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Conclusion sur le chapitre 1 :

Afin de conclure sur ce chapitre, il convient d’établir un bilan de la jurisprudence, un an après
la décision du Conseil qui a laissé aux juridictions judiciaires le soin de tracer les contours de
ce nouveau régime indemnitaire.

La Cour de cassation s’est en fait prononcée au sujet de l’affaire qui avait conduit à la
transmission de la QPC. Il s’agit d’un arrêt très récent du 30 juin 2011, reproduit en annexe,
par lequel la Cour après avoir repris mot pour mot la réserve du Conseil, a énoncé :

« Attendu que pour débouter Mme X… de ses demandes d’indemnisation au titre de
l’aménagement de son logement et des frais d’un véhicule adapté, l’arrêt retient que l’article
L. 452-3 du code de la sécurité sociale, énumérant de façon limitative les préjudices pouvant
être indemnisés dans le cadre de la faute inexcusable, ne prévoit pas les frais
d’aménagement du logement et de véhicule adapté et que le régime de la réparation des
accidents du travail n’est pas discriminatoire et permet un procès équitable ;

Qu’en statuant ainsi, alors que ces préjudices ne sont pas couverts par le livre IV du code de
la sécurité sociale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Par cet arrêt inédit, la Cour tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel
en retenant que les frais d’aménagement du logement et de véhicule adapté ne sont pas
couverts par le livre IV et doivent être réparés cassant ainsi l’arrêt de la Cour d’appel de
Grenoble et renvoyant les parties devant celle de Lyon.

La Cour de cassation a donc d’ores et déjà appliqué la décision du Conseil constitutionnel,
cependant, elle n’a statué que sur le point litigieux à l’origine de la QPC à savoir
l’indemnisation des frais de logement et véhicule adapté. Ainsi, toutes les incertitudes
suscitées par la réserve d’interprétation du conseil n’ont pas trouvé de réponse.

Dans l’attente d’une réelle prise de position par les juges de cassation sur les doutes qui
subsistent, les juges du fond ont déjà abordé certaines de ces problématiques.

Les commentateurs de la décision ont tout de suite annoncé la fin de la limitation de la
réparation des préjudices des victimes de fautes inexcusables et s’attendaient à des
désignations massives d’experts sur ces nouvelles bases. Catherine Gambette, avocate,
relève que ces demandes ont été systématiquement formulées par les victimes mais n’ont
été accueillies que de manière limitée par les juridictions. Celles-ci exigent que les
demandeurs démontrent l’existence de dommages particuliers, outre les dommages
énumérés par le code de la sécurité sociale, et qui justifieraient une telle expertise. Ainsi, la
désignation d’un expert avec une mission type Dintilhac n’a aujourd’hui aucun caractère
automatique.

Sur l’interprétation proprement dite de la décision du Conseil, les juges du fond retiennent
une lecture tout à fait minimaliste. Ainsi, la cour d’appel d’Amiens a pu jugé le 22 mars 2011 :

« attendu qu’elle [la décision du Conseil] ne saurait en revanche, en l’absence de toute
remise en cause du régime forfaitaire d’indemnisation des accidents du travail et des
maladies professionnelles et de toute référence expresse au principe de la réparation
intégrale, s’analyser comme imposant une indemnisation complémentaire des postes de
préjudice déjà couverts, fût-ce de façon imparfaite, par le livre IV du code de la sécurité
sociale. »(154)

Aujourd’hui, pour les juges du fond qui se sont prononcés sur la question, les seuls postes
qui peuvent donner lieu à une indemnisation complémentaire sont ceux non prévus par le

CSS : frais d’aménagement du logement et véhicule, frais divers, assistance tierce personne
avant consolidation et préjudices permanents exceptionnels.

Force est de constater une nouvelle fois que l’intervention des juges de cassation et/ou du
législateur permettra de conclure à l’adoption ou non du principe de réparation intégrale.

Il faut bien souligner que nous restons dans une période de doute, les difficultés
d’interprétation de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 n’ayant pas encore
fait l’objet d’une interprétation par la Cour de cassation. L’arrêt du 30 juin 2011 ayant
uniquement statué à propos des deux chefs de préjudices qui avaient fait l’objet de la QPC
ne peut donc être considéré comme représentatif d’un choix opéré entre les deux lectures
avancées de la décision du Conseil.

On peut dès lors à ce stade de l’évolution du régime, s’attendre à deux cas de figure :

– Une application stricte de la décision des Sages : n’allant pas au-delà de la stricte
réserve d’interprétation telle qu’elle a été formulée. La réparation ne serait donc
étendue qu’aux seuls chefs de préjudices non visés par le livre IV du code de la
sécurité sociale.

– Une interprétation maximaliste de la position exprimée par les juges constitutionnels,
en faveur de la reconnaissance d’une indemnisation intégrale de tous les préjudices
subis par les victimes.

Dans les hypothèses, que l’une ou l’autre de ces deux visions soit adoptée, il est certain que
la décision ne sera pas sans conséquences. A ce titre, les différents acteurs du système de
réparation des accidents du travail et maladies professionnelles concernés, de manière
directe ou non, par le régime de responsabilité de la faute inexcusable ont des raisons
d’espérer une amélioration ou de se prémunir contre les conséquences de cet « appel du 18
juin ».

Face à cette certaine évolution et potentielle nouvelle donne il est incontournable d’étudier à
présent ses différents impacts.

154 Cour d’appel d’Amiens, ch. Soc., cabinet A, 22 mars 2011

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