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CONCLUSION GÉNÉRALE

ADIAL

94. Moyens juridiques permettant de tenir en échec une clause limitative de responsabilité

En l’état actuel du droit positif et, plus précisément, des dernières décisions jurisprudentielles, trois exceptions peuvent être recensées permettant d’écarter le jeu des clauses limitatives de responsabilité(1). Il s’agit de la faute dolosive d’abord, celle-ci s’entendant comme l’inexécution volontaire de ses obligations par le débiteur. Ce moyen est expressément prévu à l’article 1150 du Code civil.

La faute lourde est le deuxième instrument juridique permettant de neutraliser une clause limitative d’indemnisation. Cette notion ne reçoit aucune consécration légale. Elle est donc d’origine jurisprudentielle. Après plusieurs fluctuations de la Cour de cassation, celle-ci est à nouveau appréhendée dans son acceptation classique à savoir comme le comportement gravement négligent du débiteur défaillant. Cependant au regard des dernières décisions jurisprudentielles, il convient d’admettre que son utilité est limitée. En effet, en pratique, la faute lourde n’interviendra qu’en cas de clause limitative de responsabilité portant sur une obligation accessoire ou dans l’hypothèse d’une clause limitative d’indemnisation d’origine légale ou réglementaire.
La dernière exception consacrée par la jurisprudence consiste à réputer non écrite toute clause limitative de responsabilité d’origine contractuelle dès lors qu’elle a pour effet de vider le contrat de sa substance. Plus précisément, pour constater qu’une clause contredit la portée de l’engagement pris, la jurisprudence va distinguer suivant que celle-ci contient ou non un plafond dérisoire d’indemnisation. Ce n’est que dans l’hypothèse où le plafond de réparation est insignifiant que la clause portant sur une obligation fondamentale sera neutralisée, la Cour de cassation se fondant alors sur la notion de cause pour légitimer sa position.

95. Difficultés persistantes

Deux difficultés se posent encore quand on s’intéresse à la notion de faute lourde. La première tient à la preuve du comportement du débiteur. En effet, pour permettre à la faute lourde d’avoir un réel intérêt lorsqu’est concernée une clause limitative de responsabilité d’origine légale ou réglementaire, encore faudrait-il alléger quelque peu son régime probatoire.

La seconde difficulté a trait à l’alignement de toutes les chambres de la Cour de cassation quant à la définition subjective attribuée à la faute lourde. Il est vrai que cette définition semble bien acquise depuis les deux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation du 22 avril 2005(2). En effet, suite à ces décisions, la jurisprudence a confirmé, à plusieurs reprises, que la faute lourde devait s’apprécier en fonction de la gravité du comportement du débiteur défaillant(3). Cependant, il s’agissait toujours d’arrêts rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Or la première chambre civile a rendu un arrêt le 4 avril 2006, donc postérieur à ceux de 2005, dans lequel elle défendait une conception objective de la faute lourde(4). Il faut espérer qu’il s’agit là d’une décision isolée. À défaut, cela voudrait dire qu’il existerait des divergences au sein des chambres de la Cour de cassation quant à la définition de la faute lourde, ce qui serait regrettable notamment lorsqu’on voit le nombre de décisions jurisprudentielles qu’il a fallu pour trouver une certaine harmonie et cohérence en la matière. En même temps, ça pourrait également être l’occasion de voir intervenir l’assemblée plénière pour mettre enfin un terme définitif aux incertitudes.

1 On pourrait rajouter une quatrième exception tenant au soin que prend le législateur, dans certains domaines particuliers, à prévoir explicitement que toute clause limitative ou exonératoire de responsabilité est interdite. À titre d’exemples il est bien évidemment possible de citer la réglementation sur les clauses abusives. Selon l’article R. 132-1 du Code de la consommation l’insertion de telles clauses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur est totalement prohibée. L’usage de telles clauses est également interdit en matière d’hôtellerie (Article 1953 du Code civil alinéa 2 : « Cette responsabilité est illimitée, nonobstant toute clause contraire, au cas de vol ou de détérioration des objets de toute nature déposés entre leurs mains ou qu’ils ont refusé de recevoir sans motif légitime ») et de responsabilité du fait des produits défectueux (Article 1386-15 du Code civil alinéa 1 : « Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites »).
2 Cass. mixte, 22 avr. 2005, préc.
3 Voir supra, n° 65.
4 Cass. 1ère, civ., 4 avr. 2006 : LPA 2006, n° 214, p. 18, note M.-Ch. MEYZEAUD-GARAUD.

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