Les personnes couvertes par la Convention CLC et celles ne bénéficiant d’aucune protection particulière
La Convention de 1969/1992 a mis en place un système de responsabilité objective et une
« canalisation » de la responsabilité.
Le propriétaire enregistré est plus facile à retrouver que l’affréteur ou l’armateur exploitant,
donc cette idée partait d’une bonne intention.
Malheureusement, les propriétaires enregistrés sont de nos jours très souvent des single
ship company, et les véritables propriétaires sont dès lors difficilement identifiables.
Aussi, aujourd’hui en droit maritime, une limitation de responsabilité s’exprime au travers
de la constitution d’un fonds dont le montant est fonction de la taille du navire, ce qui peut
paraître injuste. La justification de la limitation de responsabilité aujourd’hui nous semble
quelque peu obsolète, au regard notamment des fortunes que brassent les armateurs
propriétaires de navire.
Pourquoi les sinistrés devraient-ils se voir opposer une quelconque limitation de
responsabilité ?
La justification majeure de la limitation de responsabilité du propriétaire du navire tient en
fait à l’assurance. Pour ceux qui défendent le maintien de la limitation, la justification de
cette dernière tient au fait qu’aucun assureur ne garantirait le risque de pollution pour un
montant illimité, et qu’en l’absence d’assurance maritime le transport des hydrocarbures
par mer ne pourrait survivre.
Il faut cependant signaler que si ce postulat était exact il ne devrait plus se transporter un
seul centilitre de pétrole vers les Etats-Unis d’Amérique, puisque l’indemnisation y est, là
bas, illimitée…
La Convention sur la responsabilité civile de 1992 pose en son article III-4° le principe
selon lequel « Aucune demande de réparation de dommage par pollution ne peut être
formée contre le propriétaire du navire autrement que sur la base de la présente
Convention ».
La Convention poursuit en interdisant de telles demandes, sous réserve toutefois de ne pas
porter atteinte aux droits de recours du propriétaire contre les tiers .
Aussi, les conventions ne font pas obstacle à la faculté pour l’armateur et le Fonds d’avoir
recours en justice à l’encontre d’autres parties dés lors que l’indemnisation aura été versée.
Mais la responsabilité est tout de même fortement canalisée.
En 1992, de nouveaux acteurs obtiennent une protection, notamment l’affréteur et
l’exploitant du navire. Rappelons tout de même qu’une action peut être engagée contre ces
protagonistes en cas de faute volontaire ou de faute commise témérairement et avec
conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement, comme pour le propriétaire du
navire (Article V-2° de la Convention de 1992).
A contrario, d’autres personnes ou entités ne sont pas protégées.
C’est le cas notamment des sociétés de classification. Le rôle de la société de classification
est essentiel, c’est elle qui va déterminer si le navire est apte à affronter les périls de la mer
et qui délivre les certificats qui attestent de la navigabilité du navire.
Cependant, par négligence volontaire pour ne pas perdre ses clients ou par pur soucis
économique, certaines vérifications sont très légères.
D’autres acteurs peuvent également voir leur responsabilité engagée, notamment le tiers
responsable du sinistre si la pollution résulte d’un abordage, ou encore le chantier naval
qui s’est chargé de la construction du navire.
Dans un article intitulé « Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommages
résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures » , le Professeur Pierre BONASSIES,
au-delà des deux niveaux d’indemnisation assurés par la Convention sur la responsabilité
civile de 1969/1992 et la Convention portant création du Fonds, fait état de deux niveaux
d’indemnisation supplémentaires, les niveaux trois et quatre(rappelons que cet article fut
rédigé avant la création, en 2003, du fonds complémentaire). Le troisième niveau est
organisé par la Convention 1969/1992 autour de la faute inexcusable. Nous sommes ici
dans la situation où une faute personnelle peut être relevée à l’encontre du propriétaire du
navire, de l’affréteur ou de l’exploitant du navire. S’il est prouvé que le dommage résulte
de leur faute ces derniers seront déchu de leur droit à limitation.
Pour ce qui est d’une telle faute relevée à l’encontre de l’affréteur ou de l’exploitant, il en
résulte que les sinistrés pourront engager une action visant à leur indemnisation devant les
tribunaux nationaux sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil.
Le quatrième niveau d’indemnisation évoqué par le Professeur Pierre BONASSIES est
complètement extérieur à la Convention de 1969/1992. C’est dans ce quatrième niveau
d’indemnisation que les sociétés de classification ainsi que les autres protagonistes précités
peuvent voir leur responsabilité engagée.
Dans cet article paru en 2000, Pierre BONASSIES se demande « si une action fondée sur le
droit national approprié ne serait pas susceptible d’être intentée, même à l’encontre des
personnes « protégées » par la Convention de 1969/1992, armateur non propriétaire,
affréteur et autres ». Il envisage la possibilité de contourner les dispositions de la
Convention de 1969/1992, de contourner l’article I-6° qui donne la définition du
« dommage par pollution », notamment pour ce qui est des demandes relatives au préjudice
à l’environnement…. Dix ans plus tard, force est de constater que l’auteur avait vu juste
puisque l’on retrouve l’armateur propriétaire du navire, M. Giuseppe Savarese, l’affréteur
du navire, la société TOTAL, la société de classification, Société RINA, et le capitaine du
navire, M. Karun Mathur, sur le banc des accusés dans le procès Erika.
Pour qu’une demande soit indemnisable, elle doit répondre à la définition de « dommage
par pollution » ou de « mesures de sauvegarde » telle que donnée à l’article I-6° de la
Convention sur la responsabilité civile de 1992. La demande d’indemnisation sera étudiée
par des experts désignés par les propriétaires de navires, son assureur et le FIPOL.