En guise de conclusion de cette partie, il est lieu d’affirmer que la situation précaire du parlementarisme contemporain caractérisé par la prédominance de l’exécutif sur l’agenda parlementaire, tant au niveau de la législation qu’au du contrôle, a poussé les systèmes parlementaires à explorer d’autres moyens et d’autres techniques de contrôle pour subvenir aux limites, carences et insuffisances de l’institution parlementaire face au pouvoir exécutif. Le but étant la quête d’un équilibre entre les deux institutions et un renouveau du contrôle parlementaire.
Cet état de chose a débouché sur le parlement évaluateur comme une nouvelle approche de gouvernance de la gestion des deniers publics. Une approche qui permet au parlement de se doter des moyens suffisants et efficace pour faire face à la technocratie croissante du pouvoir exécutif.
Comme on a pu le constater le système politique américain constitue un modèle type du parlement évaluateur qui consacre une séparation stricte entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif qui sont deux organes distincts avec leur propre mandat électoral indépendant(511), et qui garantit un positionnement unique au congrès américain, particulièrement dans le processus budgétaire. Dans cet ordre d’idées, le congrès américain joue un rôle plus actif dans l’élaboration et l’exécution du budget que les assemblées parlementaires de la plupart des pays démocratiques.
L’efficacité du congrès américain en matière budgétaire est à rechercher dans la panoplie des agences mises à sa disposition qui disposent de moyens techniques très développés et d’un personnel extrêmement qualifié, à savoir, le Congressional Budget Office (CBO), le Governement Accountability Office (GAO) et le Congressional Research Service (CRS), dont l’autonomie ou l’indépendance est gage de leur objectivité et de crédibilité pour les parlementaires, ce qui facilite, en outre, les contacts techniques entre leurs experts et les fonctionnaires de l’exécutif(512).
Comme on a pu le constater encore, la volonté d’instaurer un parlement évaluateur n’est pas tributaire de la révision constitutionnelle de 2011, mais vient comme l’expression de dépasser les contraintes d’instauration d’un parlement évaluateur et d’une réelle démocratie parlementaire, liées au manque de compétences institutionnelles et des capacités techniques suffisantes pour s’impliquer de manière constructive aussi bien dans le processus budgétaire que l’EPP ; l’impact des motivations individuelles sur le comportement des parlementaires liées au degré de compétition politique, à la nature du système des partis politiques, ainsi qu’à la conséquence du régime électoral ; la faiblesse de l’opposition parlementaire à laquelle la constitution de 2011 a conféré un statut plus ou moins renforcé puisqu’elle est considérée comme un pilier du travail parlementaire que ce soit en matière de contrôle ou de législation, sans oublier les résistances profondes qui sont liées à la volonté de préserver des zones d’opacité dans l’action publique comme la prédominance des activités du contrôle financier et de l’audit, le manque de structures administratives fiables, cohérentes et permanentes, ainsi que les défaillances liées à la demande d’évaluation et à la formation en matière des politiques publiques.
Dans ce cadre, on peut dire également que l’évaluation aux Etats-Unis, considérée comme une culture de la contestabilité, ou aucune mesure ne doit jamais être considérée comme acquise pour toujours, et où la légitimité des politiques publiques doit se mesurer à l’aune de leur seule efficacité, est riche en matière d’évaluation parlementaire d’enseignement, à côté des expériences des pays européens, pour une appropriation progressive et efficace par le parlement marocain d’une culture d’évaluation des PP, entamée par l’instauration du BAB, l’E-gouvernement, le lancement du système GID « gestion intégrée de la dépense » et institutionnalisée par la loi fondamentale de 2011 dans ses articles 13, 70 et 101.
511 MANSOURI (Hajer), « Le parlement évaluateur ; les leçons des expériences étrangères… », op.cit, p231.
512 MANSOURI (Hajer), « Le parlement évaluateur ; les leçons des expériences étrangères… », op.cit, p231.