Fortement annoncé par les controverses jurisprudentielles et doctrinales précédemment étudiées, l’arrêt Société des parfums de Rochas(8) rendu le 12 octobre 1993 par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation constitue une véritable rupture avec l’ancien régime de responsabilité du préposé. Afin de mieux apprécier la portée de cette décision, un rappel sommaire des faits et de la solution retenue apparaît nécessaire. La société des parfums de Rochas s’estimait victime de concurrence déloyale et d’utilisation illicite de sa marque et a ainsi assigné en justice la Société Valières, sa concurrente, et deux de ses préposés qui, selon la société demanderesse, avaient directement concouru à l’accomplissement des actes illicites. Dans un premier temps, la Cour d’appel accueillit l’action exercée contre la Société Valières mais rejeta celle dirigée contre ses deux préposés. En se fondant sur le régime classique de la responsabilité du préposé, la société des parfums de Rochas a formé un pourvoi en cassation. Contre toutes attentes, la Chambre Commerciale rejeta le pourvoi de la société au motif que la Cour d’appel avait relevé que «les préposés avaient agi dans le cadre de la mission qui leur était impartie par leur employeur et qu’il n’était pas établi qu’ils en avaient outrepassé les limites», et avait ainsi pu légitiment en déduire «qu’aucune faute personnelle susceptible d’engager leur responsabilité n’était caractérisée à l’encontre de ces préposés dans la réalisation de l’acte dommageable». Ainsi, la Cour de Cassation considéra que la responsabilité des préposés devait être écartée. La rupture avec l’ancien régime apparaît donc nettement puisque cet arrêt consacre le principe selon lequel la responsabilité du préposé se trouve limitée à sa seule faute personnelle. Et en l’absence d’une telle faute, et s’il est constaté que le préposé a agi dans les limites de la mission qui lui a été impartie par son employeur, alors sa responsabilité ne pourra pas être recherchée. Une telle solution a pour conséquence de réorienter l’ensemble du régime de responsabilité du commettant du fait de son préposé (Section 1). Cependant, bien que constituant une étape importante dans le processus de consécration du principe de l’immunité du préposé, cet arrêt a présenté d’importantes lacunes, notamment en ce qui concerne la notion de «faute personnelle» (Section 2).
8 Cass.com 12 oct. 1993 : Bull.civ.IV, n°338