Dans ce mémoire, nous avons pu mettre en avant le concept de filière et les préceptes inhérents à sa compréhension et son analyse. Cette phase préalable fut indispensable pour pouvoir comprendre et établir les liens de causalité entre filière et développement.
Il nous est donc apparu que la logique systémique de l’analyse de filière permet un degré de compréhension élevé des interactions qui existent entre tous les acteurs concernés. Cette prise en compte des acteurs est indispensable à un opérateur extérieur qui ne doit pas mettre en avant de mécanismes de blocages par le changement qu’il opère sur le terrain.
La dimension territoriale est aussi intéressante, elle nous permet de mettre en avant un projet de territoire(20) qui favorise un développement local généralisé dans un contexte global. Cette alliance du global et du local est indispensable pour les ONG qui agissent généralement dans un contexte global mais localement.
En analysant une filière, les ONG favorisent l’application d’un logique multi-acteur sur le terrain, cette logique est indispensable pour faciliter l’appropriation des projets et idéaux sous-jacents par les populations et les autorités locales. Dans cette logique, la mise en oeuvre de projets de filière permet de renforcer les dynamiques participatives et la concertation dans les projets ou programmes.
Nous savons désormais que la clef du développement par les ONG réside entre autre dans la capacité de ces dernières à mobiliser les financements suffisants. En mettant en avant des axes d’interventions différents, l’approche passant par la filière peut s’avérer un facteur important dans cette mobilisation de fonds.
Notre expérience du terrain dans le cadre de la filière karité au Mali nous a permis d’appréhender cette logique de filière dans le cadre de projets agricoles et de comprendre que l’informelle joue un rôle important dans les pays en développement, mais que paradoxalement c’est aussi cette logique informelle qui restreint le champ d’action des pouvoirs publics en ne mettant pas à jour, les opportunités et l’importance de ces filières.
Nous pouvons prendre l’exemple du karité malien qui traverse en permanence la frontière, mais, qui n’étant pas comptabilisé dans les flux marchands remet en cause la viabilité économique de la filière karité dans son ensemble. Nous ne pouvons en être certain mais si tous ces échanges eussent été pris en compte de manière formelle, une usine de transformation aurait pu voir le jour et permettre à des dizaines de milliers de femmes vivant à la campagne de pouvoir s’octroyer des revenus supplémentaires nécessaires à la scolarisation des enfants, à la sécurité alimentaire ou encore à l’investissement…
Il apparaît donc évident que l’analyse de filière peut être un outil important dans un contexte agricole en milieu rural pour l’intervention des ONG, toutefois, il ne faut pas prendre la logique de filière pour une panacée, d’autres outils peuvent être pris en compte.
Cette expérience sur les filières et plus particulièrement sur la filière karité malienne a permis de mettre en avant la nécessité de recul qui incombe aux projets de développement dans le Sud. Il faut faire preuve d’humilité et comprendre que ce n’est pas tant les outils mis en avant qui comptent mais ce que nous sommes capables d’en faire.
L’analyse de filière est donc un outil qui peut s’avérer efficace pour les ONG dans la mesure où elles interviennent avec respect des populations en n’oubliant pas que les seuls experts ce sont eux. Eux, qui ont la connaissance quotidienne du terrain, c’est-à-dire les paysans.
Notre réflexion sur l’impact de l’analyse de filière dans les projets de développement évoluant, une question reste en suspens.
Pousser trop loin la structuration des filières dans un objectif de développement ne revient-il pas à appliquer les préceptes d’un capitalisme à échelle locale, à l’heure où ce même système capitaliste montre ses faiblesses ?
20 Un projet de territoire est un projet ou différents acteurs mettent en oeuvre leurs capacités, compétences, savoirs… pour atteindre un objectif commun.