Notre société a vocation, sur la base de sa collection, à intégrer un secteur jeune et émergent et à se positionner pour un avenir très proche. Car si le web documentaire a pu se développer, c’est aussi grâce au déploiement des accès pour un plus grand nombre de nos concitoyens. La France vient de franchir le cap des 20 millions d’abonnés à l’internet haut et très haut débit, ce qui permet indéniablement de proposer des contenus du type « Prison Valley » à un public désormais très large. Ce moment est d’ailleurs passionnant tant les lignes bougent et personne ne sait réellement où le curseur s’arrêtera(82).
Dans la même perspective, nous croyons beaucoup à la télé connectée comme étant le mode de consommation de contenus le plus adapté, dans un avenir très proche, au public le plus large. La télé connectée c’est un téléviseur qui permet, sur le même écran, de regarder une émission et de consulter ses prolongements internet : même écran, même télécommande. C’est aussi une bataille qui faire rage entre les acteurs du secteur. Les partenariats signés directement entre fabricants d’écrans et fournisseurs de contenus inquiètent naturellement les distributeurs. Nous assistons seulement au début de cette connexion entre téléviseurs et internet.
Mais le phénomène devrait, selon certains observateurs, concerner 50 % des télévisions d’ici trois ans dans les foyers. Cette consommation des médias sur un mode délinéarisé, interactif, et non plus dans une logique de flux, va, de fait, toucher l’intégralité des médias. L’annonce par Google du lancement de sa solution technologique appelée Google TV, basée sur son système d’exploitation Androïd, afin « de combiner le meilleur de la télévision et de l’internet » et spécifiquement créée pour la télévision connectée en est un exemple. Et si nous ne considérons pas que la télévision soit morte, nous croyons avec conviction que l’émergence de contenus de qualité est nécessaire pour le web et pour les diffuseurs qui voudront y prendre une place significative.
Au delà, la multiplication des supports entraîne une multiplication des contenus ad hoc. Iphone, Smartphone, Ipad, les usages ne sont pas les mêmes, et les nouvelles écritures n’ont pas encore livré toutes leurs potentialités. Jusqu’à quel point peut-on s’écarter du linéaire? Les chantiers sont énormes. C’est ce que relève Joël Ronez : « On est au début d’une histoire. Il y a un problème fondamental – et nous, on tourne autour de cela et pour l’instant on n’a pas toutes les compétences, les moyens, les évolutions, l’industrie, les auteurs, les scénaristes, les producteurs, les technologies à notre service pour le résoudre – c’est comment on arrive à résoudre la contradiction entre ce format linéaire qu’est la vidéo (…) et la notion d’hypertexte qui est la révolution absolue en matière de contenus. (…) C’est un défi énorme. Il y a une industrie, un genre qui a réussi cela c’est celle du jeu vidéo. C’est vers là à mon avis que la production de contenus narratifs qu’ils soient fiction ou documentaire, c’est autour de cela à mon avis qu’il va falloir travailler. Par contre c’est vrai que là on est dans des budgets qui sont ceux du long métrage(83) ». Un de nos objectifs à moyen terme est de développer un certain nombre de programmes identifiants avec des écritures se rapprochant du jeu vidéo.
Les usages du public évoluent très rapidement à l’image d’ailleurs de ceux des créateurs. D’un côté, nous l’avons vu, de nouvelles écritures restent à inventer et à investir et, de l’autre, les secteurs tendent à se décloisonner. Notons, à cet égard, que l’université d’été de la bande dessinée 2010 aura pour thème « Transmedia, crossmedia, médiaglobal, de l’album singulier aux écrans multiples ». Le texte de présentation des débats pose notamment la question des auteurs au sein de ces mutations. Il indique : « un grand nombre d’auteurs migrent désormais du livre à l’animation, du cinéma à la programmation informatique ce qui annonce, depuis quelques années, une nouvelle génération d’auteurs pluridisciplinaires… à l’image de ces trois journées d’échanges(84) ».
C’est aux côtés de tous ces acteurs et de toutes ces nouvelles formes de création que nous voulons d’ores et déjà nous engager, afin, à terme, de devenir des acteurs du secteur capables d’effectuer des missions de conseil sur les contenus narratifs, et d’assurer le développement de projets innovants sur le web et sur tous les nouveaux canaux de distribution qui émergent.
82 A cet égard, un récent article d’Eric Mettout nous a paru significatif. L’intérêt vient moins de sa critique de « Prison Valley » considéré comme un bijou luxueux comparé à « Avatar », ni de sa vision de l’avenir du journalisme sur le web qui pose éminemment question. L’intérêt vient plutôt de cette délicieuse astérisque délicatement posée en bas de l’article après « j’ai bien peur, pour une fois, d’avoir raison » et qui nous dit : « (*) A cette réserve près, soulevée par ma boss, Corinne Denis, ce matin, que toutes ces âneries que j’ai écrites ci-dessus pourraient être remises en cause par l’éventuel succès de l’iPad, plate-forme idéale pour ce type de produit. ». Tout est dit.
83 Atelier “doc on web” organisé le 20 janvier 2010 à la SCAM
84 http://www.citebd.org/spip.php?article1399