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Conclusion

L’étude de l’indemnisation du préjudice professionnel de la victime met en lumière les
difficultés rencontrées par les praticiens dans l’évaluation et la réparation du dommage
corporel en droit commun. Ainsi, les méthodes de calcul de certains préjudices économiques
apparaissent opaques, tel le chiffrage de l’incidence professionnelle, ou dispersées, telle
l’évaluation monétaire des pertes de revenus des proches. De plus, l’absence de barème de
capitalisation officiel et actualisé et de régime légal d’indexation des rentes amplifient
l’inégalité des indemnisations. Enfin, le régime du recours des tiers payeurs se confronte à la
nécessité d’une table de concordance légale entre les prestations versées et les postes de
préjudices indemnisés.

L’Association Française de l’Assurance, qui regroupe la Fédération Française des Sociétés
d’Assurances (FFSA) et le Groupement des Entreprises Mutuelles d’Assurance (GEMA), a
publié en avril 2008 le Livre blanc sur l’indemnisation du dommage corporel(207), formalisant
leurs réflexions pour « un traitement équitable des victimes de dommages corporels. Les
propositions des assureurs sont notamment « l’adoption généralisée de la nomenclature des
postes de préjudices clairement définis », la publication d’un « barème médical unique », la
mise en place de « référentiels indemnitaires » pour les préjudices non économiques et de
« méthodes officielles de calcul » des préjudices économiques, la création d’un barème de
capitalisation commun et révisable, la refonte du droit de recours des organismes sociaux et
l’implication des assureurs dans « l’élaboration du projet de vie » de la victime handicapée.

Ces mesures ont été dénoncées par l’Association Nationale des Avocats des Victimes de
Dommages Corporels et une motion a été adoptée à ce sujet par l’Assemblée générale du
Conseil National des Barreaux le 8 novembre 2008(208) suite à un rapport du groupe de travail
sur les victimes(209). Ainsi, le Conseil National des Barreaux « considère qu’une réglementation
des postes de préjudice corporel, même indicative, ferait perdre à la nomenclature Dintilhac
l’une de ses qualités essentielles : son évolutivité », « rejette l’idée de recourir à des
référentiels ou barèmes, fussent-ils indicatifs pour évaluer les préjudices », « demande aux
pouvoirs publics d’élaborer chaque année une table de capitalisation », « s’oppose
formellement à toute réforme qui mettrait en péril les acquis de l’article 25 de la Loi du 21
décembre 2006 » et « déplore que les assureurs puissent envisager de s’ingérer dans le projet
de vie des victimes ».

Néanmoins, le 16 février 2010, a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale
une proposition de loi « visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages
corporels », dite proposition Lefrand(210). Aux termes de ce texte, une commission ad hoc serait
chargée de contribuer à élaborer un barème médical unique, des définitions types adaptables
de missions d’expertise médicale, une table de conversion des rentes en capital actualisée tous
les trois ans et une nomenclature non limitative de postes de préjudice. Une base de données
accessible au public serait créée, recensant toutes les transactions entre assureurs et victimes
et toutes les décisions des cours d’appel(211).

La proposition de loi Lefrand a finalement été transformée en cavalier législatif. En effet,
certaines de ses dispositions ont été intégrées dans la proposition de loi visant à réformer la
Loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux
territoires, dite proposition Fourcade, dont le texte définitif a été adopté le 13 juillet 2011(212).

L’article 56, dans ses paragraphes II à V, reprend les idées d’élaboration d’un barème médical
unique, d’une nomenclature non limitative des postes de préjudice et de missions types
d’expertise médicale, ainsi que d’actualisation du barème de capitalisation des préjudices
futurs. Cependant, le rôle de la commission ad hoc est limité à l’élaboration d’une proposition
pour le barème médical, les questions qui lui étaient dévolues par la proposition de loi
Lefrand relevant désormais du pouvoir réglementaire(213). Enfin, cet article confie au
gouvernement une étude sur « l’opportunité et les modalités de mise en oeuvre d’une ou
plusieurs bases de données en matière d’indemnisation du préjudice corporel » et « d’un
référentiel national indicatif des postes de préjudices corporels ».

Toutefois, saisi le 21 juillet par plus de soixante députés, le Conseil constitutionnel a rendu le
4 août une décision déclarant trente articles ou parties d’articles contraires à la Constitution,
dont l’article 56(214). En effet, le Conseil Constitutionnel a considéré que cet article n’avait pas
de lien, même indirect, avec la proposition de loi initiale et avait été adopté selon une
procédure contraire à la Constitution. La loi a été promulguée le 10 août 2011(215), mais ne
contient aucune disposition relative à une modification de la Loi du 5 juillet 1985.

207 Livre blanc sur l’indemnisation du dommage corporel, avril 2008, www.associationfrancaisedelassurance.fr.
208 Motion adoptée par l’Assemblée générale du Conseil National des Barreaux le 8 novembre 2008,
ww.cnb.avocat.fr.
209 G. Mor, Rapport du groupe de travail sur les victimes, Vers une meilleure indemnisation des dommages
corporels, www.cnb.avocat.fr.
210 Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée Nationale, visant à améliorer l’indemnisation des victimes de
dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation, n°301.
211 B. Moret, Pour un référentiel national d’indemnisation du dommage corporel, Gaz. Pal., 3 juin 2010.
212 Proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de
l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, texte adopté n°723.
213 A. Barrellier, La loi Fourcade…Comment réformer la loi Badinter en faisant deux pas en avant et trois pas en
arrière, Gaz. Pal., 16 juillet 2011.
214 Conseil constitutionnel, décision n°2011-640 DC du 4 août 2011.
215 Loi n°2011-940 du 10 août 2011 modifiant certaines disposition de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009
portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, JORF du 11 août 2011.

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