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Chapitre I. Généralités sur les revêtements PVD

I.1 Introduction

Les matériaux élaborés sous la forme de couches minces possèdent des propriétés physico-chimiques différentes en de nombreux points de celles des matériaux massifs. La nature chimique, la morphologie et la structure cristallographique du film sont en effet fortement liées à l’interaction se produisant entre le matériau à déposer et le substrat, lors de l’élaboration du revêtement. Afin de comprendre l’influence des conditions d’élaboration sur les propriétés finales du dépôt, l’étude des phénomènes réactionnels conduisant à la formation de l’interface et à la croissance du film est donc essentielle. C’est dans ce but que le chapitre présenté a été réalisé.

Nous décrivons d’abord les méthodes d’élaboration des dépôts atomistiques PVD ainsi que les avantages qu’offrent les techniques les plus représentatives en usage actuellement. Nous décrivons ensuite les mécanismes physico-chimiques de formation des dépôts atomistiques. Une attention particulière sera portée aux morphologies rencontrées à travers les différentes conditions de dépôt.

I.2 Techniques de dépôts physiques en phase vapeur

Le dépôt physique en phase vapeur «PVD» est un procédé de recouvrement de surface par des atomes ou molécules d’un matériau à déposer, qui viennent adhérer sur le substrat à recouvrir en passant par un milieu passif (vide ou atmosphère inerte) ou actif (plasma, gaz réactif). Différents mécanismes physiques permettent de générer les espèces constituant le dépôt. La figure I.1 illustre le principe de ce procédé.

Figure I.1. Principe du procédé PVD

I.2.1 L’évaporation sous vide

Cette technique consiste à chauffer sous vide le matériau à déposer sous une température à laquelle il y a une pression de vapeur appréciable pour son évaporation ou sublimation. La matière ainsi éjectée perpendiculairement à la cible vient se condenser sur le substrat placé à son voisinage pour former un revêtement.

Le dépôt est réalisé sous vide à une pression aux alentours de 10-3-10-4 Pa [1], de façon à limiter la collision entre les atomes évaporés et celles du gaz résiduel pour limiter la contamination des couches déposées et augmenter la vitesse de dépôt.

Les principales techniques d’évaporation se différencient par le mode d’évaporation de la cible: chauffage (effet joule, induction), bombardement électronique, faisceau laser, arc électrique. Le chauffage à résistance et à induction permet l’obtention de revêtements à une vitesse de dépôt élevée. En revanche, leur principal point faible est la nécessité d’utiliser une puissance suffisante pour mettre en vapeur les composés les plus réfractaires. De plus, l’énergie des particules arrachées à la source est relativement faible, ce qui entraîne une adhérence médiocre. Enfin, l’évaporation et le dépôt d’alliages peuvent être perturbés si les différents composés ont des températures de fusion ou des pressions de vapeur saturantes très différentes [1,3].

L’évaporation par bombardement électronique est la méthode la plus utilisée actuellement, dû à sa forte énergie de bombardement permettant d’évaporer les matériaux réfractaires, et sa grande vitesse de dépôt qui peut atteindre 50 μm/s. Malgré la facilité de mise en oeuvre de ce procédé, il présente plusieurs problèmes dus à la génération des émissions électrostatiques qui peuvent produire des étincèles et la pulvérisation du substrat lors de l’évaporation des matériaux diélectriques.

Quant à l’évaporation par ablation laser, c’est une technique qui utilise un faisceau laser impulsionnel pour l’évaporation de la cible dans un milieu ultravide. Les impulsions lasers permettent l’évaporation de matériaux sous forme de plasma. La pureté des dépôts ne dépend, dans ce cas, que de la pureté de la cible utilisée. C’est un procédé qui permet le dépôt d’une large variété de matériaux de haute pureté à température ambiante, permettant ainsi le revêtement sur tout type de substrats.

L’évaporation de la cible peut être obtenue aussi par l’érosion d’une électrode au moyen d’arcs électriques de très haute intensité dans une atmosphère réactive ou inerte. Les atomes éjectés sont en majorité ionisés, puis accélérés vers le substrat grâce à un champ électrique (figure I.2) [1]. Ce procédé a été utilisé depuis longtemps pour le dépôt des films minces de carbone et de métaux. Il fournit une forte densité d’électron qui permet d’ioniser les particules solides éjectées. Ceci permet d’obtenir un revêtement homogène, même pour des échantillons de formes complexes. D’une manière générale, l’évaporation à arc est un procédé très énergétique qui peut atteindre des vitesses de dépôt appréciables (aux alentours de 2μm/min) même pour la réalisation de multicouches alternées en utilisant plusieurs électrodes cibles [1].

Figure I.2. Sources d’évaporation à arc.

I.2.2 Pulvérisation cathodique

Le procédé de pulvérisation cathodique était classé comme non productif, jusqu’au développement du «système diode » (diode radiofréquence, triode, cathode magnétron…) qui permet d’augmenter la qualité et surtout la vitesse de dépôt [2]. Les systèmes de pulvérisation cathodique bénéficient maintenant d’une très grande popularité en milieu industriel. Ils sont peu performants au niveau du nombre de couches traitées simultanément et de la vitesse de dépôt, mais ils sont plus simples à mettre en oeuvre que d’autres procédés et ils permettent le dépôt de n’importe quel matériau solide à température ordinaire, surtout des matériaux difficiles à évaporer. La cible dans ce cas est portée à un potentiel négatif (la cathode) comme indique la figure I.3, d’où le nom de pulvérisation cathodique.

Figure I.3. Principe de la pulvérisation cathodique.

La pulvérisation d’un matériau cible est gouvernée par des phénomènes électrochimiques. Les atomes de la cible sont éjectés dans un gaz ionisé (inerte ou réactif). Sous une pression dans l’enceinte, le champ électrique créé par une haute tension entre les deux électrodes conduit à l’ionisation du gaz introduit formant ainsi un plasma. Les ions présents dans le plasma sont attirés par la cathode, et par transfert de quantité de mouvement éjectent des atomes de la cible. Les particules pulvérisées sont en général électriquement neutres. Elles sont diffusées dans toute l’enceinte. Un certain nombre d’entre elles sont recueillies sur le substrat, sur lequel elles forment une couche mince. Donc le plasma, appelé aussi la décharge luminescente [1], est la base de la pulvérisation cathodique. La pulvérisation par un gaz réactif sous vide (pression d’environ 10-3 Pa) est souvent utilisée pour les dépôts de composés tels que les nitrures, les carbures, les oxydes, et les sulfures.

Les paramètres gouvernant le dépôt de couches minces par pulvérisation sont :

– La pression du gaz partiel ;
– La composition du gaz partiel ;
– La puissance appliquée sur la cible ;
– La tension de polarisation du porte-substrat ;
– La densité de courant ;
– L’angle d’incidence des particules de bombardement ;
– La présence ou non des champs magnétiques.

Comme le matériau à déposer passe en phase vapeur à la suite d’un processus mécanique (transfert d’énergie de l’ion incident vers l’atome de surface au moment de la collision), on peut déposer pratiquement tous les matériaux inorganiques avec une bonne adhérence et recouvrement, et une faible porosité [1,4].
Il existe différents types de systèmes de pulvérisation cathodique, suivant le mode de création du plasma ou la nature de la cible (conductrice ou isolante) : diode à courant continu DC, triode à courant continu, ou haute fréquence RF. Nous décrirons ces méthodes de pulvérisation cathodique dans le paragraphe suivant.

1. Procédé diode

Le plasma est créé par une décharge électrique dans le gaz introduit entre deux électrodes (figure I.4) : une cathode (cible) et une anode (porte-substrat).

– Le procédé diode D.C

Le système de pulvérisation cathodique DC présente l’avantage d’être très simple à mettre en oeuvre. Son inconvénient majeur est la formation d’impuretés au niveau des couches déposées même à pression élevée vue qu’il n’ya pas assez d’électrons pour ioniser le plasma (contamination des couches par le milieu). Dans le cas de pulvérisation d’un matériau conducteur, les charges électriques des ions bombardant la cible s’accumulent à sa surface. Par conséquent, elles y créent un champ électrique qui repousse les ions du plasma. Ce qui réduit considérablement l’efficacité de la pulvérisation de ce type de matériau.

Figure I.4. Système de pulvérisation cathodique Diode.

– Le procédé diode R.F

Le dispositif haute fréquence présente la même structure que la pulvérisation DC, mais un champ électrique alternatif à haute fréquence remplace le champ électrique. La tension d’attraction des ions est donc alternative c’est-à-dire que la cible attire alternativement des ions pulvérisant ou des électrons qui neutralisent les charges apportées par ces ions. De cette manière, les charges sont éliminées d’une alternance à l’autre, pour ne pas s’y accumuler [1].
On peut donc pulvériser des matériaux conducteurs ou diélectriques. Ce procédé mène à des revêtements plus denses avec une surface plus lisse que le procédé D.C tout en éliminant la croissance colonnaire des couches.

2. Procédé Triode

Dans le système de pulvérisation cathodique DC triode, présenté dans la figure I.5, un filament de tungstène chauffé à une température de l’ordre de 2500 °C, émet des électrons qui sont accélérés dans un champ électrique crée par une anode portée à un potentiel électrique [1]. Ces électrons provoquent l’ionisation d’une faible fraction des particules du gaz qui se trouve entre ces deux électrodes.

Figure I.5. Système de pulvérisation cathodique Triode.

Une bobine extérieure allonge les trajectoires des électrons. Le champ magnétique les confère une trajectoire spirale, retardant ainsi leurs captures par l’anode et augmentant leurs probabilités de collisions ionisantes avec les atomes du gaz partiel. Ce champ magnétique a également pour effet de concentrer le plasma dans la zone centrale de l’enceinte.

L’ensemble constitué par le filament, l’anode et la bobine est un dispositif générateur de plasma indépendant de la cible et du substrat. Cette indépendance de la cible par rapport au plasma fait qu’il est possible de déplacer la cible au-dessus de l’anode ou lui donner n’importe quelle forme (ce qui n’est pas le cas avec des procédés diodes). Le substrat lui aussi peut être déplacé à volonté et se présenté sous n’importe quelle forme.
La décharge peut être entretenue à une pression plus faible que dans le montage DC, ce qui est un avantage du point de vue de la contamination des couches par le gaz partiel [4].

3. Procédé Magnétron

Ce type de procédé constitue une évolution de la pulvérisation cathodique classique. Originellement, la pulvérisation cathodique était surtout utilisée pour la microélectronique, mais grâce à l’apport du procédé magnétron, cette technique est maintenant aussi utilisée pour des applications mécaniques ou électriques. Dans le cas de l’utilisation d’une cathode magnétron, un champ magnétique orienté perpendiculairement au champ électrique (parallèle à la cathode) est créé par des aimants placés aux alentours du métal. Il permet ainsi de confiner les électrons au voisinage de la cathode (figure I.6). Les électrons s’enroulent autour des lignes de champ magnétique (figure I.7), augmentant considérablement les probabilités d’ioniser une molécule de gaz ce qui permet d’accroître le taux d’ionisation du gaz. Un schéma du dispositif est présenté dans la figure suivante :

Figure I.6. Principe de pulvérisation cathode magnétron.

Ce dispositif permet d’accroître de manière importante le rendement de dépôt comparativement à une pulvérisation cathodique conventionnelle. Il permet également de provoquer l’ionisation du gaz à une pression plus basse ce qui améliore la pureté des revêtements. Les vitesses de dépôt sont considérablement accrues et peuvent atteindre plusieurs μm/min [1].

Figure I.7. Effet de la cathode magnétron.

La pulvérisation magnétron peut être effectuée en utilisant une ou plusieurs cathodes qu’on appelle «dual magnetron» pour déposer des multicouches.

4. Pulvérisation par faisceau d’ions

Dans le procédé diode, la cible crée elle-même son plasma et attire les ions qu’elle avait engendrés. Dans le système de pulvérisation triode, les fonctions de création et d’utilisation des ions sont séparées.

Dans un système de pulvérisation par faisceau d’ions, les ions sont générés dans une chambre séparée. Puis, ils sont accélérés dans la chambre de pulvérisation et bombardent la cible dans un environnement sous vide relativement bon (environ 10-3 Pa).

Les faisceaux d’ions ont l’avantage que les électrons puissent facilement être dirigés par champs magnétiques ou électrostatiques. La pulvérisation par faisceau d’ions a l’avantage de pouvoir être effectuée dans un bon vide et à une grande vitesse de pompage. Par conséquent, la contamination de la couche déposée peut être contrôlée. En outre, le flux et l’énergie des particules de bombardement peuvent facilement être surveillés et contrôlés, et les matériaux isolants peuvent être pulvérisés.

Les inconvénients de cette technique peuvent inclure: la petite zone bombardée par le faisceau et le coût relativement élevé.

Le dépôt de pulvérisation par faisceau d’ions est utilisé dans le dépôt de certains revêtements optiques de hautes performances, ainsi que le nettoyage par pulvérisation et le processus d’IBAD expliqué dans le paragraphe suivant.

I.2.3 Implantation ionique ou «Ion Plating»

Le dépôt ionique est aussi appelé implantation ionique ou dépôt assisté par ionisation (Ion Assited Deposition-IAD).

Le dépôt ionique est un procédé qui utilise un bombardement ionique continu ou périodique du substrat. La technique a été initialement utilisée en 1964 pour l’amélioration de l’adhérence, le recouvrement et l’uniformité ainsi que la densification des couches PVD. Elle est utilisée par la suite pour améliorer les réactions chimiques dans l’élaboration des dépôts composés. Plus tard, le dépôt ionique s’est avéré utile pour contrôler les propriétés de couches CVD telles que la densité et les contraintes résiduelles [2].

Souvent, le terme «Ion Plating» est accompagné par des termes– par exemple, «Sputter Ion Plating», «Arc Ion Plating», etc. – qui indiquent la source de la matière de dépôt, la méthode utilisée pour le bombardement d’ions, l’environnement ou d’autres conditions particulières du dépôt.

Il existe deux versions courantes d’implantation ionique. Dans l’implantation ionique à base de plasma, la source d’évaporation est couplée avec un plasma réactif ou inerte. Le plasma non réactif est employé pour ioniser les particules évaporées et pour les accélérer vers le substrat qui est polarisé négativement. Le substrat est ainsi bombardé par des ions énergétiques. Cet apport d’énergie aux ions permet l’obtention d’un dépôt plus dense et une meilleure adhérence. Le milieu plasma joue le rôle d’un pont entre le substrat et la cible afin de réduire le parcours des atomes et accroitre la cohésion de leur trajectoire vers le substrat.

Quant au plasma réactif, il est employé pour générer des espèces qui réagissent avec les particules évaporées pour former un composé. Ceci mène à des couches uniformes et non poreuses. Dans cette technique de dépôt ionique, le substrat peut être positionné dans la région de génération du plasma ou dans un emplacement distant. La figure I.8.a montre une configuration de bombardement ionique à base de plasma à l’aide d’une source d’évaporation à arc.

Dans le dépôt ionique à vide, la couche est déposée dans le vide et le bombardement provient d’une source d’ions (canon à ions) ainsi, la source d’évaporation et la source d’ions énergétiques de bombardement peuvent être séparées. Ce procédé est souvent appelé dépôt assisté par faisceau d’ions (IBAD). La figure I.8.b montre un système IBAD à l’aide d’une source d’évaporation à faisceau électronique et un canon à ions. Le processus du bombardement ionique intervient dans la formation de la couche. Le bombardement durant la phase de nucléation des particules sur le substrat augmente la densité de nucléation. Il apporte de l’énergie thermique à la surface ce qui favorise la diffusion des adatomes et peut provoquer leur pulvérisation et redéposition.

Figure I.8. Principe de dépôt ionique, a) dépôt ionique à base de plasma, b) dépôt ionique à vide.

Le bombardement ionique avant le dépôt est utilisé pour le nettoyage de la surface du substrat. Alors que le bombardement durant le dépôt modifie la structure, la morphologie et les propriétés de la couche déposée. Il permet d’obtenir une bonne adhérence et densité du dépôt [39], mais favorise la croissance colonnaire des couches et augmente les contraintes internes du revêtement [1]. Cette technique est avérée utile pour des applications en tribocorrosion [4].

I.3 Préparation du substrat

La nature des substrats, ainsi que leur état de surface, affectent énormément les propriétés physiques de dépôt. Pour obtenir une bonne qualité de ce dernier, quel que soit son procédé d’élaboration, il est nécessaire d’avoir des substrats dont la surface est soigneusement nettoyée afin d’éliminer toutes les impuretés ou les graisses qui pourraient être présentes. Cela permet d’éviter les éventuels problèmes d’adhérence et de provoquer une activation de la surface.
Le nettoyage se fait en deux traitements essentiels: nettoyage chimique et nettoyage ionique, qui sont précédés généralement par un polissage mécanique dans le cas des substrats métalliques afin d’améliorer leurs état de surface.

– Polissage mécanique

Le polissage mécanique par abrasion s’effectue en deux étapes principales dans des conditions métallographiques standard (le dégrossissage et le finissage). La première étape consiste à polir grossièrement la surface sur des papiers sablés (en SiC) en rotation, à pouvoirs abrasifs décroissants et en présence d’eau pour éviter l’échauffement du substrat.

Ce type de polissage permet d’éliminer qualitativement les impuretés qui adhèrent fortement et résistent en particulier à une attaque chimique [11]. Il permet aussi de supprimer éventuellement tout défaut de surface. La seconde étape consiste à finir le polissage en frottant la surface sur des papiers de feutre en rotation en présence d’alumine et de l’eau ou de la patte diamantée.

– Dégraissage chimique

Le nettoyage chimique permet d’éliminer les contaminations organiques telles que les poussières, les graisses, les résines, et les oxydes qui se trouvent sur la surface du substrat.

Il s’opère sur deux bains de solvants organiques activés sous ultra-sons sur une durée qui dépend de l’état du substrat.

Le premier nettoyage est généralement réalisé dans un bain d’acétone et le second dans un bain d’éthanol pur.

– Décapage ionique

Le décapage est un bombardement ionique in situ qui consiste à bombarder le substrat par des ions de gaz neutre pour éliminer tout ce qui persiste après le nettoyage chimique et donne des surfaces très propres et très lisses. Le plus souvent, le nettoyage des surfaces métalliques se fait par un plasma d’argon ou d’hydrogène [11].

I.4 Mécanismes physiques de formation d’une couche mince

La formation des couches minces par dépôt physique en phase vapeur est le résultat de la condensation des particules éjectées de la cible sur le substrat. Elle s’effectue par une combinaison de processus de nucléation et de croissance décrits par la figure I.9.

Au moment de l’impact sur le substrat, les atomes incidents perdent leurs énergies cinétiques limitant ainsi leur capacité à diffuser dans le substrat. Ceci n’est vrai que s’il n’y a pas une énergie extérieure apportée à ces particules par chauffage du substrat ou bombardement ionique. Comme ils sont d’abord adsorbés, ils sont connus sous le nom d’adatomes [5]. Ces derniers se déplacent sur la surface jusqu’à atteindre l’équilibre thermique avec le substrat.

Pendant leur déplacement, les adatomes interagissent entre eux; créant ainsi des nucleus appelés aussi «clusters» ou îlots qui poursuivent leur déplacement en se développant et en entrant en collision les uns avec les autres [5].

Figure I.9. Processus de croissance de couches : nucléation, croissance des îlots, coalescence des îles.

Les îlots continuent à croître en nombre et en dimension jusqu’à ce que l’on atteigne une densité de nucléation dite la saturation.

L’étape suivante du processus de formation de la couche mince s’appelle la coalescence. Les îlots commencent à s’agglomérer les uns aux autres en réduisant la surface du substrat non recouverte. La coalescence peut être accélérée en augmentant la mobilité des espèces adsorbées, par exemple en augmentant la température du substrat. Pendant cette étape, de nouveaux îlots peuvent être formés sur des surfaces libérées par le rapprochement d’îlots plus anciens. Les îlots deviennent des îles qui continuent à croître, ne laissant que des trous ou des canaux de faibles dimensions entre elles. Peu à peu, une couche continue se forme lorsque les trous et les canaux se remplissent.

Selon les paramètres thermodynamiques du dépôt et de la surface du substrat, les modes de nucléation et de croissance d’îlots peuvent être décrits selon le mode d’assemblage de volumes élémentaires [7], comme étant :

. De type iles (appelé Volmer-Weber):

Pendant la croissance tridimensionnelle (3D), ou croissance Volmer-Weber, des îlots se forment et c’est leur coalescence qui va former un film. Ce mode de croissance est habituellement favorisé lorsque les atomes formant la couche déposée sont plus fortement liés entre eux qu’avec le substrat.

. De type couche (appelé Frank-Van der Merwe):

La croissance bidimensionnelle (2D), ou croissance Frank-Van der Merwe, est favorisée lorsque l’énergie de liaison entre les atomes déposés est inférieure ou égale à celle entre la couche mince et le substrat. Ainsi, les films se forment couche atomique par couche atomique.

. De type mixte (appelé Stranski-Krastanov):

Le troisième mode de croissance, nommé Stranski-Krastanov, est une combinaison des deux modes précédents : après un début de croissance bidimensionnelle, on observe un changement de mode de croissance alors que la formation d’îlots devient énergétiquement favorable.
La figure I.10 présente les trois types de formation d’une couche mince. En fait, dans la quasi-totalité des cas pratiques, la croissance de la couche se fait par formation d’îlots, puis d’îles, puis d’une surface continue [7].

Figure I.10. Les trois principaux modes de croissance des couches minces.

I.5 Morphologie des couches minces

Le mode de croissance des couches ainsi que les conditions de dépôt (température du substrat, nature du substrat, caractéristiques du gaz partiel, etc.) influent les orientations cristallographiques et les détails topographiques des îlots.

En fait, plusieurs modèles fondus sur des approches liées à la croissance des couches minces ont été développées pour étudier l’influence des paramètres d’élaboration sur la microstructure des couches. Une première description de la morphologie de couches minces obtenues par dépôt physique en phase vapeur a été présentée par Movchan et Demchishin en 1969 [2].

Figure I.11. Model structural (SZM) de Movchan et Demchishin [5].

Cette description est un modèle de classification structural appelé modèle de zone de structure (Structure Zone Model SZM), qui permet de corréler les propriétés de la couche avec les conditions d’élaboration. Comme le montre la figure I.11, on distingue principalement trois zones de différentes structures en fonction du rapport (T/Tm) de la température du substrat T et la température de fusion de la cible Tm [5].

. Zone 1: Dans ce domaine de basse température (T/Tm < 0,3), l’énergie des adatomes est trop faible pour qu’ils diffusent notablement. Les dépôts présentent une structure colonnaire et une faible compacité.

. Zone 2: Lorsque le rapport T/Tm est compris entre 0,3 et 0,5; la température étant plus élevée, la mobilité des adatomes devient importante en surface. De ce fait, la taille des grains et la compacité augmentent. La structure reste colonnaire, mais la surface est plus lisse.

. Zone 3: À haute température (0,5 < T/Tm < 1), la mobilité des atomes devient importante dans le volume, ce qui permet la diffusion, la relaxation et la recristallisation dans le dépôt. Les couches deviennent très compactes avec des grains équiaxiaux sur toute l’épaisseur.

Figure I.12. Modèle structural proposé par Thornthon [6].

Thornton propose un modèle qui complète le précédent en prenant en compte la pression d’argon dans la pulvérisation cathodique. Son modèle met en évidence une zone de transition, appelée zone T, entre les zones 1 et 2 (figure I.12). Dans cette zone, les grains ont une forme fibreuse sans microporosités [9].

Plus tard, Messier [10] a montré que le processus fondamental contrôlant la morphologie de la zone T n’était pas que la pression du gaz, mais aussi l’effet de la pression du gaz sur le bombardement ionique de la surface du film en croissance lors de dépôt par pulvérisation cathodique. Il a proposé une cinquième zone M de morphologie constituée de colonnes parallèles avec une surface en forme de dôme (figure I.13).

Figure I.13. Modèle structural proposé par Messier [10].

I.6 Conclusion

Après la réalisation d’une étude bibliographique sur les différentes techniques d’élaboration des dépôts physiques en phase vapeur PVD utilisés dans différents domaines industriels, ainsi que leurs caractéristiques, nous avons décrit brièvement les mécanismes physico-chimiques de formation de ces dépôts afin de comprendre et qualifier les morphologies que peuvent présenter ces types de couches minces.

En particulier, ce chapitre souligne la nécessité de contrôler soigneusement les conditions d’élaboration des revêtements (pression de dépôt , température du substrat, etc.) qui semblent constituer les paramètres clés à conditionner les propriétés physico-chimiques, mécaniques et tribologiques de la pièce revêtue.

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