Tant que des personnes se déjoueront des conventions (malgré leurs carences) en faisant
de leur application une mise entre parenthèses permanente, la question d’accès pourrait pendant
des décennies encore se poser dans les mêmes termes et avec la même acuité. Une action devrait
à cet égard être entreprise pour une plus grande responsabilité des « maîtres » de corridors dans
l’exercice des missions qui leur sont assignées.
De nombreuses dérives subsistent (de part et d’autre) depuis l’entrée en vigueur des
Conventions de 1999 et bien d’autres mesures prises pour apporter une solution concrète à la
question d’accès des Républiques du Tchad et de Centrafrique à la côte Atlantique du Cameroun.
Parmi celles-ci, la pratique de faux réseaux de transit(129) figure au premier rang. Des cargaisons de
carburant en franchise depuis le port de Douala pour N’djamena se retrouvent en effet sur le
marché camerounais, créant ainsi un sérieux manque à gagner au Trésor public.(130)
De nombreux abus sont en retour dénoncés par les transporteurs au niveau des postes de
contrôle. Ainsi, la régularité des documents de route, ou plus précisément « la présentation du
sauf-conduit international [lors des inspections] est assimilée à de la provocation »,(131) rapportent
les camionneurs qui opèrent sur l’axe Douala-N’djaména.
Par ailleurs, certaines mesures prises au plan local par les autorités municipales de
certaines régions traversées par le transit ne servent pas toujours ce dernier, mais contribuent
plutôt à accroître son coût. Il en est ainsi des décisions instituant des taxes de transit sur les
corridors.
Dans le cadre de la réunion d’évaluation des mesures de facilitation du transport de
marchandises en transit Cameroun-RCA et Cameroun-Tchad tenue à Douala (Cameroun) le 22
avril 2005, l’Agence du Bureau de Gestion du Fret Terrestre (BGFT) à Ngaoundéré a mis en
cause la correspondance de la Commune urbaine de Ngaoundéré instaurant une taxe de transit de
10.000FCFA (environ E 15) par chargement de marchandises en transit.
De la même manière, le responsable du BGFT à Bangui a dénoncé au cours de la rencontre susmentionnée l’imposition
par les responsables centrafricains, pour non respect de la convention bilatérale Cameroun-RCA,
d’une taxe forfaitaire de 4% représentant le prix du transport du produit transporté et de 2% sur la
marchandise transportée lorsque la partie centrafricaine ne dispose pas de matériel roulant pour le
transport de sa quote-part. Dans ce domaine, il nous a également été donné de noter que la clé de
répartition du fret, telle qu’établie dans la Convention bilatérale entre les deux Etats, connaît une
application déséquilibrée en faveur de la RCA qui s’est arrogée le quota camerounais, notamment
pour ce qui est du transport des produits forestiers.(132)
Ces incorrections, on peut le constater, rendent compte de la complexité de l’équation que
constitue l’accès à la zone côtière du Cameroun. Loin d’être insoluble, le traitement de cette
équation à plusieurs degrés requiert lui aussi une démarche à plusieurs étapes dont la première
réside dans le respect des textes et leur application.
Une seconde étape consistant en une évaluation systématique, trimestriellement ou
semestriellement, de la pratique d’accès devrait intégrer les recommandations formulées par les
Commissions d’Experts et prendre en considération les griefs soulevés au quotidien par les
acteurs du terrain.
La question des moyens à allouer à l’infrastructure servant au transit reste évidemment
une variable inéluctable. Etant donné l’état de sous-développement qui caractérise ces Etats
soumis à divers programmes d’ajustement, dont l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE)
entre autres, la coopération intergouvernementale et l’appui des organismes internationaux de
financement s’avèrent incontournables dans ce processus. La relance d’un projet tel celui relatif à
l’extension du réseau ferroviaire transcamerounais par exemple peut, dans le cadre des revenus
générés par l’exploitation du pipeline Tchad/Cameroun, connaître une issue heureuse à travers la
signature d’un Protocole avec les Sociétés pétrolières en charge de la gestion de ce moyen de
transport dont le régime diffère de celui en vigueur sur les voies traditionnelles d’accès que nous
venons d’examiner.
129 Voir le document intitulé « Tchad: étude diagnostique sur l’intégration commerciale » qui rapporte que les
conducteurs empruntent d’autres itinéraires pour travailler à leur propre compte in
http://www.integratedframework.org/files/Tchad.DTIS.pdf
130 Cf. Aide-Mémoire du Ministre d’Etat camerounais chargé de l’Administration Territoriale et de la
Décentralisation, Chef de la Délégation camerounaise à la IIIème Session de la Commission Mixte de Sécurité
Cameroun/Tchad (Maroua, 17-20 octobre 2005).
131 Voir le document « Cameroun-Tchad-RCA: les freins au transit des marchandises », in
http://www.camerounlink.net/fr/news.php?nid=15237&kat=1&seite=318
132 Ibid