La N-IgA primitive est la néphropathie glomérulaire chronique primitive la plus fréquente dans le monde. Sa fréquence varie d’une étude à l’autre en fonction de l’origine ethnique, géographique et des indications de la PBR. La N-IgA est actuellement reconnue comme une cause importante d’insuffisance rénale terminale (IRT). L’insuffisance rénale initiale et l’HTA constituent les deux éléments majeurs de mauvais pronostic de la maladie.
Les patients de notre étude présentaient, au moment du diagnostic, une forme grave de la maladie. En effet 16/21 (76,19%) des patients avaient une HTA et/ou une insuffisance rénale initiale, parmi lesquels 6 patients ont évolué vers l’IRT et 7 malades ont présenté une dégradation progressive de leur fonction rénale. Cette néphropathie est associée à une augmentation des concentrations sériques des IgA (13). Dans notre série, des taux élevés des IgA sériques ont été retrouvés dans 71,42% des cas.
Près des deux tiers (57,14%) de nos patients avaient une baisse du taux de C3 sans diminution concomitante de la fraction C4, ce qui pourrait être en faveur d’une consommation du complément par la voie alterne. L’activation du complément par cette voie a été rapportée au cours de la maladie de Berger (21).
Monteiro R C et al (13) suggèrent un dépôt mésangial de complexes immuns : IgA-RFc α, comme étant le mécanisme étiopathogénique essentiel de la N-IgA. La recherche d’ICC chez nos patients a révélé leur présence dans 6 cas, tous d’isotype IgG et associés dans au C3 dans deux cas. L’absence d’ICC à IgA pourrait s’expliquer par leur dépôt au niveau glomérulaire.
Divers processus auto-immuns, dont la présence d’auto-anticorps, ont été rapportés au cours de la N-IgA (4,14). Tous nos patients sont AAN, AML et AMM négatifs. En revanche, les IgG aCL étaient observés dans 6 cas, dont 3 avaient des lésions vasculaires rénales de type endartérite fibreuse et de microangiaopathie.
La meilleure compréhension des mécanismes étiopathogéniques de la maladie a permis de suspecter certains gènes candidats à une prédisposition à la N-IgA. De récents travaux ont démontré que le niveau de production des cytokines varie selon les individus et qu’il est tributaire des polymorphismes des gènes de ces cytokines. Ces polymorphismes pourraient être à l’origine d’une susceptibilité à la N-IgA. Chun Soo Lim et al (10) a attribué un rôle majeur aux sous populations lymphocytaires T (Th1/Th2) et à leurs cytokines respectives, dans la sévérité et le pronostic de la N-IgA. Parmi les polymorphismes des cytokines étudiés au cours de la N-IgA (3, 9, 15), celui de l’IL1 (18) et de son récepteur antagoniste ont été les plus étudiés.
L’étude du polymorphisme pentallélique VNTR de l’IL1Ra a permis de révéler une association significative de l’allèle IL1Ra *2 à la sévérité de la protéinurie, à l’hématurie macroscopique et au degré de l’insuffisance rénale (11, 16, 20). L’allèle IL1Ra*1 a été retrouvé à une fréquence significativement plus élevée (p<0,001) chez les malades (95,23%) par rapport à celle observée chez les témoins (75%). Néanmoins l’étude de ce polymorphisme sur un effectif plus étendu nous permettrait de confirmer l’éventuelle association entre l’allèle IL1Ra*1 et la susceptibilité à la N-IgA dans la population Tunisienne. L’analyse du SNP de l’IL1 α, β, a montré l’absence d’association positive entre ce polymorphisme et la prédisposition à la maladie de Berger, confirmant ainsi les résultats de Taniguchi Y et al (18). La N-IgA est, comme toute néphropathie d’origine immunologique, régulièrement associée à certaines anomalies du système immunitaire touchant essentiellement les cellules T. L’activation de ces cellules résulte de l’interaction dynamique de multiples molécules membranaires qui crée les signaux intracellulaires nécessaires. Parmi ces molécules immunorégulatrices dites de costimulation, le CD28 et le CTLA-4 sont des glycoprotéines, de structure semblable mais agissant de façon antagoniste. En effet le signal passant par le CD28 délivre un signal de costimulation positif à la cellule T alors que celui passant par le CTLA-4 est inhibiteur de l’expansion des cellules T et de la production de cytokines. Ainsi, le gène codant pour le CTLA-4 serait un bon candidat pour une éventuelle association entre les phénotypes CTLA-4 et la prédisposition à la N-IgA. Trois polymorphismes essentiels du gène CTLA-4 sont décrits. Le polymorphisme d’un seul nucléotide (SNP) de l’exon 1 A/G (+49), celui du promoteur C/T à la position -318 et le polymorphisme de deux nucléotides (AT) n répétés de l’exon 3 (+642). Dans notre étude, seul le polymorphisme A/G (+49) a été analysé au cours de la N-IgA. Les polymorphismes du gène CTLA-4 ont été surtout analysés au cours du lupus érythémateux systémique, des maladies thyroïdiennes auto-immunes et en transplantation rénale. Notre étude a révélé une fréquence significativement plus élevée du génotype A/A (p<0,001) du gène CTLA-4 chez les patients (47,62%) comparativement à celle observée chez les témoins (9,1%). Une corrélation clinique et/ou histologique de la maladie avec ce génotype CTLA-4 A/A (+49) a été recherchée. Les patients de phénotype CTLA-4 A/A présentaient des caractéristiques clinico-biologiques et histologiques similaires à celles des malades de génotype CTLA-4 G/G ou A/G. Bien que l’effectif des patients atteints de N-IgA, de notre série soit réduit, le génotype A/A de l’exon 1 du gène CTLA-4 (+49) semble intervenir comme un facteur prédictif de susceptibilité à la maladie de Berger. L’apoptose ou mort cellulaire programmée, est un mécanisme présent dans chaque cellule conduisant à sa destruction. Cette mise à mort de la cellule implique l’engagement de molécules réceptrices (CD95 : ApoI/Fas) situées à la surface de la cellule cible, par leurs ligands (FasL), situés sur la cellule effectrice. La molécule Fas appartient à la famille de protéines des récepteurs des facteurs de nécrose tumorale (TNF-R) et FasL est une molécule membranaire étroitement apparentée au facteur de nécrose tumorale a (TNF a) qui est une cytokine médiatrice de l’inflammation comme l’IL1, l’IL6 et l’IL12. Certains auteurs (8) suggèrent une baisse de la susceptibilité à l’apoptose médiée par la protéine Fas comme cause d’une activation anormale de certaines cellules B des centres germinatifs. Un processus similaire pourrait exister au niveau des glomérules rénales, permettrait d’expliquer la prolifération cellulaire mésangiale au cours de la N-IgA. Le gène ApoI/Fas est localisé sur le chromosome 10q23. Son expression peut être régulée par un certain nombre de séquences génétiques localisées en amont de la région 5’. Des variations dans les séquences de cette région, engendreraient différents niveaux d’expression du gène Fas. Des études moléculaires ont permis d’identifier deux polymorphismes au niveau du gène ApoI/Fas : un SNP G/A dans la région du silencer (-1377) et le 2ème SPN G/A dans la région de l’enhancer (-670) (6). L’analyse du polymorphisme du gène ApoI/Fas n’a pas révélé de différence statistiquement significative au niveau des fréquences alléliques et génotypiques entre les patients et les témoins.