Le professeur BARTOLI souligne que selon une enquête réalisée en France en 1993
auprès de 120 managers publics : « 73% des répondants considéraient la gestion
prévisionnelle comme l’un des domaines de GRH tout à fait compatibles avec la spécificité
des missions du secteur public ou para-public. La logique prévisionnelle, qui consiste à
préparer le futur en cherchant à le prévoir (ou à le créer) serait donc possible pour la gestion
des ressources humaines de ces organisations, dépassant ainsi les traditionnelles actions à
court terme et les cadres budgétaires annuels. Au plan quantitatif, il s’agissait de raisonner à
moyen terme sur des effectifs par structure d’emploi, et d’intégrer les conséquences
qualitatives de ces prévisions, notamment en termes de politique d’emploi ou de
formation ».(102)
Par ailleurs, selon les auteurs du Programme-cadre de la réforme de l’Etat 2007-
2012 : «une politique de gestion prévisionnelle des ressources humaines, dont certains des
instruments – comme un fichier de personnel, un diagnostic des besoins de formation, une
politique de recrutement ou une politique de formation continue – font défaut, n’existe pas
dans la quasi-totalité des administrations publiques »(103).
En revanche, dans le Statut général de la Fonction publique, il est indiqué à l’article
29 : « Dans le cadre des fonctions de gestion prévisionnelle des ressources humaines, l’Office
du Management et des Ressources Humaines, sous l’autorité du Conseil Supérieur de
l’Administration et de la Fonction publique, organise des concours en vue du recrutement des
Fonctionnaires ».
En réalité, l’organisation des concours en vue du recrutement des Fonctionnaires n’est
pas le seul instrument de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans le
modèle de management des ressources humaines retenu par le nouveau cadre statutaire de
2005.
A l’article 35 du Statut général de la Fonction publique, il est précisé que « l’Etat peut
assurer la formation initiale des fonctionnaires et encourage le développement des
professions dans l’Administration Publique à travers des filières professionnelles
transversales et sectorielles ». A l’article 36, il est aussi précisé que la formation des
Fonctionnaires peut même être organisée à l’étranger, considérant sans doute les faiblesses
des cursus offerts par les universités haïtiennes. De plus, il est créé à l’article 37 du Statut en
question une Ecole Nationale d’Administration et de politiques publiques (ENAPP). De plus
il est aussi indiqué que l’Etat facilite l’octroi de bourses d’études pour les Fonctionnaires.
Ces derniers pourront jouir de cours et stages de formation ou de perfectionnement.
En outre, les articles 40, 41 et 45 dudit Statut paraissent aller encore plus loin.
En effet, ils sont respectivement ainsi libellés :
« L’Etat assure également la formation continue et le perfectionnement des
fonctionnaires en cours de carrière en fonction de l’évolution d’une filière
professionnelle et des nouvelles technologies à appliquer dans
l’Administration Publique ».
« En fonction de leur vocation et de la spécialisation des tâches à accomplir, des
écoles de formation propres à certains Ministères ou à d’autres institutions
publiques peuvent être créées par la loi ».
« Les Ministères et institutions publiques dont les personnels sont régis par le
présent Décret, en collaboration avec l’Office du Management et des Ressources
Humaines, établiront un plan .de formation et de perfectionnement périodique de
leurs personnels ».
C’est le cas dire que l’approche de gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences est déjà prescrite dans le cadre statutaire de la Fonction publique de l’Etat en
Haïti. Toutefois, il reste pour l’Etat haïtien de relever le défi de sa mise en oeuvre effective.
De plus, comme il a été relaté dans une étude de la Banque Mondiale, déjà citée dans
ce travail, plus de 80% des cadres Haïtiens vivent à l’étranger. Dans un tel contexte de
raréfaction des ressources humaines qualifiées, il va sans dire qu’il existe bien des
compétences dont l’Etat a besoin dans le cadre de la modernisation des services publics et de
la Fonction publique qui ne sont pourtant pas disponibles en Haïti. D’où la nécessité de lancer
ce que nous appelons une opération « de charme » en direction des cadres Haïtiens de la
Diaspora en vue de les attirer et les intégrer dans la Fonction publique haïtienne.
Ils apporteraient, en raison de leurs qualifications, compétences et expériences une véritable
valeur ajoutée à la Fonction publique en vue de sa performance.
En grosso modo, il aura fallu, certes, arriver déjà à une mise en application effective
du Statut général de la Fonction publique offrant un cadre de gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences assez standardisé. Néanmoins, en dépit de cette mise en oeuvre
effective du cadre statutaire, l’Etat fera encore face à la rareté des ressources humaines
qualifiées.
D’où l’importance de « courtiser » les cadres Haïtiens vivant à l’extérieur du pays
en vue de leur intégration ou réintégration dans la Fonction publique tout en s’assurant de la
mise en oeuvre effective d’une politique de leur rétention au service de l’Etat dans la
perspective d’une optimisation soutenue de la Fonction publique.
102 BARTOLI A. ; TOUILLER G., « Les managers publics face aux défis de leur organisations », Document de
recherche, no 9223, CERIM, automne 1993, cité par Annie BARTOLI, in « Management dans les organisations
publiques », op. cit., page 163.
103 Op. cit., page 7.