Il nous semble, compte tenu de la matière qu’est l’assurance vie, qu’il est inévitable
d’être en présence d’une jurisprudence finaliste. En effet, les contrats d’assurance vie ont une
telle importance économique, non seulement pour les particuliers mais également pour l’Etat
français, que l’on ne peut pas les qualifier sans tenir compte des conséquences économiques
néfastes que pourrait entrainer une mauvaise qualification de ces opérations. Les contrats
d’assurance vie sont économiquement importants pour les particuliers qui peuvent y placer
une part importante de leur patrimoine mais ces contrats sont également économiquement
importants pour l’Etat français car ils constituent une part importante de son économie.
La détermination d’une qualification juridique pour ces contrats doit donc être juridiquement
correcte mais également tenir compte de l’enjeu économique que la qualification choisie
pourra avoir. La détermination de la qualification juridique de cette opération ne peut donc
pas se faire sans prendre en compte les conséquences économiques qu’elle pourra avoir. Cette
nécessité s’imposant, la jurisprudence étant celle qui choisit la requalifier ou non l’opération
se doit donc d’être un minimum finaliste.
Cependant, si en la matière on ne peut pas ne pas prendre en compte les enjeux
économiques et financiers pour qualifier l’opération, le caractère actuellement très finaliste de
la jurisprudence nous semble un peu excessif et il nous semblerait qu’il faille le limiter en
posant un cadre juridique à la requalification d’un contrat d’assurance vie en libéralité et plus
précisément en donation indirecte.
Il nous semble qu’à l’heure actuelle, l’intervention du législateur soit nécessaire en la
matière pour que les situations dans lesquelles un contrat d’assurance vie souscrit à titre
gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire avec dénouement en cas de décès doit être requalifié en
donation indirecte soient précisément définies. En effet, ces situations sont actuellement
indéterminées et ce sont les juges qui sont amenés à trancher au cas par les cas les situations
qui doivent être requalifiées en donation indirecte et celles pour lesquelles la qualification de
contrat d’assurance vie doit être maintenue. Cette situation n’est pas aisée à gérer pour la
pratique car ce sont hypothèses qui peuvent se rencontrer relativement fréquemment en
pratique et pour lesquelles il n’y pas véritablement de critères de qualification certains de
poser.
L’intervention du législateur semble donc nécessaire et devrait consister, tout d’abord,
à prendre position sur le fait de savoir si l’assurance vie et les libéralités sont des
qualifications qui doivent se cumuler ou au contraire s’exclure. Une fois cette question
tranchée, le législateur devrait prendre position sur les critères de qualification d’un contrat
d’assurance vie en donation indirecte posés par la jurisprudence.
Pour compléter le travail déjà effectuer de la jurisprudence, le législateur devrait établir, fixer et
organiser des critères de qualification ou de requalification du contrat d’assurance vie en donation
indirecte mais également une hiérarchie entre ces critères de qualification. En effet, l’établissement de
critères clairs et précis permettrait de canaliser la jurisprudence et d’éviter qu’elle soit autant
finaliste dans ses décisions. L’établissement de critères pourrait permettre d’éviter les abus de
la part des deux parties dans la recherche d’une qualification de l’opération guidée par leurs
intérêts économiques et financiers.
L’établissement de critères de qualification de l’opération pourrait consister à exiger
que les critères posés par l’article 894 du Code civil soit expressément remplis mais
également qu’une absence d’aléa soit caractérisée pour que la requalification d’un contrat
d’assurance vie en donation indirecte puisse se faire.
Cette prise de position permettrait de stabiliser une jurisprudence aujourd’hui très
finaliste mais cette prise de position du législateur permettrait également d’orienter la
jurisprudence. En effet, l’intervention du législateur en la matière permettrait d’établir une
qualification incontestable de l’opération et ainsi de stabiliser les divergences jurisprudences
et doctrinales actuellement existantes. Une prise de position de la part du législateur
permettrait guider la pratique quand elle rencontre de telles situations, elle aurait alors une
base de critères à appliquer pour savoir comment qualifier. Un contentieux ne serait alors plus
systématiquement nécessaire pour établir la qualification à appliquer. La qualification ne se
ferait alors plus automatiquement en vertu d’une décision judiciaire.
Cependant, bien qu’une intervention du législateur nous semble utile et nécessaire, il
faut garder à l’esprit que le fait de poser un cadre législatif dans une situation non règlementée
peut avoir pour effet de poser un carcan législatif, ce qui aurait alors des conséquences
négatives. Ces conséquences négatives peuvent être une certaine privation de liberté. Mais la
mise en place d’une certaine privation de liberté est parfois nécessaire pour le respect des
intérêts de chacun. Par ailleurs, en étant amené à vérifier à chaque fois si un contrat
d’assurance vie risque de réaliser une libéralité voire une donation indirecte, cela risque de
créer plus de contentieux qu’il ne peut déjà en exister.
Mais, même compte tenu du risque de devoir faire face à des conséquences, il nous
semble qu’à l’heure actuelle et dans le cadre de la situation rencontrée, une intervention
législative visant à stabiliser la qualification soit nécessaire.
111 A moins que l’on ne considère que le droit doive être qu’une matière que l’on contorsionne afin de réaliser
les objectifs que l’on s’est fixer d’atteindre.