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CHAPITRE 1ER L’ANCIEN RÉGIME DE RESPONSABILITÉ CARACTÉRISÉ PAR UNE GRANDE SÉVÉRITÉ À L’ÉGARD DU PRÉPOSÉ

ADIAL

La responsabilité civile était conçue initialement par les rédacteurs du Code civil comme une responsabilité individuelle avec pour finalité essentielle de réprimer les comportements contraires à la morale, en enjoignant l’auteur d’une faute à la réparer. Il s’agissait donc non seulement d’indemniser les victimes mais également de responsabiliser toute personne s’étant rendue coupable d’une faute ayant causé un dommage à un tiers. Ainsi, afin de répondre à cet objectif de responsabilisation, toute victime devait apporter la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité. Le principe d’imputabilité de la faute était fondamental et faisait nettement pencher la balance dans un sens soit favorable à la victime qui, en ayant rapporté la preuve de la faute, engage la pleine responsabilité du coupable qui ne peut s’y soustraire sauf preuve contraire, soit défavorable puisqu’en l’absence d’une telle preuve, la responsabilité de l’auteur présumé de la faute ne sera pas activée et la victime pas indemnisée. L’esprit initial qui animait le Code civil militait donc pour le principe de personnalité de la responsabilité.

Le régime de la responsabilité du commettant du fait de son préposé ne dérogeait pas à cet esprit puisque le droit civil classique soumettait le préposé, au même titre que toute autre personne, au régime de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle des articles 1382 et 1383 du Code civil. Se superposait à ce régime de droit commun la responsabilité du commettant édictée par l’article 1384 alinéa 5 du même Code, qui dispose que les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques ou préposés dans les fonctions auxquelles ils sont employés. Ce principe est resté vrai jusqu’au début des années 1990 puisque la Cour de cassation a pendant longtemps affirmé que le droit commun de la responsabilité posait l’obligation pour le préposé de réparer sa faute et que l’article 1384 du Code civil ne dérogeait pas à ce principe. Et plus précisément, les Première et Deuxième chambres civiles de la Cour de Cassation ont affirmé à plusieurs reprises que la garantie du commettant issue de l’article 1384 alinéa 5 ne profite qu’à la victime et non au préposé (Section 1).

Cependant, un écart croissant s’est formé entre la position officielle de la Cour de cassation qui était donc favorable au maintien d’une responsabilité intégrale du préposé et un courant doctrinal, législatif et jurisprudentiel invoquant la nécessité d’adoucir la condition du préposé. Plusieurs théories ont été ainsi développées pour justifier un revirement de jurisprudence et certaines solutions de première instance sont venues conforter ce courant naissant mais encore très minoritaire (Section 2).

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