire de déclaration du risque initial. Le constructeur doit donc,
spontanément, déclarer à l’assureur toute utilisation nouvelle de technique non courante
en cours de contrat, à défaut de quoi, il s’expose à l’application de sanctions.
Ces dernières varient selon que l’assuré est de bonne ou de mauvaise foi.
Lorsque l’assuré, qui a manqué à ses obligations de déclaration du risque (qu’il s’agisse
du risque initial ou de son évolution en cours de contrat) est de mauvaise foi, l’article
L. 113-8 du Code des assurances prévoit l’annulation du contrat. La mauvaise foi
s’entend comme une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle de la part de
l’assuré et, dans la mesure où l’assuré est toujours présumé de bonne foi, la preuve de sa
mauvaise foi incombe à l’assureur45. Conséquence de l’annulation du contrat, l’assuré
n’est pas indemnisé de son sinistre à l’occasion duquel l’assureur prouve sa mauvaise
foi, et doit rembourser à l’assureur les indemnités qu’il a reçues au titre de précédents
sinistres couverts par le même contrat. L’assureur peut même, à titre de sanction,
conserver les primes préalablement payées par l’assuré (article L. 113-8, alinéa 2).
L’article L. 113-9 du Code des assurances dispose quant à lui que la déclaration
inexacte du risque par un assuré de bonne foi entraîne la réduction de l’indemnité
d’assurance. L’absence ou la fausse déclaration du risque doit ne pas avoir été
intentionnelle mais l’application d’une telle sanction exige toujours, pour les juges du
fond, de constater l’influence de l’omission ou de l’inexactitude sur l’opinion du risque
par l’assureur46. Si tel est le cas, l’assureur peut opter pour la résiliation du contrat ou sa
continuation moyennant une augmentation de la prime : le contrat n’est donc pas nul.
Enfin, au cas où la faute de l’assuré serait découverte à l’occasion d’un sinistre,
l’alinéa 3 de l’article L. 113-9 du Code des assurances prévoit le versement d’une
indemnité réduite par l’application d’une « règle proportionnelle de prime ».

La déclaration par le constructeur-assuré de l’utilisation de technique non
courante permet ainsi à l’assureur de délivrer une couverture spécifique.
A la base, la police circonscrit le champ des garanties offertes aux techniques
courantes. Ainsi, le contrat PYRAMIDE proposé par L’Auxiliaire et regroupant des
assurances de responsabilité, de dommages et de protection juridique, définit les travaux
de technique courante de la manière suivante : « il faut entendre par travaux de
technique courante ceux dont la réalisation est prévue avec des matériaux et suivant des
procédés :
· soit conformes :
o aux Documents Technique Unifiés (DTU),
o aux documents édités par les Pouvoirs Publics (notamment les fascicules
du Cahier des Clauses Techniques Générales47 applicables aux marchés
des Travaux Publics), aux Normes Françaises homologuées (NF),
o aux règles professionnelles et documents techniques des organismes
professionnels,
o et, plus généralement conformes aux matériaux et modes de construction
traditionnels,
· soit ayant fait l’objet d’un avis technique accepté par L’Auxiliaire ».
La qualification de technique courante est donc une condition de mise en oeuvre
de la garantie offerte par l’assureur. En cas de sinistre, l’assuré devra prouver que les
travaux, sources du préjudice, répondent bien à la définition des techniques courantes.
Mais les techniques non courantes ne restent pas pour autant exclues des polices
d’assurance. Appréciées individuellement par l’assureur au moment de la souscription
ou en cours de contrat, elles font l’objet d’extensions de garanties par le biais
d’avenants spécifiques. Ainsi, un avenant48 au contrat PYRAMIDE évoqué ci-dessus, a
pour objet d’étendre les garanties responsabilité civile hors construction, responsabilité
civile construction, et dommages dudit contrat à l’activité consistant à réaliser des
installations de production d’électricité photovoltaïque à partir de procédés
limitativement énumérés. Cet avenant permet de stipuler des conditions (l’électricien
souhaitant intégrer des modules photovoltaïques en toiture doit par exemple s’engager à
sous-traiter la partie intégration des modules au bâti à un couvreur ou un étancheur
dûment assuré à la date du démarrage des travaux dans les conditions applicables à
l’assurance de responsabilité décennale obligatoire prévues à l’article L. 241-1 du Code
des assurances) et des montants de garanties spécifiques, et de percevoir une cotisation
majorée.
On constate que la prise en charge des techniques non courantes est bien limitée
par une couverture assurantielle délivrée au cas par cas. De même, certaines carences du
système français d’assurance construction apparaissent préjudiciables à l’assurabilité de
l’innovation.

44 BONNARD J., Droit des assurances, ed. Litec Objectif cours, 2ème ed., 2007.
45 Cass. 1ère civ., 7 janvier 1997 : RGDA 1997, p.123, note Kullmann.
46 Cass. 1ère civ., 10 mars 1987 : RGAT 1987, p.392.
47 Les CCTG (Cahiers des Clauses Techniques Générales), fixent les dispositions techniques applicables à
toutes les prestations d’une même nature. Ces documents sont approuvés par un arrêté du ministre chargé
de l’économie et des ministres intéressés. La référence aux CCTG n’est pas obligatoire.
48 Cf. annexe n°2.

Retour au menu : L’ASSURABILITE DU RISQUE INNOVANT EN ASSURANCE CONSTRUCTION