Dans ce mémoire, nous avons vu divers points de vue théoriques sur la différenciation des produits. D’abord, Chamberlin a montré que si un marché était dans un cas de concurrence monopolistique, donc si les producteurs proposaient un produit unique différencié de celui des autres producteurs, alors il pouvait s’assurer plus facilement de la fidélité des consommateurs pour son produit, malgré des hausses de prix – ce qui revient à posséder un pouvoir de marché. Les produits seront fabriqués sur une moins grande échelle, à un coût supérieur et avec une qualité inférieure. L’intérêt d’une telle théorie est qu’elle a proposé une alternative aux autres théories du marché – la concurrence pure et parfaite et le monopole. Un autre intérêt du modèle de Chamberlin est qu’il est représentatif du modèle de production dominant de l’époque : le fordisme. En effet les hypothèses de la théorie de Chamberlin peuvent paraître actuellement extrêmement limitatives pour analyser le marché actuel, mais ces mêmes hypothèses ne sont pas vraiment héroïques en considérant le système fordiste des années 30. Autant la micro-économie traditionnelle représente, autant la théorie chamberlinienne se place dans son époque. De plus, le modèle de Chamberlin conserve son actualité dans certains domaines dans lesquels l’application des principes du modèle japonais entraîne une limitation de la diversification des produits proposés. Enfin, on a oublié une des notions développées par Chamberlin qui est de différencier son produit pour occuper une niche. Ce principe indique que si un producteur différencie ses produits par rapport à ses voisins, alors il récupérera une partie des pouvoirs de marché du monopoleur. Les japonais ont oublié cette notion. Leur notion de la différenciation a été de proposer une gamme étendue de biens, et la différenciation a multiplié le nombre de modèles disponibles mais a annulé ces effets de marché. Ils ont oublié en quelque sorte la notion stratégique de la différenciation de niche pour aborder une option plus technique et omniprésente sur le marché. Le but n’est plus d’occuper une niche mais d’être présent partout. Les producteurs proposent des produits avec tellement d’option qu’ils peuvent entrer dans toutes les niches du marché. Cependant, tous les producteurs agissent ainsi, ce qui ne laisse pas de niche véritablement occupée par un seul producteur. Même si on considère des niches bien spécifiques – comme la voiture de sport -, les gros producteurs tentent d’y entrer.
En revanche, le modèle japonais a permis de renier un certain nombre de concepts de Chamberlin. Par exemple, Chamberlin indique que la production d’un bien entraîne une perte d’économie d’échelle. Le système japonais a permis de contourner ce type de problèmes, au moins en partie. Si on considère par exemple une partie des économies d’échelle comme résultant de la répartition des coûts fixes sur le nombre de biens produits, alors une production de biens différenciés sur un même ensemble de machines – qui soient bien entendu des machines généralistes, pratiquant des actions de base – alors les coûts fixes se répartiront sur un même nombre de biens produits.
Une autre branche de la théorie de la différenciation des produits tente d’observer le choix du consommateur dans un marché concurrentiel de produits différenciés. Cette théorie cherche à expliquer le comportement du consommateur. Seulement, ce modèle restait promu dans un marché fondamentalement fordiste.
Dans un marché plus toyotiste, le choix n’est plus à considérer de la même manière. Le modèle de Lancaster est un cas particulier – celui d’un marché de bien divisible ou celui de bien divisibles mais existant en petit nombre – qui se révèle limité dans la nouvelle organisation de la production. Il est tout de même intéressant de voir que le modèle de Lancaster et le modèle Toyota se sont développés au même moment et suivant un même principe de base – celui selon lequel le consommateur représentatif ne convient pas au comportement moderne d’achat, mais suivant lequel chaque individu est unique et choisira le bien qui correspond à ses propres besoins. Malheureusement, le modèle japonais a omis une chose, c’est que l’exhaustivité des besoins du marché proposés au choix du consommateur n’optimise pas l’assouvissement de ses besoins propres, mais crée une gêne au niveau du choix. L’individualisation de la demande, c’est proposer au consommateur le bien qui correspondra le mieux à l’assouvissement de son besoin. Chamberlin avait défendu le rôle stratégique de la force de vente, et nous la revoyons ici dans son rôle de définition des besoins des consommateurs.
En fait, le modèle japonais rentre dans une phase de maturité. On observe actuellement les déboires des producteurs qui ont tenté d’aller trop loin dans la production en flux tendus. On voit nettement que ce système de production et que le modèle de Lancaster ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre.
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