Deux ordonnances du 30 janvier 2008, pris en application de l’article 152 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, viennent éclairer la matière du droit des assurances.
Ce texte est pris en application de l’article 152 de la loi de modernisation de l’économie. L’objectif est de renforcer la protection des épargnants, des investisseurs et des assurés lors de la commercialisation de produits financiers. Dans ce but, elle prévoit deux mesures :
-article 1er : l’homologation des codes de bonne conduite élaborés par les associations représentant les professions financières par le Ministère de l’Economie
-article 2 : la rédaction de conventions entre producteurs et distributeurs en matière d’information et de communication promotionnelle.
L’ordonnance contient deux chapitres.
Les codes de bonne conduite seront élaborés par les organisations professionnelles. Après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF), le Ministère de l’Economie aura à loisir de les homologuer. La composition du comité consultatif pourrait être élargie à l’avenir afin de prendre en compte cette mission particulière. Le comité serait ensuite consulté, dans les mêmes conditions, pour toute proposition de modification ou de suppression des codes homologués.
Le rôle essentiel de ces codes sera de traiter des moyens dont devront se doter les intermédiaires pour se conformer à leurs obligations en matière de règles de conduite à suivre dans la vente de produits financiers. A cette fin, ces codes pourraient tendre à promouvoir la formation et l’information des agents aux règles de conduite et à décrire les organisations et le fonctionnement des structures de vente propres à respecter le nouveau cadre réglementaire.
La loi ajoute à l’AMF (Autorité des marchés financiers) et à l’ACAM (Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles) le pouvoir de veiller à ce que les entreprises soumises à leur contrôle mettent en œuvre les moyens adaptés pour se conformer aux codes élaborés des associations professionnelles auxquelles elles adhèrent et qui ont été homologués par le ministre chargé de l’économie.
La finalité de l’article 3 est de mieux responsabiliser les producteurs et distributeurs dans la confection de documents publicitaires relatifs à des instruments financiers.
Il clarifie leurs relations, que cette distribution s’effectue par une souscription directe, par le biais de produits d’épargne ou par le biais de produits d’assurance vie.
A cet effet, un nouvel article L. 533-13-1 est introduit dans la section 5 du chapitre III du titre III du livre V traitant des règles de bonne conduite des prestataires de services d’investissement.
Cet article impose aux distributeurs de soumettre aux producteurs leurs communications à caractère promotionnel, conçues ou non par eux, et adressées aux clients.
Une convention entre le producteur et le distributeur détermine les modalités de cet examen destiné à assurer la conformité de la communication commerciale des distributeurs aux documents d’information du public émis par les producteurs.
Cette convention devra en outre stipuler les conditions dans lesquelles le producteur met à disposition des distributeurs les informations nécessaires à la bonne compréhension de l’économie des instruments financiers.
Parallèlement, l’article 4 ajoute un nouvel article L. 132-28 au code des assurances afin d’établir des règles analogues dans la relation entre l’intermédiaire et l’entreprise d’assurance.
Pour revenir plus précisément au domaine des assurances, le texte vient préciser le devoir de conseil des entreprises d’assurance en cas de vente d’un contrat d’assurance vie.
D’autre part, il tente de mieux garantir le contenu des documents publicitaires de ce type de produit en imposant une plus grande clarté.
Il prévoit, de plus, de définir par décret le traitement de garanties de fidélité des contrats en cas de rachat partiel, ou encore précise les modalités de création, de souscription et de transfert d’un plan d’épargne retraite.
Enfin, il transpose aux régimes collectifs de retraite les dispositions du code des assurances relatives au droit du contrat et les intégre dans le code de la mutualité et dans le code de la sécurité sociale.
Au terme du nouvel article L. 132-27 du code des assurances, il est indiqué que toute information à caractère publicitaire doit présenter un contenu exact, clair et non trompeur. Sont concernés par ces mesures tous les produits d’assurance vie et de retraite.
Cet article consolide l’assise juridique du pouvoir de sanction de l’autorité de contrôle des assurances et des mutuelles en la matière en lui permettant de sanctionner la méconnaissance de ces dispositions par les producteurs et distributeurs de produits d’assurance vie.
Cette disposition est également introduite dans le code de la mutualité par la création de l’article L. 223-25-2. L’introduction de l’article L. 132-27-1 dans le code des assurances a pour objet de préciser la notion de devoir de conseil applicable aux intermédiaires et aux entreprises d’assurances en cas de vente d’un contrat d’assurance vie.
Cette disposition s’applique aux produits d’assurance vie souscrits dans un cadre individuel ou collectif ainsi qu’aux produits de retraite souscrits sur une base facultative.
Elle permet également d’étendre aux réseaux salariés d’entreprises d’assurance des dispositions qui n’étaient aujourd’hui applicables qu’aux intermédiaires d’assurance suite à la transposition dans le livre V du code des assurances de la directive intermédiation en assurances.
Aussi en vertu des articles L. 132-27 et suivant du Code des assurances l’information préalable du futur souscripteur doit présenter un contenu « exact, clair et non trompeur ». Les documents publicitaires sont intégrés dans cette « information préalable ».
Le texte permet également de préciser les modalités de preuve du devoir de conseil devant être prodigué au futur souscripteur. En effet, si le principe du conseil était connu, sa mise en œuvre et la preuve de ce dernier était nettement plus incertaine. Désormais le contenu du devoir de conseil au moment de la souscription du contrat d’assurance vie est précisé :
– L’assureur doit recueillir les exigences et les besoins exprimés par le souscripteur ou l’adhérent.
– Il doit également noter les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un contrat déterminé.
– Le conseil doit contenir des précisions sur l’opportunité de souscription de tel ou tel contrat en fonction de la situation financière du souscripteur et de ses objectifs de souscription.
Les entreprises d’assurance devront également assumer un devoir de mise en garde préalable à la conclusion du contrat d’assurance, lorsque que le souscripteur ne donnera pas toutes les informations nécessaires à l’exercice du devoir de conseil.
En outre, la prise en compte des connaissances et de l’expérience du souscripteur en matière financière est également requise (études, emploi, placements faits).
Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information communiqués par le souscripteur ou l’adhérent concernant sa situation financière et ses objectifs de souscription, sont adaptées à la complexité de la formule proposée.
Logiquement, l’entreprise d’assurance ou de capitalisation doit s’enquérir auprès du souscripteur ou de l’adhérent de ses connaissances et de son expérience en matière financière, mais aussi le mettre en garde préalablement à la conclusion du contrat s’il refuse de donner les renseignements requis. Nous avons pu voir que la loi DDAC prévoyait déjà de telles mesures.
Un décret en Conseil d’État doit venir fixer les modalités de formalisation du devoir de conseil des salariés.
Par ailleurs, lorsque la conclusion ou l’adhésion au contrat s’effectue grâce un intermédiaire d’assurance tel que défini à l’article L. 511-1 du Code des assurances (agents, courtiers, mandataires d’assurance et d’intermédiaires d’assurance), ces mêmes obligations tirées du nouvel article L.132-27-1 incombent cette fois à l’intermédiaire et non plus à l’entreprise d’assurance. Cette précision est importante car elle devrait mettre fin aux condamnations qui étaient parfois prononcées par les juridictions à l’encontre de l’assureur in solidum avec son intermédiaire pour manquement au devoir d’information et de conseil.
L’article L.520-1 du Code des assurances est ainsi modifié pour permettre de substituer ces nouvelles dispositions, applicables à l’assurance vie, à celles, plus générales, relatives au conseil et à l’information que l’intermédiaire doit fournir pour justifier de l’adéquation du contrat proposé aux besoins du souscripteur (dispositions issues de la DDAC).
Cette disposition est également introduite dans le code de la mutualité dans un nouvel article L. 223-25-3.
L’intermédiaire reste par ailleurs toujours redevable de l’information concernant sa position vis-à-vis de ses fournisseurs (intermédiaire lié ou non).
Les contraintes publicitaires s’adressent aux contrats individuels avec valeur de rachat, aux contrats de capitalisation et aux contrats de groupe sur la vie avec valeur de rachat ou de transfert. Les obligations en matière de devoir de conseil concernent les contrats d’assurance individuels comportant des valeurs de rachat, les contrats de capitalisation, les contrats mentionnés à l’article L.132-5-3 du Code des assurances (contrat de groupe à adhésion facultative) ou à l’article L.441-1 du même code (régimes collectifs de retraite).
Les entreprise et intermédiaire auront jusqu’à juillet 2010 pour se conformer à ces nouvelles exigences.
Les avis des professionnels sont partagés sur l’ordonnance du 30 janvier 2009 relative à l’assurance vie
Les pragmatiques, pour leur part, se reconnaîtront dans les termes du rapport de présentation du texte au président de la République en considérant que cette évolution « prend acte de la profonde transformation des systèmes financiers et de la porosité de la frontière entre les produits d’investissement, d’épargne financière et d’assurance vie »..
Nicolas Lecoq Vallon, avocat, relève que « ce projet met un terme à l’idée que l’assurance vie ne présente aucun risque pour l’épargnant », ajoutant qu’« en mettant la charge de la preuve sur l’assureur, il sera beaucoup plus facile d’établir sa responsabilité en dehors de tout cas extrême tel que la souscription d’un contrat par un octogénaire… »
Les juristes, puristes du droit des assurances, voient cette nouvelle ordonnance comme une dérive, au même titre que le rapprochement des autorités de contrôle de la banque et de l’assurance.
La comparaison avec le devoir de conseil mis à la charge des Prestataires de services d’investissement (PSI) s’arrête là. En effet, « contrairement aux PSI, l’assureur pourra proposer un contrat même si les informations fournies par son client ne sont pas suffisantes. Ni la forme, ni le contenu de cette mise en garde ne sont à ce stade définis », souligne Xavier Cledat, avocat chez Clifford Chance. Il est donc difficile de soutenir qu’il s’agit d’harmoniser les conditions de commercialisation des instruments financiers et de l’assurance vie. Est-ce néanmoins parce qu’il est toujours loisible aux PSI et aux conseillers en investissements financiers de s’en dispenser au travers de la simple réception de transmission d’ordres ou de l’exécution simple…? Par ailleurs, Philippe Poiget, directeur des affaires juridiques et fiscales de la FFSA fait remarquer que « si cet objectif d’harmonisation est louable, c’est néanmoins oublier que le droit des assurances est plus exigeant. A titre d’exemple, aucun droit de renonciation n’existe à ce jour en droit financier ».
Nous avons vu que lorsque la conclusion du contrat fait intervenir un intermédiaire mentionné à l’article L.511-1 du Code des assurances, ce dernier est soumis en lieu et place de la compagnie au devoir de conseil et de mise en garde de l’article L.132-27-1 « La rédaction de ce nouvel article aura pour effet de renforcer la responsabilité de l’intermédiaire intervenu lors de l’opération de souscription », souligne Xavier Cledat. Le gouvernement devrait laisser autant de temps aux compagnies d’assurances qu’aux intermédiaires pour mettre en œuvre ces futures obligations
Etait-il nécessaire, dans le contexte actuel de crise économique, de rajouter une nouvelle strate d’obligations ? « Nous assistons depuis cinq ans à un empilement de textes que nous regrettons. L’ordonnance du 30 janvier 2009 n’apporte rien de nouveau mais oublie l’essentiel du contrat d’assurance vie, c’est-à-dire son environnement juridique et fiscal pour se concentrer sur ses aspects financiers », déclare le directeur des affaires juridiques et fiscales de la Fédération française des sociétés d’assurances Philippe Poiget.
De plus, cette ordonnance intervient alors que les autorités européennes sont en pleine réflexion sur l’assurance vie et les produits financiers au travers de sa consultation sur les « produits substituables ». « Les règles au niveau de l’Europe vont peut-être évoluer et il n’y avait donc pas d’urgence à sortir ce texte », poursuit Philippe Poiget. A présent, comme dans le cadre de l’ordonnance relative aux Marchés d’instruments financiers, la recherche systématique du profil type correspondant à chaque investisseur est privilégiée. « Il reste à découvrir si l’abus de consumérisme financier ne nuit pas finalement à ceux que l’on veut protéger », s’interroge l’avocate Dounia Harbouche. Si l’un des premiers apports de l’ordonnance est de soumettre tous les réseaux de distribution d’assurance vie de type épargne aux mêmes obligations en matière de formalisation du devoir de conseil, beaucoup regrettent que cette harmonisation ne concerne pas tous les produits d’assurance de personnes – comme ceux de prévoyance pure par exemple – et, au-delà, d’assurance dommages.