L’assurance n’est pas dans une démarche de « green washing », procédé de communication et de relations publiques utilisé par une entreprise afin de se doter d’une image plus responsable du point de vue environnemental. En l’occurrence, les fonds utilisés pour changer la ligne éditoriale de la communication d’entreprise sont supérieurs à ceux destinés à de vraies actions en faveur de la protection de l’environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique. Si certains produits comme l’assurance kilométrique ou encore certaines pratiques telles que les réductions de primes consécutives à une bonne gestion des risques pour le segment des entreprises et des grands risques sont des produits et usages déjà anciens, leur efficacité à réduire l’empreinte carbone n’est plus à démontrer. Il semble parfois légitime de s’interroger directement sur les produits proposés sous un label de développement durable et leur contribution à la lutte contre le réchauffement climatique.
Par exemple, certains assureurs, qu’il serait indélicat de citer, proposent des contrats de complémentaire santé « éco-responsables » mettent en avant le remboursement de médecines dites douces comme l’acuponcture ou l’ostéopathie. Or, si ces prestations de santé ne sont que des extensions contractuelles à des prestations classiques remboursées pour partie par la Sécurité Sociale, elles ne semblent pas lutter clairement contre le réchauffement climatique. Certes, la diminution de la consommation de médicaments et de produits de santé classique peut avoir une influence sur l’industrie pharmaceutique et donc sur les rejets de CO² ou autres produits chimiques polluants dans l’atmosphère. L’influence doit être qualifiée d’infinitésimale car le lien de causalité est très faible et ne semble pas justifier d’une communication globale sous le prisme du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Ces quelques doutes ne doivent pas ternir l’action plurisectorielle des acteurs du monde international de l’assurance sur le sujet de la lutte contre le changement climatique. De prime abord, les assureurs sont tenus par les engagements contractuels pris envers leurs assurés pour l’indemnisation des conséquences pécuniaires des dommages causés par un sinistre catastrophique qu’il soit de naturel ou qu’il ait pour origine des activités humaines et économiques. Les activités humaines sont corrélées avec le réchauffement climatique : elles produisent des rejets croissants de gaz à effet de serre qui influent tant sur le niveau des températures que sur le niveau des eaux maritimes, ce qui génère des événements climatiques de trois ordres : inondations, tempêtes et vents et sécheresse. L’augmentation du nombre et du coût de ces sinistres climatiques exposent les assureurs et tend à démontrer que l’aléa climatique est une composante de l’Assurance. Parallèlement, il est constaté que l’urbanisation se concentre dans des aires assez limitées qui cristallisent des valeurs assurées toujours plus élevées, dans la société du risque actuelle, le recours à l’assurance est une fonction croissante du développement économique. Si la gestion des risques est un élément de réduction du fort degré aléatoire de ces événements, leur variabilité des événements rend ces risques environnementaux difficilement appréhendables, les modèles statistiques habituels ne correspondent pas à leur extrémité, leur période de retour et surtout les coûts que leur passage génère, le calcul de la prime en est de fait, peu aisé. Cette dernière peut être encadrée par des montages d’assurances qui sont concrétisés par le transfert d’une partie de la charge du risque à un tiers – captive ou réassurance, ou une part de rétention par l’application de franchise ou de seuil de rétention interne.
L’insaisissabilité statistique des événements catastrophiques naturels comme technologiques les rapproche de la notion de force majeure et longtemps, ils ont été considérés inassurables, fruits de la fatalité pour ce qui concerne les catastrophes naturelles. La fonction régalienne de l’Etat Providence lui a traditionnellement conféré le rôle d’assureur de dernier recours. Des régimes spéciaux ont été mis en place aussi bien pour l’indemnisation des catastrophes d’ordre naturel que ceux du aux activités humaines. Toutefois, le régime afférent aux catastrophes naturelles, assez strict dans son mode opératoire, trouve, trente ans après sa création de nombreuses limites et les voix de certains parlementaires comme des assureurs s’unissent en vue d’une réforme sans cesse repoussée. La solidarité nationale n’est ainsi pas la solution qui permet de canaliser les conséquences notamment pécuniaires de sinistres catastrophiques naturels ou technologiques. Les assureurs ont mis en place avec le temps des alternatives aux dispositifs juridiques disponibles par le transfert sur les marchés financiers.
De plus, dans le même temps, la législation évolue en faveur d’une reconnaissance juridique de l’environnement comme sujet de droit, la responsabilité civile environnementale s’étend et devient une composante internationale du droit. Enfin, les assureurs mettent en pratique leurs engagements pris au niveau des instances internationales comme professionnelles par la création de nouvelles réponses innovantes en termes de produits adaptés au développement durable, de gestion d’actifs et de gouvernance d’entreprise afin de s’inscrire durablement comme acteurs de référence en matière de lutte contre le réchauffement climatique. La conjoncture économique actuelle est un élément inverse de la prise en compte des aspects environnementaux dans la société.
En dépit des évolutions internationales sur les questions environnementales et climatiques, un avis du Conseil économique, social et environnemental(310) précise que « la dynamique du Grenelle, processus collectif fragile, s’essouffle progressivement ». Ce constat doit être mis en parallèle avec l’essoufflement des débuts du droit international de l’environnement du début des années 1970(311) du fait de la crise économique mondiale de 1973.3(12) Cependant, l’échéance du réchauffement climatique n’est plus la même que dans les années 1970. La mutation est clairement amorcée et le monde titrait au lendemain de la convention Rio+20 «Rio + 20 : le Brésil gagnant, la planète perdante »(313). Le réchauffement climatique est une réalité et ses conséquences, malgré les initiatives visant à le limiter ou à en comprendre les effets, sont inexorables et irréversibles.
310 Rapport du 22 février 2012 http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2012/2012_04_grenelle_environnement.pdf
311 Convention de Stockholm de 1972
312 1er choc pétrolier.
313 Le monde 22 juin 2012 http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/22/rio-20-le-bresil-gagnant-la-planete-perdante_1723211_3232.html