En pratique la question de la définition de la notion d’oeuvre d’art confère des droits et
obligations particuliers, à son propriétaire. Au fil des questions qui lui ont été posées, la Cour
de Cassation semble fonder ses décisions sur trois critères principaux, que l’on retrouvera
notamment dans le cadre du droit d’auteur. Il s’agit de l’Authenticité de l’oeuvre, de
l’Originalité de la création et de son Intangibilité.
Ce dernier critère avait été développé au cours d’un arrêt de la cour d’appel administrative de
Paris, en date du 25 mai 1988 dans l’affaire opposant les Frères Schlumpf à l’Etat. Dans
cette affaire il s’agissait de savoir si la collection de voitures réunie par les deux frères et qui
avait servi de base à la constitution du musée de Mulhouse, constituait une oeuvre de l’esprit,
protégeable par le droit français (Ils souhaitaient obtenir des droits sur la reproduction de
cartes postales). Les juges répondent par la négative, car une oeuvre d’art ne doit supporter
aucune modification, ou manipulation postérieure à sa création : « Si la réunion d’objets
mobiliers en un lieu déterminé est inspirée par une volonté ou une passion longtemps affirmée
et non contestée, qui la rapproche d’une oeuvre de l’esprit, il reste que ne saurait lui être
reconnue la protection légale instituée par la loi […], alors que le propre de l’oeuvre d’art est
de ne supporter aucune manipulation ou modification postérieure à sa création ». Les juges
admettent cependant qu’une collection peut constituer une oeuvre de l’homme. Les juges ont
pourtant reconnu qu’une exposition, pouvait être considérée comme une oeuvre, si
« l’exposition en tant que telle révèle l’acte créateur », car « la personne qui a sélectionné les
objets et projections composant une exposition et a aussi imaginé la présentation dans un
ordre et selon une scénographie originale […] en est l’auteur. […] Dès lors, ses ayants droit
sont les seuls habilités à autoriser la translation de l’exposition dans un autre musée » (Cour
d’appel Paris 2 octobre 1997).
La question de savoir si un travail constitue une oeuvre d’art originale se pose aussi avec l’art
contemporain. C’est tout l’enjeu de l’arrêt rendu le 13 mars 1986 par la cour administrative
d’appel de Paris, invitée à se prononcer sur le travail de Christo et Jeanne Claude. Les deux
artistes avaient procédé à un empaquetage monumental et éphémère du Pont Neuf à Paris. La
question posée à la cour était donc de savoir si le simple fait d’emballer une structure
architecturale, constituait une oeuvre originale protégeable par le droit d’auteur. La réponse de
la cour fut affirmative : « l’idée de mettre en relief la pureté des lignes d’un pont et de ses
lampadaires au moyen d’une toile et de cordage mettant en évidence le relief lié à la pureté
des lignes de ce pont constitue une oeuvre originale ». C’est la concrétisation de l’idée par une
forme originale qui est ici protégée. En vérifiant et en précisant ces critères, la jurisprudence,
participe à affiner les critères de définition d’une oeuvre d’art.