Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

C. Le caractère optionnel des articles 9 et 11 et la clause de réciprocité de l’article 12.

Non classé

Les principes posés par les articles 9 et 11 de la directive ayant rencontré l’opposition
de certains États membres, au rang desquels figure l’Allemagne, lors de l’élaboration de la
directive, un compromis a dû être trouvé quant à leurs modalités d’application(265). En vertu de
l’article 12 § 1, « les États membres peuvent se réserver le droit de ne pas imposer aux
sociétés mentionnées à l’article 1 § 1, dont le siège social se trouve sur leur territoire,
d’appliquer les paragraphes 2 et 3 de l’article 9 et/ou l’article 11 ». Dans le cas où ils font
usage de cette faculté, les États membres doivent néanmoins laisser la possibilité réversible
aux sociétés concernées d’insérer, par une décision de l’assemblée générale, les dispositions
optionnelles dans leurs statuts. Si cette clause d’option permet d’égaliser les conditions de
concurrence entre les sociétés des différents États membres, elle ne permet pas
l’uniformisation totale du droit à l’échelle européenne en matière de défenses anti-OPA(266).

Il y a lieu de souligner ici les divergences de transposition des droits français et
allemand. Concernant l’article 9, la France a, comme la Grèce, la Hongrie, le Portugal et la
Slovénie, retenu la solution renforçant le rôle des actionnaires lors du déroulement d’une OPA(267).
Se conformant aux recommandations du rapport rédigé sous la direction de M.
LEPETIT(268), le législateur français a transposé l’article 9 de la directive en exigeant des
dirigeants de la société cible qu’ils obtiennent l’approbation préalable de l’assemblée générale
pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l’offre (art.
L. 233-32-I C. Com.). De plus, concernant les dispositions prises avant le début de la période
d’offre, toute délégation accordée par l’assemblée générale des actionnaires d’une mesure dont
la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l’offre est suspendue pendant la période
d’offre (art. L. 233-32-III, al. 1 C. Com.). La France apparaît plus respectueuse des intérêts
des actionnaires que l’Allemagne(269), qui, au contraire, a adopté une posture protectionniste en
continuant d’admettre très largement les mesures anti-OPA(270). Ainsi, en vertu du § 33, alinéa 1
WpÜG, si le directoire d’une société cible dont le siège est situé sur le territoire allemand ne
peut – en théorie – accomplir « aucune action susceptible de faire échouer l’offre », il lui est
en revanche possible d’accomplir tous les actes de gestion qu’un dirigeant d’une société
« ordonné et consciencieux » aurait entrepris, abstraction faite de l’existence de l’OPA, pour la
recherche d’une offre concurrente. De plus, après autorisation préalable du conseil de
surveillance, il peut prendre toutes les mesures de défense qu’il estime nécessaires.
Généralement, cette autorisation est assez aisée à obtenir, dans la mesure où le conseil de
surveillance est composé pour moitié de salariés, ces derniers étant le plus souvent favorables
aux mesures « anti-OPA »(271). Par ailleurs, les délégations accordées par l’assemblée générale
antérieurement à la période d’offre et permettant au directoire de prendre des mesures de
défense restent valables pour une durée de 18 mois et leur mise en oeuvre par le directoire
nécessite l’autorisation du conseil de surveillance (§ 33, al. 2 WpÜG). En application de la
règle d’opt-in de l’article 12 § 2 de la directive, les sociétés dont le siège social est situé sur le
territoire allemand peuvent insérer la rule of passivity dans leurs statuts (§ 33a WpÜG).

S’agissant de l’article 11, la France a intégré aux articles L. 233-35 à L. 233-39 C.
Com. le principe de la neutralisation des restrictions au transfert des titres et au droit de vote
pendant la durée de l’offre sans le rendre obligatoire. La faculté est donc donnée aux sociétés
françaises d’insérer de façon réversible la breakthrough rule dans leurs statuts(272). Telle est
également l’orientation retenue par le droit allemand (§ 33b WpÜG). Cependant, l’adoption
volontaire de ces règles par les sociétés reste subordonnée à l’approbation d’actionnaires qui
disposent de droits spéciaux ou qui représentent une large majorité. De plus, la règle de la
neutralisation adoptée par les sociétés peut faire l’objet d’un aménagement au cas par cas et
donc ne pas viser toutes les défenses (vote double, actions sans droit de vote)(273).

Obstacle supplémentaire à l’unification du droit des OPA au niveau européen, l’article
12 § 3 de la directive permet aux Etats membres d’exempter les sociétés appliquant les articles
9 § 2, 9 § 3 et/ou l’article 11 de faire application de ces dispositions dans l’hypothèse où elles
font l’objet d’une offre lancée par une société qui ne les applique pas elle-même. Cette
disposition prend en considération le fait que les options laissées aux Etats et aux sociétés par
les articles 9 et 11, loin d’harmoniser les conditions de jeu, accroissent les inégalités(274). Il peut
s’agir de n’importe quelle société attaquante, que son siège soit situé ou non sur le territoire
d’un Etat membre, à partir du moment où elle n’applique pas ces dispositions, pour quelque
raison que ce soit(275). Selon le § 33c WpÜG, les sociétés allemandes peuvent soulever
l’exception de réciprocité qui permet de faire échec à ces deux principes dans l’hypothèse où
l’offrant n’y est pas soumis. En droit français, cette clause de réciprocité a été transposée à
l’article L. 233-33 C. Com.. Le législateur a d’ailleurs privilégié une interprétation large de
l’article 12 § 3 en admettant que l’exemption puisse être accordée bien que l’article 9 soit, en
principe, obligatoire(276).

Retour au menu : L’actionnaire en droit de l’Union européenne – Der Aktionär im Recht der Europäischen Union