Conformément au principe de l’annualité, les crédits budgétaires sont valables pour une seule année civile. Une fois l’année budgétaire écoulée, l’engagement de nouvelles dépenses ne peut intervenir que suite à une nouvelle autorisation parlementaire. L’autorisation de dépenses ouvre au gouvernement une simple habilitation d’effectuer des opérations de dépenses publique, il arrive que l’année budgétaire soit écoulée sans que les crédits votés ne soient consommés en entier.
L’application du principe de l’annualité en phase d’exécution se heurte à certaines contraintes comptables. Les opérations de dépenses publiques « se déroulent selon une procédure complexe dont la durée peut être plus ou moins longue, certaines opérations peuvent débuter une année pour se terminer l’année suivante » (122). En effet, il arrive qu’une dépense soit engagées en cours d’une année alors que son paiement effectif n’intervient que l’année d’après. Ces opérations seront-elles comptabilisées sur les crédits de l’année de son autorisation ou sur ceux de l’année de son exécution finale ? Autrement dit, l’utilisation de crédits se produit-t-elle par le simple engagement de la dépense ou bien par son paiement effectif ?
Face à ce souci, deux systèmes de rattachement comptable des opérations financières ont vu le jour. Le premier consiste à rattacher à l’année d’autorisation toutes les dépenses dont le fait générateur est survenu en cours d’année, même si leur paiement effectif est effectué des années plus tard. Le système de l’exercice conduit à prolonger la durée de l’autorisation et conduit à un retard dans l’arrêt des comptes par la loi de règlement. L’autre solution, consiste à rattacher à l’année d’autorisation, uniquement les dépenses et les recettes qui « ont été effectivement payées ou perçues ». Il s’agit du système de la gestion (123).
D’après l’article 3 du CCP « les opérations financières de l’État… sont exécutées dans le cadre du système de gestion ». En Tunisie, le système de gestion est appliqué avec quelques aménagements. En effet, tout en admettant la possibilité de prolonger l’autorisation « des dépenses se rapportant aux droits constatés au cours d’une gestion » jusqu’au 20 janvier de l’année suivante, l’article 3 du CCP précise que : « sont seules considérées comme appartenant à la gestion au budget correspondant, les recettes encaissées et les dépenses ordonnancées dans les douze mois de l’année budgétaires ». Ainsi conçue, l’annualité budgétaire conduit à l’annulation de tous les crédits sur lesquels aucun ordonnancement n’a été effectué (section I : L’annulation de crédits). Toutefois, une application absolue de la règle de l’annualité favorise le gaspillage, dans la mesure où elle « pousse les administrateurs à épuiser la totalité de leurs crédits à la fin de l’année, même si les dépenses correspondantes ne pas indispensables ». À cet effet, des reports de crédits ont été autorisés (Section II : le report de crédits) (124).
Section I : L’annulation de crédits
L’annulation de crédits relève de la compétence exclusive du Parlement. On distingue deux types d’annulations. D’une part, l’annulation de crédits restés sans utilisation en fin d’exercice, à l’occasion de l’approbation du résultat définitif de l’année par la loi de règlement du budget (Paragraphe I : Les annulations par la loi du règlement). D’autre part, l’annulation de crédits peut intervenir dans le cadre d’une loi de finances complémentaire, elle apparait dans ce cas comme de simple entorse à l’annualité et conduit à la régularisation de la prévision initiale (paragraphe I : Les annulations effectuées par la loi de finances complémentaire).
Paragraphe I : Les annulations effectuées par la loi de finances complémentaire
En l’absence d’une voie réglementaire, l’annulation de crédits en cours d’année nécessite une intervention du Parlement et l’adoption d’une loi de finances complémentaire. La possibilité d’annuler les crédits en cours d’année, s’induit de l’article 43 de la LOB qui dispose que : « d’autres modifications de la loi de finances peuvent survenir en cours d’année budgétaire et faire l’objet de lois de finances complémentaires… ». Les lois de finances complémentaires constituent, une catégorie à part de lois de finances. Elles ont pour rôle de revoir en cours d’année les prévisions initialement autorisées par le Parlement.
Les lois de finances complémentaires sont présentées aux assemblées sous forme de projet de loi préparé par le gouvernement, elles sont votées dans les mêmes conditions que la loi de finances sous réserve des règles de délais. En fait, la consommation de crédits en cours d’année est « fortement influencée par les recettes effectives » (125). Si la conjoncture s’annonce défavorable et « les rentrées fiscales s’avèrent inferieur aux estimations (126)» , il devient nécessaire de réduire le montant de certaines dépenses par une annulation de crédits.
Dans sa décision du 24 juillet 1991, le conseil constitutionnel français précise qu’un projet de loi de finances rectificative doit être déposé devant le Parlement « dans le cas où il apparaît que les grandes lignes de l’équilibre… définies par la loi de finances de l’année se trouveraient, en cours d’exercice, bouleversées ». L’annulation des crédits par la loi de finances complémentaires peut conduire à la contraction de la masse budgétaire et constitue un moyen pour faire des économies. Ainsi, la loi de finances complémentaire du 3 décembre 2002 a annulée une masse budgétaire de 347 MD de crédits de paiements, les prévisions de dépenses ont été portées de 11533 MD à 11186 MD.
Face à la crise économique provoquée par la guerre du Golf, la loi de finances complémentaire du 28 mars 1991 a touché « l’ensemble de la prévision initiale et s’est traduite par une contraction des masses budgétaires arrêtées au départ » (127). Elle a procédé à des annulations de crédits pour un montant de 85 MD, ces annulations ont été justifiées « non seulement par la crise du Golfe mais aussi par les estimations optimistes des ressources au mois de décembre » (128).
Outre le fait qu’elle se présente comme une mesure d’économie, l’annulation de crédits par la loi de finances complémentaire peut servir de gage à l’ouverture de crédits nouveaux. Ces annulations apparaissent comme un moyen de réajustement de la prévision initiale et se traduisent, par une annulation de crédits sur poste surévalué accompagnée d’une ouverture d’un nouveau crédit sur un poste sous-évalué. L’annulation de crédits par la loi de finances complémentaire ne conduit pas nécessairement à la contraction de la masse budgétaire initiale, elle peut intervenir même lorsque la masse budgétaire est augmentée en cours d’année. Ainsi, la loi de finances complémentaire du 15 décembre 2008 est venue majorer le montant global des crédits alloués au gouvernement, toutefois, elle procède au même temps à la réduction des dotations de la dette publique dont le montant est passé de 3,57 MD à 3,39 MD.
Enfin, il faut noter qu’en France, il est possible de procéder à des annulations de crédits par simple voie réglementaire. D’après l’article 14 de la LOLF : « afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. Un crédit devenu sans objet peut être annulé par un décret pris dans les mêmes conditions ». Cette possibilité permet au gouvernement d’éviter la longue procédure parlementaire et d’agir en temps utile pour modifier à la baisse le montant des crédits prévus dans le budget.
Paragraphe deux : L’annulation de crédits par la loi de règlement du budget.
Les crédits non-utilisés en cours d’exercice budgétaire sont annulés par le Parlement à l’occasion du règlement définitif du budget (129). Ce type d’annulation des crédits non utilisé en cours d’année, se pratiquait en France même avant l’apparition de la notion de loi de règlement. En fait, dés son origine, le droit budgétaire permettait au parlement « d’approuver les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l’année, complété, le cas échéant, par des lois rectificatives » (130). Cette différence entre les dépenses effectué et les crédits voté s’apprécie « à l’égard de dépenses non réalisées : la traduction de cette non-réalisation résidera alors dans l’annulation des crédits budgétaires mis à la disposition des ministres dépensiers ».
La loi de règlement du budget, appelée autrefois la « loi des comptes », constitue une troisième catégorie de loi de finances. D’après l’article 28 de la Constitution de 1959 « la chambre des députés et la chambre des conseillers adoptent le projet de loi de finance et de règlement conformément aux conditions prévues par la loi organique du budget », l’article 48 de la LOB précise que « le projet de loi de règlement du budget est soumis au vote de la chambre des députés dans les mêmes conditions que le projet de loi de finances ». Toutefois, cette dernière se distingue de la loi de finance de l’année et de la loi de finances complémentaire, étant donné que son action se borne au fait « de réviser une dépense et ne saurait, en tout état de cause, décider d’une dépense pour son principe ». Son rôle réside dans le contrôle des opérations déjà effectuées, par le droit de régler les dépenses qui « s’effectue en annulant les crédits non employés » (131)
En Tunisie, Sous l’empire de la première LOB de 1960, la loi de règlement se contentait de constater « le montant définitif des encaissements des recettes et des ordonnancements de dépenses effectués au cours d’une même gestion », et à autoriser « le transfert du résultat de l’année au compte permanent des découverts du trésor » (132). Aucune référence aux annulations de crédits n’avait été prévue. D’ailleurs, les lois de règlement votées en vertu de ce texte ne font aucune mention aux crédits annulés, elles se limitaient à constater simplement le résultat entre les crédits ouverts par la loi de finances et les dépenses payés en cours d’année. Selon le Professeur Joël Molinier, même en l’absence de référence expresse, « l’annulation par la loi de règlement des crédits inutilisés étant englobée dans l’approbation par cette loi des différences entre résultats définitifs et prévisions initiale » (133).
La LOB actuelle est plus explicite quant à l’annulation des crédits non consommés. D’après son article 45, la loi du règlement constate le montant effectif des recettes encaissées et des dépenses ordonnancées en cours d’année ; « il annule les crédits sans emploi et autorise le transfert du résultat de l’année au compte permanent des découverts du trésor après déduction des sommes restées disponibles sur les ressources à affectation spéciale ». Ainsi, les crédits sur lesquels aucun ordonnancement de dépense n’a été fait, sont simplement annulés par la loi de règlement. Enfin, il arrive qu’une dépense soit ordonnancée lors d’une gestion alors que son paiement effectif n’intervient que l’année d’après. D’après la formule utilisée par l’article 45 de la LOB, l’emploi des crédits s’apprécie au moment de l’ordonnancement de la dépense. Ainsi, seuls seront annulés par la loi de règlement du budget les crédits dont l’opération de dépense n’est pas encore arrivée au stade de l’ordonnancement, car en principe les dépenses ordonnancées et non encore payées sont considérées par la loi de règlement du budget comme correspondant à des crédits utilisés.
L’annulation des crédits non employés en cours d’année peut avoir plusieurs raisons. Elle peut être justifiée par la surévaluation des prévisions initiales. Elle peut également être justifiée par l’impossibilité de l’exécution d’une dépense prévue dans le budget, lorsqu’une disposition législative « conduit à rendre sans objet, donc à annuler, des crédits » (134). La non-utilisation des crédits budgétaires peut être aussi la conséquence de certaines pratiques administratives telles que le blocage de crédits ou le refus du visa d’engagement.
Le blocage des crédits budgétaires s’effectue en cours d’année, par les décisions de gel de crédits et de leur mise en réserve. Cette pratique fortement critiquée par la Cour des Comptes française n’a pas de fondement juridique, elle constitue une atteinte irrégulière à la notion d’autorisation. Le gel de crédits se réalise en France par des lettres du premier ministre ou du ministre des finances ayants pour objet d’empêcher un service, de dépenser un montant régulièrement inscrit à son budget. Tel est le cas de l’instruction de la direction du budget adressée aux contrôleurs financiers datant du 28 juin 1995, selon laquelle : « les crédits non annulés mais dans la base des crédits mis en réserve ne sont pas dégelés. Cette information ne doit pas être portée à la connaissance des services » (135). Afin de soumettre la pratique de blocage de crédits à une certaine transparence, le législateur organique français vient préciser que « tout actes, qu’elle qu’en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponible, est communiqué aux commissions des finances » (136).
Quant au refus du visa d’engagement, il s’agit d’une pratique qui tend à empêcher l’engagement ou le paiement d’une dépense. En effet, le ministre des finances a un agent dans chaque ministère, les contrôleurs financiers sont chargés d’accorder leur visas avant tout engagement et paiement des dépenses. Il arrive que « la direction du budget procède à des annulations larvées en demandant par instructions aux contrôleurs de refuser ou de différer le visa d’engagement » (137). En Tunisie, les rapports de la Cour des Comptes n’apportent aucune précision sur ces pratiques qui, si elles existent, constitueraient une raison de non-utilisation de crédits conduisant a fortiori à des annulations de crédits par la loi de règlement.
L’annulation de crédits par la loi de règlement concerne uniquement « les crédits de paiement non utilisés à la clôture d’une gestion. Les crédits d’engagement sont valables sans limitations de durée. Ils sont reportable d’année en année jusqu’à ce qu’il soit procédé, éventuellement, à leur clôture » (138).
Deuxième Section : Le report de crédits
Le report de crédit « permet d’inscrire au budget suivant des crédits qui n’ont pas été consommés au cours de l’exercice écoulé » . Cette technique constitue une véritable exception au caractère annuel de l’autorisation de dépenses, elle établit « une sorte de passerelle d’un exercice budgétaire à un autre » et prolonge l’autorisation de dépenses au-delà de l’année (140).
La faculté de report assure la permanence des crédits. Elle permet à un service d’utiliser un crédit « dans un exercice ultérieur à celui pour lequel il avait été autorisé » (141). Les crédits reportés d’un exercice à l’autre doivent être employés à la même dépense que celle pour laquelle ils étaient votés. Généralement, les reports de crédits résultent d’une surévaluation des dotations budgétaires des chapitres concernés.
Dans sa dimension d’origine, le report de crédits se présentait comme un cas particulier d’annulation de crédits. Les auteurs classiques de droit budgétaire, notamment René Stourm, classent les annulations de crédits dans deux catégories : d’une part, « les annulations effectives » comportant une radiation définitive des crédits et d’autre part, « les annulations d’ordre avec report aux exercices suivants ».
Ce second type d’annulation n’apporte aucun soulagement du trésor public, il consiste en de simples ajournements des dépenses. Selon le Professeur M. Conan : « les annulations pour transport aux exercices suivants des crédits non employés ne sont rien d’autre que des reports de crédits tel que inscrits à l’heure actuelle dans le droit contemporain » (142).
Tels que apparu en France, les reports de crédits étaient de la compétence du Parlement s’effectuaient à l’occasion du règlement du budget. Ensuite, des reports limités aux crédits applicables à l’exécution de certains programmes de travaux furent autorisés au moyen de loi de spéciale appelée « collectif de report » (143). La possibilité de reporter les crédits par voie réglementaire ne fut introduite qu’au début des années cinquante, elle fut définitivement fixée avec le décret du 14 novembre 1955 et reprise par l’ordonnance du 2 janvier 1959. En Tunisie, l’idée de reporter les crédits non utilisés n’a pas été envisagée dans la LOB de 1960, le principe de l’annualité était posé « d’une manière stricte, sans exceptions ni réserve » (144).
En vertu de la LOB de 1967, la possibilité d’opérer des reports de crédits fut introduite. Son article 14 prévoit le report des crédits d’engagement non employés en fin d’exercice (Paragraphe I : Le report de crédits d’engagements), alors que les articles (9, 21 et 24) autorisent respectivement le report des soldes créditeurs des dépenses des fonds de concours, des établissement publics dotés de budget rattachés pour ordre et des fonds spéciaux du trésor ( Paragraphe II : le report des soldes créditeurs). Les articles qui autorisent le report ont été modifiés à plusieurs reprises, sans pour autant préciser la nature des actes qui autorisent cette opération. Face à cette lacune, le report de crédits ne peut être opéré qu’à l’occasion du règlement des comptes publics par la loi de règlement, d’ailleurs en pratique les traces des reports n’apparaissent nulle part à l’exception de la loi de règlement.
Paragraphe premier : Le report des crédits d’engagement
Afin de réaliser certains projets prévus par les plans de développement, l’État doit étaler son action sur plusieurs années. Le cadre annuel de l’autorisation s’avère inadéquat pour encadrer les prévisions des opérations de dépenses à caractère pluriannuel. Face à ce souci, la première solution qui était envisagé par la LOB de 1960 consistait à voter des budgets s’étalant sur plusieurs années. Depuis 1967, une nouvelle solution a été conçue, elle consiste à fragmenter l’autorisation relative aux dépenses d’investissement en trois morceaux. D’après l’article 13 de la LOB « les crédits afférents aux dépenses en capital sont répartis en crédits de programme, crédits d’engagement et crédits de paiement ».
Les crédits de programme déterminent le projet à réaliser et fixent son coût global. Les crédits d’engagement fixent la limite au-delà de laquelle les dépenses ne peuvent être engagées durant l’année de l’autorisation. Enfin, les crédits de paiement sont destinés à l’ordonnancement effectif de ces dépenses. Parmi ces trois types d’autorisations, seuls les crédits d’engagements ont une portée pluriannuelle. Cela ressort de la formule utilisée par l’article 14 de la LOB, selon laquelle « les crédits d’engagements sont valables sans limitation de durée ».
En effet, les crédits de programme ne constituent pas à vrai dire une autorisation budgétaire du fait qu’ils n’habilitent pas le gouvernement à effectuer des opérations de dépenses publiques, ils constituent « le préalable, la base légale-si on ose dire-des crédits d’engagement » (145). D’ailleurs, d’après l’article 13 de la LOB, ces crédits « ne peuvent engager l’État que dans la limite des crédits d’engagement ouverts par la loi de finances ». Quant aux crédits de paiement, ils sont destinés au paiement effectif des dépenses engagées en vertu des crédits d’engagement. D’après l’article 14 de la LOB « les crédits de paiement non utilisés à la clôture d’une gestion sont annulés… ».
Le fait de ne pas limiter les crédits d’engagement au seul cadre annuel, permet au gouvernement d’avoir une vision à long terme sur les investissements prévus par les crédits de programme, il évite l’inconvénient d’une mauvaise gestion puisqu’il offre au gouvernement la possibilité de choisir le moment adéquat pour le lancement du projet envisagé. Les ordonnateurs sont totalement libres dans la manipulation des crédits d’engagement, le gouvernement peut « consommer l’intégralité desdits crédits dès l’année de leur ouverture, ou, en partie cette année et en partie l’année suivante. Comme il peut n’entamer la consommation qu’au cours des exercices ultérieurs, il peut, enfin ne jamais les consommer et les annuler » (146). L’autorisation d’engagement permet au gouvernement de conclure tout les marchés et de passer toutes les commandes afférentes au projet pluriannuel. Si la conjoncture s’avère défavorable l’année de l’autorisation, la faculté du report permet au gouvernement de retarder le lancement du projet à une date ultérieure.
Cette faculté de report est prévue à l’article 14 de la LOB qui, dispose que « les crédits d’engagements sont reportables d’année en année jusqu’à ce qu’il soit procédé, éventuellement, à leur clôture ». Toutefois, même à défaut de telle disposition, le report des crédits d’engagement est possible, étant donné que par définition même ces crédits sont valables sans limitation de durée. En effet, les crédits d’engagement valent pour le gouvernement « un droit acquis duquel il peut disposer à sa guise sous la seule réserve de respecter la règle de la spécialité » (147).D’ailleurs l’article 14 de la LOB précise que « les crédits d’engagements sont valables sans limitation de durée ».
Outre les crédits d’engagements, la possibilité de report de crédits s’applique également sur les soldes créditeurs, restés disponibles après la fin de l’année budgétaire.
Paragraphe deux: Le report des soldes créditeurs
En principe, la faculté de reporter les crédits de paiement n’est pas admise, cela ressort de l’article 14 de la LOB qui dispose que « les crédits de paiement non utilisés à la clôture d’une gestion sont annulés ». Cette interdiction trouve ses limites, au niveau de certaines opérations à ressources affectées.
En effet, certaines opérations à ressources affectées échappent au cadre annuel de l’autorisation. Cela se vérifie pour les dépenses des fonds du trésor et les dépenses des établissements publics dotés d’un budget rattaché pour ordre. En ce qui concerne les FST, l’article 21 de la LOB dispose que : « le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un fonds spécial du trésor ne peut excéder le total des ressources du même fonds. Les excédents de chaque fonds sont reportables d’année en année, sauf disposition contraire décidée dans le cadre de la loi de finances ou la loi du règlement du budget ». Pour ce qui est des établissements publics soumis au CCP, l’article 18 de la LOB prévoit que : « outre les dépenses des établissements publics réglées directement par le budget de l’État, il est alloué à chaque établissement public un budget autonome constitué de deux titres… les excédents constatés à la clôture de l’année sont reportés au budget de l’année pour l’année suivante ».
Le report des soldes créditeur des BRPO et des FST, se justifie par la décision d’affectation entre ressources et charges. La corrélation entre les recettes et la dépense à laquelle elle est affectée « ne doit pas être dénouée, ni au cours de l’année budgétaire, ni même à la clôture de l’exercice. Le report de l’excédent des recettes devient non seulement légitime mais obligatoire » (148). Par ailleurs, il arrive en fin d’exercice que les crédits autorisés ne soient pas intégralement consommés, ou bien que le montant des recettes réalisées déborde celui des dépenses effectuées, dans ces deux cas, on se retrouve en fin d’exercice avec un excédent des recettes sur les dépenses, un solde positif. Dès lors, le respect de la décision d’affectation exige l’emploi de ces soldes à la même dépense prévue initialement, et conduit à leur report.
Outre les opérations des BRPO et des FST, la pratique du report des soldes excédentaires concernait également les dépenses des fonds de concours. Jusqu’en 1996 l’article 9 de la LOB prévoyait que « les fonds de concours constituent des sommes versées par des personnes morales ou physique pour subvenir, avec celle de l’État à des dépenses d’intérêt public. Les soldes disponible à la clôture de l’année budgétaire sont reportables sans limitation de durée ». Comme les FST et les BRPO, les fonds de concours constituent une exception à la règle de la non-affectation. Toutefois, si la décision d’affectation s’effectue pour les BRPO et FST par voie législative, pour les fonds de concours l’affectation s’effectue par voie réglementaire. D’après l’article 19 de l’actuelle LOB, les fonds de concours « sont ouverts et supprimés par arrêté du ministre des finances ». Selon le Professeur Amselek, le report des soldes excédentaires des fonds de concours peut avoir lieu, en l’absence même d’une disposition législative car « sans le report, l’affectation qui grève les recettes ne serait pas effectivement affectées à l’emploi visé par la partie versante » (149).
122 (J-B) Toulouse, « Finances publique et politiques publiques », Economica, p 47.
123 (J-B) Toulouse, supra, p 47.
124 (Ph) Loïc, « Finances publiques », p 182.
125 (H) Ben Selma, « la loi de finances complémentaire », mémoire pour l’obtention du diplôme d’études approfondies en droit public », Sousse 2002, p 54.
126 (H) Ben Selma, supra, p 54.
127 (H) Ben Selma, supra, p 55.
128 (H) Ben Selma, supra, p 56.
129 (G) Orsoni, « L’exécution de la loi de finances », Paris Economica, p 14.
130 (M) Conan, « La non-obligation de dépenser », Bibliothèque de sciences financière, Tome 43, L.G.D.J, p.
131 (M) Conan, « La non-obligation de dépenser », Bibliothèque de sciences financière, Tome 43, L.G.D.J, p143.
132 Art. 15 de la LOB de 1960.
133 (M) Conan, supra, p 140.
134 (G) Orsoni, « régulation budgétaire et non-utilisation des crédits dans l’exercice », in RFFP, n ° 12, année 1985, p 162.
135 (G) Orsoni, supra, p 37
136 (S) Kott, (C) Moniolle, « Finances publiques », Ellipses, p 14.
137 (P) Di Malta, (J-C) Martinez, « Droit budgétaire », Litec 1989, p 469.
138 Article 14 de la LOB.
139 (C) Bigaut, « Finances publiques, Droit budgétaire », Eyrolles 1991, p 63.
140 (P-M) Gaudemet, (J) Molinier, supra, p 308.
141 (G) Orsoni, supra, p 151.
142 (M) Conan, supra, p 150.
143 Jusqu’au début du siècle dernier, la possibilité de report était exceptionnelle. C’est à partir des années qui précédèrent la première guerre mondiale que « des textes spéciaux, de plus en plus nombreux, vinrent étendre cette possibilité de reporter les crédits non utilisés : le plus important de ces textes est la loi du 27 février 1912 ». (P) Amselek, « le budget de l’État sous la 5ème République », p 368.
144 (S) Chelli, « la programmation des dépenses d’investissement et annualité budgétaire », in RTD 1982, p 439.
145 (L) Mechichi, supra, p 278.
146 (L) Mechichi, supra, p 285.
147 (L) Mechichi, supra, p 285.
148 (L) Mechichi, supra, p 215.
149 (P) Amselek, supra, p 376.