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CHAPITRE 2 : LA CONTESTATION DOCTRINALE DU DROIT POSITIF

La jurisprudence Praslicka est très critiquée par la doctrine. Le premier reproche est qu’elle
crée « des disparités de traitement parfaitement illogiques et absurdes (77) » dès lors que le bénéfice
de l’’assurance-vie est qualifié tantôt de bien propre ou de bien commun selon le dénouement du
contrat. Ce n’est cependant pas la conséquence première de l’arrêt Praslicka. Les différences de
qualification du bénéfice dans l’assurance mixte dépend de l’application de l’article L. 132-16 du
code des assurances pour la couverture du risque décès qui déroge au droit commun toujours
applicable pour la garantie du risque de vie. Le véritable malaise que provoque la jurisprudence
Praslicka concerne l’anticipation qui est faite sur le dénouement du contrat.

En effet, la qualification du bénéfice en bien commun est justifiée lorsque le bénéfice est
attribué à l’époux souscripteur. Au contraire, si le contrat se dénoue par la mort de celui-ci, « lors
du partage de la communauté, il aura été alloti en ‘monnaie de singe’, par attribution d’une valeur
qui aura disparu, alors que son conjoint se sera vu attribuer les biens existant au jour de la
dissolution(78) ». Dans cette hypothèse, le bénéfice est un propre du conjoint mais qui aura été
rétrospectivement intégré dans la masse partageable de la communauté. L’assurance-vie « ne peut
pas accomplir la performance [de] créer deux [valeurs], l’une au profit du bénéficiaire et l’autre au
profit du souscripteur(79) ». Dans les faits, le souscripteur sera donc contraint à effecteur un rachat
intégral du contrat d’assurance-vie.

Cette anticipation sur le dénouement du contrat était compréhensible dans l’arrêt Praslicka
puisque le contrat avait déjà produit ses effets comme assurance en cas de vie au profit du
souscripteur après le divorce des époux. L’arrêt du 19 avril 2005 de la première chambre civile de la
Cour de cassation est infiniment plus critiquable. Il retient la solution de l’arrêt Praslicka dans une
situation où l’attribution du bénéfice est encore indéterminée.

Les problèmes liés à cette anticipation s’expliquent sur un plan théorique. Il n’est pas
rigoureux de calquer la valeur du contrat d’assurance-vie sur celle du droit au rachat. En effet, ce
droit éminemment personnel (SECTION 1) a une nature particulière exclusive d’une appréciation
patrimoniale (SECTION 2).

77 A. Depondt, Assurance-vie : les incohérences du droit positif (seconde partie), J..P.G.N. 2010, 1173
78 L. Mayaux, obs. sous Cass. Civ., 1ère, 19 avril 2005, R.G.D.A. 1 octobre 2005 n° 200, p. 1011 ; suivi d’une
démonstration chiffrée : « Aux lecteurs amateurs de chiffres, on donnera cet exemple. Soit une assurance
souscrite par un mari moyennant une prime unique de 200 euros payés en deniers communs. Au jour de la
dissolution de la communauté, l’actif commun s’élève à 400 euros et la valeur du contrat à 400 euros. Celle-ci
étant intégrée à la communauté par application de la jurisprudence Praslicka et de l’arrêt du 19 avril 2005 cidessus
rapporté, la masse partageable est de 800 euros, soit 400 euros pour chaque époux, le mari étant alloti
par l’octroi de la valeur du contrat égale à 400 euros. S’il ne rachète pas et décède ultérieurement avant
l’échéance du contrat, il n’aura rien reçu au titre de l’assurance, ce qui est normal, et rien non plus au titre de la
liquidation du régime de communauté, ce qui l’est moins. À l’inverse, s’il n’avait pas souscrit d’assurance, la
masse commune aurait été de 600 euros (les 400 euros de biens présents plus la prime de 200 euros qui n’a pas
été payée) soit une part de 300 euros pour le mari qui lui auraient été effectivement attribués. Il aura donc
perdu du fait de l’assurance 300 euros. Cette somme se décompose en 100 euros (la moitié du coût de la prime),
ce qui est logique, plus 200 euros correspondant à la part du conjoint dans la valeur du contrat, ce qui est
injuste et ne peut que pousser l’époux souscripteur à racheter. »
79 Ibid.

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