La loi du 21 août 2003 a donné une nouvelle dimension à l’épargne retraite. En créant le Perco et le Pere, le législateur met en place pour la première fois des régimes de retraite supplémentaire ayant vocation à bénéficier à l’ensemble de la population active. Avant 2003, la retraite par capitalisation occupait une place marginale dans le paysage français des retraites, cantonnée à une démarche individuelle avec l’assurance vie, et à l’existence de quelques régimes spéciaux réservés à des catégories bien déterminées (fonctionnaires, travailleurs non salariés…).
Afin d’accélérer le développement de l’épargne retraite collective, le législateur a « détourné » l’épargne salariale de sa finalité première, à savoir celle d’offrir aux salariés une rémunération alternative, consommée immédiatement ou placée à court terme, en lui donnant un nouvel horizon d’épargne : celui de la retraite. Les qualités intrinsèques de l’épargne salariale : sa dimension universelle, sa démarche mi-individuelle (le salarié est libre de placer ou non les sommes issues de la participation et/ou de l’intéressement) mi-collective (l’abondement de l’entreprise, la prise en charge des frais de fonctionnement des plans), en font le véhicule parfait pour la préparation d’un complément de retraite.
S’il a utilisé l’épargne salariale comme instrument d’épargne retraite, le législateur a également aménagé les régimes de retraite supplémentaire existants, afin de leur donner un second souffle. La possibilité nouvelle d’alimenter individuellement les régimes à cotisations définies constitue à n’en pas douter une avancée importante. Avant 2003, les salariés qui bénéficiaient d’un régime « article 83 », ne jouaient qu’un rôle passif dans la démarche d’épargne, « subissant » le taux de cotisation imposé par leur employeur, et ne pouvant pas alimenter au-delà de cette somme, leur compte individuel.
Le législateur a donc opéré un rapprochement entre l’épargne salariale et l’épargne retraite, d’une part, en offrant à l’épargne salariale le support (le Perco) qui lui manquait jusqu’à présent pour aider les salariés à préparer leur retraite, et d’autre part, en se servant de la caractéristique principale de l’épargne salariale (la liberté d’épargner individuellement) pour l’appliquer à des régimes collectifs manquant de souplesse, mais poursuivant déjà cette finalité retraite.
D’abord accueillie avec méfiance, la capitalisation comme complément du système de retraite par répartition, est aujourd’hui largement acceptée. L’introduction récente de ces nouveaux dispositifs ne nous permet pas encore de porter un jugement définitif sur leur succès ou leur échec, mais les premiers résultats sont encourageants et semblent confirmer un réel intérêt des entreprises et des salariés pour ces mécanismes.
Depuis 2003, de nombreuses mesures tantôt contraignantes tantôt libertaires, sont venues corriger les défauts du Perco et du Pere. Pour autant, de nombreux efforts restent encore à fournir si nous voulons faire de la retraite par capitalisation, le troisième pilier de notre système de retraite après le régime général et les régimes complémentaires obligatoires. Les français l’ont bien compris, les perspectives démographiques rendent inéluctable la baisse des taux de remplacement, et ce n’est pas l’allongement de la durée d’activité ou une éventuelle hausse des cotisations, qui pourront assurer un niveau de vie correct le moment de la retraite venue.
Si elle ne constitue pas une solution miracle, la retraite par capitalisation comme complément du système par répartition, représente un enjeu crucial pour les années à venir. Un gros travail de communication et de pédagogie doit être entrepris pour démystifier l’épargne retraite. La capitalisation suscite beaucoup d’inquiétude chez nos concitoyens, encore fortement attachés aux valeurs de solidarité et à la présence bienveillante d’un Etat Providence. A travers des campagnes de communication dans les médias, la présence de relais au sein des entreprises, il est primordial de promouvoir les régimes collectifs de retraite supplémentaire. La démarche individuelle d’épargne retraite, si elle doit être encouragée, ne doit pas occulter la présence d’une alternative collective, qui est la seule permettant d’assurer la sécurité des épargnants. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, il est nécessaire que la constitution individuelle d’un complément de retraite s’inscrive au maximum dans un cadre collectif. Le cadre de l’entreprise, permettra à la fois d’assurer un minimum d’épargne aux salariés qui n’auront pas l’initiative de placer des sommes pour leur retraite à titre individuel, et dans le même temps, constituera un garde-fou pour ceux qui seraient prêt à prendre tous les risques sur les marchés financiers.
Au-delà du travail pédagogique, l’essor futur des dispositifs collectifs de retraite supplémentaire, passe par un travail d’incitation. La préparation de la retraite ne doit plus être perçue comme une contrainte mais doit au contraire être favorisée par une fiscalité attractive et par une participation de l’employeur plus importante.
L’un des principaux enjeux de demain sera de réfléchir à un système d’épargne retraite qui ne laisse personne sur le bord de la route. S’il est facile de thésauriser lorsque l’on gagne bien sa vie, il est beaucoup plus compliqué d’épargner lorsque les revenus ne permettent déjà pas de consommer normalement. Les pouvoirs publics devront nécessairement se pencher sur cette problématique, sans quoi ils risqueraient d’accroitre les inégalités et de rendre impopulaires des dispositifs qui commencent tout juste à être acceptés par l’opinion publique.
Le vieillissement de la population et la baisse du nombre d’actifs cotisants, déséquilibrent notre régime de retraite par répartition. Le risque vieillesse ne pouvant plus être assuré correctement par la seule solidarité nationale, la retraite individuelle par capitalisation apparait dès lors comme le meilleur moyen d’éviter l’effondrement total de notre système de retraite. Cependant, l’allongement de la durée de vie ne pose pas comme seul problème le financement des retraites, mais laisse également apparaitre un nouveau risque : la dépendance.
Financer la dépendance ou le « cinquième risque », constitue l’un des défis majeurs de la France dans les années à venir. Les pouvoirs publics envisagent d’incorporer une nouvelle branche dans notre système social, aux côtés des branches maladie, famille, accidents du travail et retraites. L’objectif sera d’attribuer aux personnes âgées et handicapées, une aide en nature ou en espèces pour assurer leur autonomie.
Si la présence d’un financement de la dépendance basé sur la solidarité nationale ne fait aucun doute, il est fort probable que la couverture du « cinquième risque » se conjugue également avec le développement de l’épargne retraite. Il existe déjà des contrats ad hoc qui prévoient le versement d’indemnités sous forme de rente ou de capital en cas de perte d’autonomie, en laissant au choix du bénéficiaire l’affectation de la rente ou du capital (aide à domicile, aménagement du logement, hébergement en maisons spécialisées…). Mais, la couverture du risque dépendance pourrait aussi s’opérer dans le cadre d’un dispositif d’épargne retraite. Ainsi, l’article 108 de la loi du 21 août 2003 avait prévu la possibilité d’une couverture spécifique de l’invalidité par un Perp mais il ne s’agissait là que d’une option : « Le contrat peut également prévoir, en cas d’invalidité de l’adhérent survenue après son adhésion, le versement d’une rente d’invalidité à son bénéficie exclusif ».
Dans la mesure où la dépendance intervient en général plus tardivement que l’ouverture des droits à pension, coupler un contrat d’épargne retraite et un contrat de dépendance permettrait de prendre en compte deux demandes propres au « troisième âge ». Il serait possible par exemple, de majorer les cotisations de base sur un contrat d’épargne retraite, en contrepartie d’une rente plus élevée (ou du versement d’un capital supplémentaire) en cas de survenance du risque dépendance. Ce complément de ressources permettrait de faire face aux besoins de financement induits par la dépendance.
L’incitation au développement de ces nouveaux contrats « mixtes » retraite-dépendance, pourrait prendre la forme par exemple, d’une déductibilité fiscale des cotisations complémentaires dépendance sur un contrat d’épargne retraite, dans les mêmes conditions que les cotisations de base aux régimes d’épargne retraite.
L’Epargne retraite semble donc promis à jouer un double rôle dans les années à venir : compléter nos retraites et financer notre perte d’autonomie.