160. Comme nous le précisions dans l’introduction de cette partie, la faute lourde pourrait bien connaître le même sort que la grenouille de la fable de La Fontaine. Un temps, la notion s’est gonflée. Elle a certainement atteint son paroxysme lorsqu’elle a été entendue, durant tout le milieu du XXème siècle, à la fois de manière subjective (analyse morale de la gravité des actes du débiteur) et de manière objective (centrée sur le type d’obligation violée). Cette définition large de la notion permettait, en raison de la règle prétorienne de l’assimilation de la faute lourde au dol, d’écarter efficacement les clauses limitatives de responsabilité. Si la chasse contre ces dernières n’a point cessé, c’est le mode d’éviction qui a changé. En effet, les juges ont préféré utiliser la notion d’obligation essentielle. Depuis, la notion de faute lourde n’a certes pas éclaté, mais elle est entendue de manière beaucoup plus stricte dans sa définition ce qui, consécutivement, lui laisse un champ d’application nettement moins large dans l’éviction des clauses limitatives de responsabilité.
161. Les juges préfèrent mettre en œuvre un mouvement général d’objectivation du contrat, à travers l’idée de normalité. Cependant, l’établissement de l’obligation essentielle comme nouveau fondement d’éviction des clauses limitatives de responsabilité suscite quelques inquiétudes. En effet, les juges s’arrogent le droit d’écarter des clauses librement consenties par les parties et de bouleverser l’équilibre économique voulu par celles-ci, sans avoir été investis de ce pouvoir par la loi .
162. Il faut donc se demander si la désactivation de la faute lourde au profit de la notion d’obligation essentielle, par le support de la cause, est satisfaisante. Si tel n’est pas le cas, un travail de recherche serait nécessaire afin de trouver d’autres techniques pour évincer les clauses limitatives de responsabilité manifestement excessives.
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