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C- La convention de 1969 sur la responsabilité civile en cas de pollution par hydrocarbure

Une chose s’est très vite avérée indispensable : voir les dommages indemnisés par celui ou
ceux qui les ont causés.
Cependant, cette nécessité de réparation va buter sur la particularité du monde maritime
dans lequel les preuves sont particulièrement difficiles à apporter, dans lequel les règles de
droit maritime imposent une limitation de responsabilité du propriétaire de navire et enfin
dans lequel se pose un problème crucial, celui de l’évaluation des dommages issus d’une
pollution par les hydrocarbures, l’évaluation des dommages dits écologiques.

1) Le contexte

Très vite, la réparation de tels dommages selon les règles traditionnelles de la
responsabilité civile s’avère impossible du fait des particularités du droit maritime.
En effet, le droit civil impose la plupart du temps à celui qui demande la réparation d’un
dommage d’apporter la preuve préalable d’une faute commise qui serait à l’origine du
préjudice. Comment pourrait-on raisonnablement imposer cela en matière de réparation des
dommages issus d’une pollution pétrolière ?
Et, avec la survenance de catastrophes toujours plus importantes et effroyables s’est
imposée l’idée qu’il fallait offrir aux victimes une indemnisation juste, en relation avec
l’ampleur du phénomène.
L’OMI sera à l’origine de la convention signée à Bruxelles le 29 novembre 1969 sur la
responsabilité civile des propriétaires de navire pour les dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures, plus généralement appelée Convention de Bruxelles de 1969 ou
Convention CLC.
Entrée en vigueur le 19 juin 1975, elle comptera en 1998 plus de quatre-vingt-dix Etats
signataires.
Malgré son succès, cette convention va dés le départ souffrir d’un énorme handicap : elle
ne comptera pas parmi ses pays signataires, les Etats-Unis d’Amérique.
Le préambule de cette Convention annonce deux objectifs principaux :
– Garantir une indemnisation équitable aux victimes d’une pollution par les
hydrocarbures.
– Uniformiser les règles de procédure et de responsabilité.
Si les objectifs à atteindre sont clairement posés, le champ dans lequel ils s’exerceront l’est
également.
– Il s’agira d’une convention concernant les hydrocarbures, mais seuls seront pris en
compte les hydrocarbures dits « persistants »(7). Ce concept de persistance
dépendant, en réalité, du degré de volatilité des hydrocarbures.
– Il s’agira d’une convention concernant les hydrocarbures transportés en tant que
cargaison dans des soutes (cela exclu donc les réserves de carburant des bateaux).
Nous sommes donc parfaitement dans le cadre de l’activité naturelle des pétroliers.
– A contrario, seront exclus tous navires ne pouvant transporter du pétrole en vrac en
tant que cargaison.
Toutefois, il faut noter que pour que la convention puisse jouer, un événement devra s’être
produit ayant entraîné une pollution par les hydrocarbures. Cette dernière devra avoir causé
des dommages.
Les dommages devront avoir été causés par une fuite ou un rejet d’hydrocarbures sur le
territoire d’un Etat contractant (zone terrestre et littorale, mer territoriale).
Le champ d’action de cette convention étant fixé, celle ci va s’efforcer de déterminer, sur le
plan international, des règles strictes permettant, en cas d’événement, d’établir les degrés
de responsabilité de chacun et surtout garantir une indemnisation par l’adoption de
principes et de règles de réparation.
C’est le propriétaire du navire fautif en cause qui sera la plupart du temps tenu pour
responsable des dommages.

2) Les solutions adoptées

Six grands principes caractérisent cette responsabilité(8) :
1. Il s’agit d’une responsabilité objective, la victime du dommage n’aura donc pas à
prouver une faute pour être indemnisé de son préjudice. Pour obtenir réparation, elle n’aura
qu’à démontrer un lien de cause à effet ( le lien de causalité de toute action en
responsabilité). En bref, il lui suffira alors de prouver que le dommage est la conséquence
de l’événement incriminé pour établir la responsabilité.
Notons que pour s’exonérer de sa responsabilité, le propriétaire de navire pourra établir
que les dommages ont été occasionnés :
– du fait de la survenance d’un événement exceptionnel, irrésistible et
imprévisible(Force majeure).
– par un acte de guerre, d’hostilités, une guerre civile ou une insurrection.
– par un acte délibéré d’un tiers.
– à la suite d’une négligence d’un gouvernement, d’une faute des responsables
chargés des aides à la navigation.
– Par la faute de la victime.
2. La responsabilité est canalisée sur le propriétaire du navire incriminé. En effet, en cas
de pollution pétrolière la liste des responsables peut être extrêmement longue. Il fallait
donc simplifier la procédure en exposant une des seules personnes solvables et facilement
identifiables : le propriétaire du navire.
3. La responsabilité ou du moins la réparation des dommages est limitée dans son
montant : Comme nous l’avons déjà vu, la Convention de Bruxelles de 1969 a adopté le
système de responsabilité objective à l’encontre des propriétaires. Or, du fait qu’elle soit
objective, cette responsabilité est limitée ( voir paragraphe 2). Il ne sera privé de cette
limitation que dans le cas où l’événement dommageable a été causé par sa faute
personnelle.
4. La responsabilité est limitée dans le temps : Le délai de droit commun était trop court
pour des dommages qui pouvaient se révéler bien après l’événement, les rédacteurs de la
convention vont choisir un délai de prescription de trois ans.
5. Compétence juridictionnelle : La détermination du juge compétent pour apprécier et
évaluer la responsabilité du propriétaire de navire en cas de pollution est primordiale. Le
tribunal compétent sera donc, d’après la convention, celui du fait générateur de l’accident
ou à défaut celui de l’Etat sur le territoire duquel le dommage s’est produit ( d’où la
compétence du TGI de Paris dans le procès ERIKA).
6. Le dommage doit être non seulement subi, mais aussi chiffré : Ici réside une grande
difficulté. Si la réparation de dommages matériels, économiques causés à l’homme ne pose
pas de problèmes insurmontables, il n’en est pas de même avec ceux provoqués à la
nature. Comment peut-on raisonnablement chiffrer des dommages provoqués à des espèces
animales ou végétales?
Cependant, le refus de vouloir prendre en compte ce type de dommage pour la seule raison
qu’il ne peut être matériellement réparé avait pour conséquence de favoriser les auteurs de
pollution. Une évolution du concept de réparation du préjudice écologique semblait
indispensable. Cette évolution est intervenue avec la directive de 2004 et transposée en
France par la loi de 2008 que nous étudierons plus tard.
La Convention CLC de 1969 fait donc peser sur le propriétaire de navire un régime de
responsabilité original et contraignant. L’indemnisation des dommages de pollution causés
par son navire reposera toujours sur les épaules de l’armateur et cela même si les
dommages ont été causés par les marchandises transportées.
C’est pourquoi fut signée le 18 décembre 1971, de nouveau à Bruxelles, une convention sur
la création d’un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à une
pollution par les hydrocarbures (le FIPOL).
Ce texte entrera en vigueur le 16 octobre 1978.

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