Conformément à la règle de la spécialité, l’autorisation de dépense « ne porte pas seulement sur un montant mais également sur un objet : tel service de tel ministère est autorisé à engager une dépense jusqu’ à tel montant pout tel objet particulier » (105). La règle de la spécialité de crédits exige l’utilisation des crédits conformément à la répartition établie dans les tableaux budgétaires, pour qu’elle soit efficace, cette spécialisation doit rester inchangée tout au long de l’année. la règle de la spécialité a remplacé le système de l’abonnement qui était pratiqué en France pendant la période du premier Empire et qui consistait à « allouer au gouvernement une somme globale, forfaitaire, que ce dernier peut utiliser à sa guise pour financer l’ensemble des dépenses de l’État au cours de l’exercice … la seule limite qui lui est imposée est de ne pas dépasser le chiffre global » (106).
En Tunisie, outre le cas des autorisations contractées, les crédits budgétaires sont spécialisés dans le budget par chapitre et par partie. Le chapitre budgétaire désigne en principe l’organe chargé de l’exécution du crédit. Quant à la partie, elle désigne la nature de la dépense à effectuer. Les crédits de chaque partie subissent une spécialisation plus poussée qui s’effectue par voie réglementaire pour répartir les crédits de chaque partie par article. Selon l’article 31 de la LOB « la répartition par partie et par article des crédits votés des dépenses du titre premier et du titre deux du budget de l’État est effectuée par décret. Ce décret ne peut apporter aucune modification aux crédits votés ».
Les interversions de crédits accordent au gouvernement la possibilité de dépenser de façon différente de celle prévue par la loi de finances. Ces actes conduisent à la modification de la répartition initiale des crédits et se présentent comme de véritables atténuations à la règle de la spécialité des crédits. Concrètement, les interversions de crédits permettent à l’exécutif de faire passer les deniers publics d’un poste budgétaire à autre. Ces opérations se traduisent sur le plan comptable, par une annulation d’un crédit sur un poste budgétaire accompagné de l’ouverture d’un crédit d’égal montant sur un autre poste. Les interversions de crédits conduisent la transformation de la physionomie du budget et donnent lieu à une nouvelle répartition de crédits décidée par un acte réglementaire. Elles autorisent entre autres des dépassements de crédits, puisqu’elles permettent de majorer les dotations de certains postes budgétaires au détriment d’autres.
On distingue deux types d’interversions de crédits. D’une part, des interversions matérielles de crédits qui permettent la modification de la nature de la dépense autorisée par la loi de finances (Section II : Le virement de crédits). D’autre part, des interversions organique qui se contentent à modifier la détermination du service responsable de l’exécution de la dépense (Section I : Le transfert de crédits).
D’après l’article 40 de l’actuelle LOB : « aucun transfert ou virement de crédits d’engagement ou de paiement à caractère évaluatif ne peut être opéré au profit de ceux à caractère limitatifs ». Cette disposition qui fut introduite au sein de la LOB par la réforme du 26 décembre 1989 suite à l’introduction de la notion de crédits évaluatifs, elle tend à préserver la valeur de l’autorisation parlementaire et à éviter la majoration des crédits limitatifs par prélèvement sur les dotations évaluatifs puisque ces dernières ne sont pas limitées dans leurs montants.
Première Section : Le Transfert de crédits
La technique de transfert de crédit permet au président de la république, de modifier en cours d’année la détermination du service responsable de l’exécution de la dépense publique, sans changer la nature de cette dernière. C’est ainsi que « des crédits de bibliothèque pourraient, par voie de transfert, être transférés aux services du ministère de la recherche pour être donnés aux services du ministère de l’éducation. Le crédit conserve sa nature, il s’agit toujours d’achat de livres mais le service responsable de l’exécution est changé » (107).
Le recours aux transferts de crédits tient à des considérations d’organisation des services étatiques. Il répond à la nécessité d’adapter la gestion des crédits aux réformes administratives ou gouvernementales intervenues en cours d’année. Le transfert de crédits se traduit concrètement par un transport de fonds entre chapitres budgétaires et conduit à la modification de la répartition des crédits par chapitre.
D’après l’article 35 de la LOB, le transfert de crédit s’effectue dans deux conditions. Ce procédé ne peut intervenir qu’à l’occasion d’une réforme administrative ou gouvernementale (Paragraphe I : la réforme administrative ou gouvernementale) et ne doit en aucun cas conduire à la modification de la nature initiale de la dépense (Paragraphe II : le respect de la nature de la dépense).
Paragraphe premier : la nécessité d’une reforme administrative ou gouvernementale.
Le transfert de crédits constitue une solution, à la dissociation imposée en cours d’année entre le service bénéficiaire de la dépense et le service utilisateur. Face à un changement dans les structures administratives ou gouvernementales, la nomenclature budgétaire établie par la loi de finances devait évoluer pour permettre le fonctionnement normale des services mutés d’un département à un autre, le transfert permet ainsi de faire coïncider en cours d’année les structure budgétaires avec les nouvelles structures étatique imposé par la reforme. En effet, lorsqu’un service est muté d’un département à autre, les crédits accordé à ce service suivront le même sort et seront transporté d’un chapitre à autre par voie de décret.
La réforme administrative ou gouvernementale doit être assez importante et « dépasser le cadre d’un seul département » (108). Il peut s’agir d’une simple réattribution de compétences entre les départements déjà existants, ou bien de la création d’un nouveau département. Il peut y avoir recours au transfert également en cas de lancement d’une opération interministérielle, dans cette hypothèse le transfert permet aux différents ministères d’apporter leur concours au département chargé de l’exécution de l’opération en cause, ces transferts assurent la participation financière d’un ministère à la réalisation d’une opération interministérielle.
Une réforme administrative peut se traduire par un changement de tutelle de certains établissements publics. En fait, les établissements publics sont des entités publiques qui disposent de la personnalité morale et de l’autonomie financière, ils participent avec l’État à l’accomplissement d’un service public.
Les opérations financières de ces entités publiques échappent en grande partie au contrôle parlementaire, seuls les comptes de certains établissements publics à caractère administratif figurent dans la loi de finances sous forme de budgets rattachés pour ordre, Les établissements publics à caractère industriel et commercial fonctionnent avec un simple document prévisionnel. Toutefois, comme les entreprises publiques, tous les établissements publics bénéficient de subventions d’équilibre qui leur sont accordées par le budget général placé dans les chapitres correspondant à leur ministère de tutelle. En cas de changement de tutelle d’un établissement public, le transfert permet de transporter les subventions d’équilibre d’un chapitre à autre. Dans ce sens, le décret n ° 2009-628 du 29 mars 2009 a été pris à l’occasion de la mutation des services du « centre national de formation continue et la promotion professionnelle » et son placement sous tutelle du ministère de l’emploi alors qu’il relevait auparavant du ministère de l’éducation. Cette reforme a nécessité un transfert de crédits du « chapitre XXVII : ministère de l’éducation » vers le « chapitre XXVIIII : Ministère de l’emploi, de l’insertion professionnelle et de la jeunesse ».
Le même décret procédé à un transfert de crédits du « chapitre III : Ministère de l’enseignement supérieure, de la recherche scientifique et technologie » vers le « chapitre XIII : ministère de l’agriculture » portant sur des crédits d’engagement pour un montant de 3224,36 MD. Ce mouvement de crédits se justifie par le changement de tutelle de « l’institut des sciences et de technologie de la mer » et son placement sous la tutelle du ministère de l’agriculture et des ressources hydraulique (109). Il faut noter que ce transfert procède à la modification de la répartition des crédits par article, les crédits ont été déplacés de l’article 06.620 : « recherche scientifique dans le domaine économique » vers l’article 06.680 : « recherches et études agricole ».
À l’occasion du changement de tutelle de « l’office du thermalisme » du ministère du tourisme vers le ministère de la santé publique par le décret n ° 2008-67, un transfert de crédits s’est intervenu pour transporter les subventions accordées a cet établissement du « chapitre VIII : ministère du tourisme » vers le « chapitre XXV : ministère de la santé publique », il porte sur un montant de 175000 dinars. Le décret n 2008-67 a opéré également un transfert de crédits du « chapitre XXVIII » au « chapitre XIII » occasionné pat le changement de tutelle de « l’institut des régions aride » et de « l’institut national des sciences et des technologies de la mer » et sont placements sous tutelle du ministère de l’agriculture et des ressources hydrauliques.
La réforme administrative peut se traduire par une fusion de deux établissements publics. Ainsi, suite à la fusion de « l’institut supérieur de la jeunesse » et de « l’institut supérieur de l’animation culturelle » en un seul établissement public dénommé « institut supérieur de l’animation pour la jeunesse et la culture » placé sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur (110), un transfert de crédits a été opéré par le décret n ° 95-745 du 24 avril 1995 transportant une masse budgétaire de 421000 dinars du « chapitre XXI : ministère de la culture » et du « chapitre XXV : ministère de la jeunesse » article 50 : « subventions de fonctionnement aux établissement publics à caractère administratif » vers le même article du « chapitre XXVI : ministère de l’enseignement supérieur ».
Suite à la suppression du centre hospitalo-universitaire Habib Thameur par la loi du 31 décembre 1988 portant loi de finances pour l’année 1989 (111), un transfert de crédits a été effectué par le décret n ° 89-307. Il procède à un transport de crédits d’un montant de 2,41 MD du « chapitre XXVIII : ministère de la santé publique » au profit du « chapitre VI : ministère de la défense national ». Encore une fois, ce transfert de crédits avait modifié la répartition par article, les crédits transférés ont été transportés de l’article 5 : « infrastructure sanitaire » vers l’article 4 « infrastructure militaire ».
Le transfert de crédits joue également lors d’une reforme gouvernementales. En cas de changement des structures gouvernementales, de repartage d’attributions entre ministères, de surpression ou de création d’un ministère en cours d’année, le transfert permet de faire passer les fonds de l’ancien ministère bénéficiaire au nouveau ministère affectataire. Ainsi, suite à la mutation des services du secrétariat d’État à l’informatique du premier ministère vers le ministère des technologies de la communication (112), un transfert de crédits est intervenu, transportant des crédits du « chapitre III : premier ministère/section III : secrétariat de l’État à l’informatique » vers « le chapitre XX : ministère des technologies de la communication ».
La réforme gouvernementale du 25 janvier 1995 est venue supprimer le ministère de l’économie nationale et partage ses services, entre le ministère du développement économique et celui du commerce. À cet effet, un transfert de crédits a été effectué par le décret du 1er mai 1996 pour transporter les reliquats des crédits d’engagement de « l’ex-chapitre XI : ministère de l’économie national » article 2 : « équipement de l’administration générale » vers le même article du « chapitre XV : ministère du commerce ».
À l’occasion de la création du ministère des affaires religieuse par la réforme du 9 mars 1992, le décret n ° 92-1459 du 10 août 1992 procède a un transfert de crédits d’un montant de 5,29 MD prélevés des dotations allouées au premier ministère au profit du ministère nouvellement crée. Ce transfert n’a pas procédé à la création d’un nouveau chapitre budgétaire, d’ailleurs le décret n ° 92-1459 n’indique ni l’intitulé ni le numéro du chapitre correspondant au ministère bénéficiaire. Dans son article 1er, le décret du 10 août 1992 disposait : « est réalisé au compté du 1er août 1992 le transfert des crédits inscrits au budget du premier ministère (chapitre III, section I) au budget du ministère des affaires religieuses… ».
Il faut noter que les réformes administratives ou gouvernementales sont parfois prises en considération par la loi de finances complémentaire. En fait, si la réforme constitue une condition nécessaire pour pouvoir procéder à des transferts, les réformes intervenues en cours d’année ne conduisent pas systématiquement à la promulgation des décrets de transferts. Le procédé du transfert de crédits ne peut en aucun cas conduire à la modification de la nature initiale des crédits, autrement dit les crédits transférés d’un chapitre à un autre demeurent inscrits au même article, en respectant la nature initiale de la dépense.
Paragraphe deux : Le respect de la nature initiale de la dépense
D’après l’article 35 de la LOB, des décrets de transfert peuvent être opérés « à condition qu’il ne modifient pas la nature de la dépense et la répartition des crédits par articles ». Cette condition n’a pas été toujours respectée par le gouvernement, certains décrets de transferts procèdent à la modification la répartition des crédits par article.
Les décrets de transferts qui modifient la nature de la dépense ne sont pas totalement contraires à l’esprit du texte organique puisque le gouvernement peut procéder dans un premier temps à un transport de crédits d’un chapitre à un autre par voie de transfert et modifier par la suite sa répartition par article par voie de virement. Toutefois, d’un point de vue procédural, ces décrets sont d’une légalité douteuse.
Le transfert de crédits a un cadre limité, certaines opérations inscrites dans le budget échappent à cette procédure. En effet, outre les chapitres à caractère organique destinés à financer les divers organes étatiques, il existe dans le budget de l’État des crédits classés dans des chapitres à caractère fonctionnel qui ne sont affectés à aucun département précis : c’est le cas du chapitre relatif à la dette publique et du chapitre des dépenses imprévues et non réparties (113). D’après la nomenclature budgétaire actuelle, la pratique de transfert de crédits d’un chapitre fonctionnel vers un chapitre organique ou à l’inverse d’un chapitre organique vers un chapitre fonctionnel, conduira nécessairement à la modification de la répartition des crédits par articles (114).
Les crédits des chapitres fonctionnels « ne sont pas concernés par le procédé de transfert qui constitue une technique d’interversion organique » (115). Selon l’alinéa 7 de l’article 11 de la LOB, les dépenses du chapitre de la dette publique ont un caractère évaluatif. Ces dépenses ont un caractère obligatoire, elles servent à acquitter les dettes de l’État et ne peuvent en aucun cas être transférées à un département ministériel. D’après l’interdiction posée par l’article 40 de la LOB, les dotations du chapitre relatif à la dette publique ne sont pas susceptibles d’être transférées vers les chapitres organiques, dont les crédits ont en principe un caractère limitatif.
Quant au chapitre réservoir, il contient des crédits ouverts sans objet. L’affectation de ces crédits s’effectue en cours d’année selon la procédure prévue aux articles 11 et 40 de la LOB. Enfin, il faut noter que les crédits relatifs aux FST et aux BRPO sont ouverts de manière contractée, aucune spécialisation par article n’est faite à leur égard, ce qui les exclut par conséquent du domaine du transfert de crédits qui ne peut concerner, en principe que les opérations ventilées par articles et chapitres.
Le transfert de crédits n’est pas limité dans son montant. Théoriquement, il est possible de recourir au transfert pour déplacer la totalité des dotations d’un chapitre vers un autre. Toutefois, cette hypothèse doit se limiter logiquement à des reformes assez importantes qui exigent que les dotations allouées à un ministère soient transférées en totalité vers un autre département (116). La technique de transfert constitue une mesure exceptionnelle, son ampleur dépend de l’importance de la reforme. Le montant du transfert doit varier selon l’importance de la réforme survenue, une réforme ne saurai être une occasion pour le gouvernement de procéder à une redistribution des crédits entre chapitre, le volume du transfert réalisé doit correspondre au montant nécessaire pour la marche du service muté d’un département à un autre.
Le transfert de crédits concerne aussi bien les crédits de paiement que les crédits d’engagement. En pratique, on distingue deux types de transferts. Le premier s’applique aux crédits de paiement et s’opère en cours d’année, le deuxième type est spécifique aux dépenses de développement et découle d’une interprétation extensive de l’article 35 : il s’agit du transfert des reliquats des crédits d’engagement. Ce second type constitue un procédé mixte qui se situe entre le transfert et le report.
Les décrets de transferts des reliquats des crédits d’engagement sont pris généralement après la fin de l’année budgétaire, ils consistent à reporter les soldes excédentaires des crédits d’engagement non utilisés en cours d’année tout en modifiant le service responsable de leur exécution. Cette pratique apparait loin de l’essence même du transfert qui se justifie par l’action rapide du gouvernement face à un changement dans les structures de l’État, d’ailleurs si on avait gardé la formule de la LOB 1960 qui précisait que le transfert s’effectuait en cours d’année, cette pratique aurait été entachée d’irrégularité.
Tant qu’il ne modifie pas la nature de la dépense et ce contente de changer le service responsable de son exécution, le transfert de crédits apparait comme une exception bénigne à la règle de la spécialité. Le virement de crédits se présente comme une exception plus grave à cette règle, il s’attaque à l’objet même de l’autorisation et permet de modifier en cours d’année la nature initiale de la dépense.
Deuxième Section : Le virement de crédits
Le virement de crédits accorde au gouvernement une marge de liberté dans les gestions des crédits, il permet au gouvernement d’utiliser les crédits votés pour un objet autre que celui autorisé par le Parlement. Le gouvernement n’est pas totalement lié par la volonté initiale du Parlement exprimée dans la loi de finances, s’il le considère opportun, l’exécutif est en mesure de changer l’emploi de la dépense prévue au budget par simple acte réglementaire.
Le virement de crédits constitue un moyen d’ajustement des prévisions « souhaitable dans un pays comme la Tunisie où, les planificateurs de l’action financière de l’État connaissent de grandes difficultés dans l’établissement des prévisions budgétaire » (117). Il permet de modifier la répartition des crédits au sein d’un chapitre budgétaire et autorise le transport de dotations d’un poste budgétaire surévalué vers un poste sous évalué. Cette technique apparaît comme «une véritable redistribution des cartes après le jeu parlementaire, les crédits accordés à chaque administration ne vont pas varier dans leur montant mais ils seront autrement recomposés » (118).
Le virement de crédits a un champ d’application plus large que le transfert, il s’applique à toutes les opérations de dépenses inscrites au budget de l’État. Toutefois, certains virements n’ont pas d’incidence sur la volonté initiale du parlement et ne constituent pas de cas d’adaptation de la loi de finances. Les virements effectués par arrêté s’opère entre des unités de spécialisation décidées par actes réglementaires non soumises au contrôle parlementaire.
Les virements entre paragraphes et sous-paragraphes prévus à l’article 37 de la LOB et les virements par articles effectués au sein des BRPO et des FST, bien qu’ils modifient les prévisions budgétaires, n’affectent pas la volonté initiale du Parlement. En effet, la répartition des crédits du budget général par paragraphe et sous-paragraphe est une compétence exclusive du gouvernement qui l’exerce sans contrôle parlementaire, de même pour la répartition des crédits par article aux seins des BRPO et des FST. Les virements par arrêtés permettent au gouvernement de revenir sur sa propre volonté quant à l’objet de la dépense, ils offrent la possibilité de modifier les arrêtés de répartition sans diminuer les pouvoirs du Parlement.
Les virements décidés par décret touchent directement la spécialité des crédits votés par le Parlement. Les virements entre articles (Paragraphe II : les virements entre articles) et les virements entre parties (Paragraphe I : les virements entre parties), atténuent considérablement la valeur de l’autorisation budgétaire.
Paragraphe premier : Les virements entre parties
La possibilité d’opérer des virements entre parties a été introduite par la réforme du 13 mai 2004. Ainsi, le dernier alinéa de l’article 36 de LOB ajouté par la réforme dispose que « des virements de crédits peuvent être opérés de partie à partie à l’intérieur de chacune des sections une et trois et chaque chapitre, et ce, dans la limite de 2 % des crédits ouverts dans chacune de ces parties. Toutefois, aucun virement de crédits ne peut être opéré au profit de la partie des rémunérations publiques ».
La possibilité d’effectuer des virements entre parties, renforce les pouvoirs budgétaires du gouvernement. Elle permet au Président de la République de modifier la répartition des crédits par grandes catégories économiques et autorise le transport de fonds d’une partie à une autre. Ainsi, la spécialité des crédits par nature de dépenses est réduite à sa plus humble signification, puisque c’est au gouvernement que revient le dernier mot quant à l’emploi effectif des dépenses autorisées.
Les virements entre parties constituent une atteinte grave à la valeur de l’autorisation parlementaire, ils permettent au gouvernement de remodeler toutes la répartition des crédits au sein d’un chapitre budgétaire. D’ailleurs, afin de garder une certaine rigidité à la spécialité initiale des crédits, les rédacteurs de la LOB ont choisi d’encadrer cette faculté dans des conditions strictes.
Selon l’article 36 LOB, les virements par parties s’effectuent uniquement « à l’intérieur de chacune des sections une et trois de chaque chapitre ». Ainsi, sont exclues du champ du virement par parties, les dépenses de la dette publique qui figurent au niveau de la section II et de la section IV du budget des dépenses. En effet, les crédits de la dette publique ont un caractère évaluatif, ils ne peuvent être virés vers des parties dont les dotations ont un caractère limitatif. D’autre part, le virement entre parties ne peut en aucun cas conduire à la modification de la répartition des crédits par sections, il s’effectue uniquement entre les parties d’une même section. La répartition des crédits par section est intangible, elle ne peut être remise en cause que par une loi de finances complémentaire. Enfin, d’après l’article 36 de la LOB « aucun virement ne peut être opéré au profit de la partie des rémunérations publiques ». Cette disposition interdit d’effectuer au sein de la section I « dépenses de gestion », des virements de la Partie II « moyens de services » et de la Partie III « interventions publiques » vers la Partie I « rémunérations publiques ».
Toutefois, l’opération contraire n’est pas interdite. Les dotations de la Partie I peuvent être transportées vers les autres parties de la section I, d’ailleurs le décret n ° 2006-585 a autorisé au sein du « chapitre IV : ministère de l’intérieur de du développement local » un virement de crédits d’un montant de 1,47 MD de la Partie I : « rémunérations publiques » vers la Partie II : « moyens de services ».
Enfin, contrairement au virement entre articles qui s’effectuent dans une mesure illimitée, les virements entre parties sont limités dans leur montant à un taux de 2 % des dotations allouées à chaque partie.
Paragraphe deux : Les virements entre articles
Selon l’alinéa 2 de l’article 36 de la LOB : « des virements de crédits peuvent être effectués entre articles à l’intérieur d’une même partie du même chapitre ». A priori, les virements par article ne modifient la répartition des crédits telle qu’établie par la loi de finances, ils s’attaquent à la répartition par articles effectuée par les décrets de répartition juste après le vote de la loi de finances. En fait, même si elle n’apparaît pas dans l’acte budgétaire de base qu’est la loi de finances, la répartition des crédits par articles constitue « le fond même de l’autorisation parlementaire » (119). Cette répartition figure dans les fiches explicatives jointes au PLF et elle est portée à la connaissance des parlementaires au moment du vote du budget. Lorsqu’il adopte le décret de répartition le gouvernement est obligé à respecter la spécialisation des crédits prévue dans les fiches explicatives, d’ailleurs d’après l’article 31 de la LOB le décret de répartition « ne peut apporter aucune modification aux crédits votés ».
Les virements par articles ne sont limités dans leur montant. Ainsi, sans sortir du cadre du chapitre et de la partie, le gouvernement peut modifier par voie de virement toute la distribution des dépenses autorisées. Le virement par article peut porter sur des masses budgétaires considérables et passer d’un simple mode d’ajustement exceptionnel et limité dans son ampleur à un véritable moyen de répartition des crédits. La faculté d’opérer des virements par articles réduit les pouvoirs budgétaires du parlement, la spécialité initiale des crédits aura ainsi une portée limité tant que le gouvernement est en mesure de procéder sans limité à la redistribution finale des crédits entre articles. Généralement, les décrets de virement sont pris parallèlement à l’ouverture de crédits complémentaire, de manière tardive après la fin de l’année budgétaire. Le décret n ° 2003-637 portant répartition de crédits ouverture de crédits complémentaires et virement de crédits entre articles au titre de l’année 2002, a été pris le 17 mars 2003 (120).
En Tunisie, les virements de crédits se pratiquent uniquement pour les dépenses de gestions. La méconnaissance de la pratique du virement au sein des dépenses de développement, s’explique par le fait qu’historiquement, les crédits du titre II étaient ouverts globalement sans aucune précision sur leur destination (121).
Il arrive que le virement procède à un transport de crédits entre chapitres comme cela a été le cas du décret n ° 80-1475 du 20 novembre 1980 qui disposait dans sont article 3 que : « est autorisé le virement de crédit du chapitre 18 ministère du commerce au chapitre 17 ministère de l’industrie des mines et de l’énergie au niveau de l’article 10 du budget titre premier de la gestion 1980 ». Bien qu’il ait fait l’objet d’un décret de virement par articles, ce mouvement de crédits constituait un cas de transfert de crédits puisqu’il permettait le transport des dotations entre chapitres sans modifier la nature de la dépense à effectuer.
La LOB accorde au gouvernement des pouvoirs considérable en matière de gestion des crédits. En effet, outre la possibilité de modifier en cours d’année l’affectation initiale de la dépense autorisée, le gouvernement peut également renoncer à l’utilisation des crédits ouverts par la loi de finances.
105 (P) Loïc, « Finances publiques », p 190.
106 (P) Amselek, supra, p 366
107 (P-M) Gaudemet, (J) Molinier, « Finances publiques », Tome I : « Budget/trésor », 6ème édition, Paris 1992, p 366.
108 (A) Bockel, « les pouvoirs budgétaires de l’assemblée nationale selon la loi organique du 12 mars 1960 », in RTD 1966-1967, p 176.
109 Le changement de tutelle a été effectué par le décret du 22 décembre 2008.
110 Cette réforme a été prise en vertu de la loi n ° 95-5 qui dispose dans son article 2 que « les patrimoines et les comptes des deux établissements publics fusionnés seront transférés au profit du nouvel établissement public » placé sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur.
111 Selon son article 114, la loi de finance pour l’année 1989 prévoit que « le patrimoine et les engagements du centre hospitalo-universitaire Habib Thameur sont transférés à l’hôpital militaire d’enseignement principal ».
112 Réforme du 23 janvier 2001.
113 D’après l’article 11 de la LOB « un chapitre spécifique est ouvert pour la dette publique en principal et en intérêt, les dépenses de ce chapitre ont un caractère évaluatif. Un chapitre spécifique est ouvert pour les dépenses imprévues et les dépenses dont la répartition ne peut être déterminée au moment du vote. La répartition des crédits afférents à ces dépenses s’effectue en cours d’année par décret ».
114 D’après le décret n ° 99-529 fixant la nomenclature des dépenses du budget de l’État, la répartition des crédits des chapitres fonctionnels est établie de manière différente de celle des chapitres organiques. Les crédits du chapitre réservoir sont réparties au niveau des articles 04.400 « dépenses imprévues et non réparties de gestion » et 08.900 : « dépenses de développement imprévues », ces articles ne figurent nulle part dans les chapitres organiques et sont spécifiques aux chapitres fonctionnels.
115 (I) Bouaneni, « le pouvoir réglementaire en matière budgétaire », p 61.
116 Ce cas de figure se réalise lors de la suppression d’un ministère et le transfert de ses attributions à un ministère déjà existant ou à un nouveau ministère créé à cet effet car le service correspondant au chapitre donneur n’aura plus de fonds pour fonctionner.
117 (R) Jenayah, « Budget et plan », p 318.
118 (M) Ould Ahmed Ely, « Finances publiques et techniques de management », p 38.
119 (L) Mechichi, « Le budget de l’État en Tunisie », p 798.
120 C’est le cas pratiquement de tout les virements effectués depuis 1995, d’ailleurs rares sont les virements qui interviennent en cours d’année budgétaire.
121 (R) Jenayah, supra, p 326.