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HISTOIRE ET STRUCTURE D’UN GENRE MUSICAL

1. LES CORRIDOS : CHRONIQUES DE LA REVOLUTION

Les corridos sont des chansons populaires pouvant prendre une forme poétique et qui servent à narrer des histoires réalistes.

Cette musique tient une place importante au sein de la tradition orale.

Ce style musical émerge au sein de la société métisse mexicaine du nord du Mexique.

Les corridos peuvent être assimilés à la tradition de ballades romantiques existant en Espagne au 14ème siècle. Ce seraient alors une adaptation, entre autres courants musicaux européens du 18ème siècle de ces musiques espagnoles.

Les conquistadores espagnols amenèrent ce style musical au Mexique. C’étaient des chants à caractère satirique interprétés sur la place publique pour et par le peuple et faisaient référence à des personnages publics avec sarcasme et à des phénomènes de la société ou à des événements prêtant à rire.

Les corridos sont devenus vers le 19ème siècle, un média d’expression et de narration d’événements de la vie quotidienne et des sentiments populaires.

Toutefois les corridos ne sont pas un simple héritage de ces romances espagnoles.

En effet, c’est un genre musical à part entière développé au Mexique et qui possède ses propres ses propres thématiques, ses caractéristiques vocales et musicales, particularités de la culture métisse mexicaine.

C’est un genre musical qui existe depuis la colonisation mais il a atteint une grande popularité à partir de la Révolution de 1910. C’est pourquoi il existe de nombreux corridos sur les relations Etats-Unis/ Mexique ou encore sur la Révolution.

Ils célèbrent ceux « d’en bas », tous les pistoleros et autres fugitifs de la Révolution.

Ces chants sont par ce biais d’importantes sources historiques pour les spécialistes.

Il faut noter en outre qu’à travers tout le Mexique, chaque ville et chaque village ses propres chansons, des corridos locaux.

Certains émettent également l’hypothèse que ces corridos seraient aussi un héritage de chants épiques issus de la culture indigène mexicaine et notamment nahuatl.

2. LES NARCOCORRIDOS : UN HERITAGE DE L’ANCIEN TEMPS ?

Le narcocorrido est un « nouveau » genre musical qui se construit à partir d’une base musicale et structurelle ancienne et utilise des thèmes d’actualité.

Les narcocorridos émergent dans les années 1990 renouvellent ainsi un genre musical traditionnel.

Héritier du corrido, genre musical originaire de la Révolution, le narcocorrido est aujourd’hui un média profitant aux narcotrafiquants et à leurs « fans », originaires pour la plupart des zones rurales et « norteñas » du Mexique, zones très pauvres où règne une grande violence.

Si le corrido est l’apanage de la Révolution et de la construction de la nation mexicaine ; le narcocorrido montre quant à lui la place importante qu’occupe le trafic de drogues dans le Mexique contemporain.

Le « corridista », chanteur de corridos, raconte les aléas de la vie des narcotraffiquants.

Ce courant musical naît au Mexique dans les 1990, à la montée de la violence au Mexique et au moment où le cartel de Juarez règne sur le trafic de drogues.
Les narcocorridos naissent donc avant tout dans les régions nord du Mexique fortement touchées par les affaires de drogues et de violence.

3. MUSIQUE ET SITUATION GEOGRAPHIQUE

Si la production des corridos mexicains du temps de la Révolution a surtout eu lieu dans le nord du Mexique, aujourd’hui, ce genre musical fait de plus en plus d’adeptes hors des frontières mexicaines et notamment dans les états du sud des Etats-Unis.

En effet, si le nord du Mexique est la zone la plus connue comme productrice de ce genre musical, la zone de production s’étend également au côté états-unien de la frontière ainsi que dans d’autres lieux d’Amérique latine.

Les corridos sont nés dans les berceaux de la Révolution tels que Durango, Queretaro ou encore Nuevo Leon. Pourquoi ?

La révolution avait pour but de renverser la dictature de Porfirio Diaz. Mais cette révolution s’est vite transformée en révolte générale transformant le système social mexicain, ses structures économiques, sociales et politiques.

Porfirio Diaz a rendu le Mexique prospère économiquement mais cette prospérité ne bénéficiait qu’à une élite et le régime était très brutal et répressif à l’image de sa politique agraire. S’ensuivit une période de récession économique internationale.

Francisco Madero était le personnage de l’opposition, que Diaz va faire emprisonner.

Lorsqu’il décide de libérer Madero, ce dernier s’enfuit pour se réfugier au Texas et fomente une révolte en ralliant de nombreux Mexicains défavorisés qui espèrent de nouvelles réformes sociales et économiques : les travailleurs urbains revendiquent des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail, et les Indiens et les paysans réclament la restitution des terres.

La Révolution ayant débutée au nord, puisque Madero se trouvait au Texas, cette première s’est donc diffusée du nord vers le sud. Et c’est tout naturellement que la musique des corridos, accompagnant la Révolution, s’est répandue de façon parallèle.

La musique a accompagnée la société et le système social a crée le corrido parce qu’il en avait besoin pour l’accompagner.

Il en est de même pour les narcocorridos. Cette musique actuelle va de paire avec le système social mexicain actuel. Tout comme les corridos ont été crées et diffusés dans les régions révolutionnaires, les narcocorridos suivent le même schéma mais en suivant le parcours du trafic de drogue et de la violence.

La région nord mexicaine est connue internationalement comme étant la plus dangereuse du pays. C’est une plaque tournante et un haut lieu du trafic de drogue international.

Cette recrudescence de violence et l’importance de la drogue dans cette région est notamment dû à la frontière avec les Etats-Unis parce qu’ils sont le premier client du Mexique mais aussi parce que cette frontière est la cause de nombreux maux pour les mexicains ; De nombreux mexicains restent du côté mexicain de la frontière parce qu’ils ne peuvent pas traverser le Rio Bravo, dernière limite à « leur rêver américain ».

C’est donc souvent une population désenchantée que l’on retrouve dans cette zone, individus qui travaillent là où ils peuvent, dans des maquiladoras par exemple, pour des salaires de misère et dans des conditions très difficiles.

C’est cette désillusion et ce désenchantement qui bénéficient aux trafics de drogues et qui sont la cause d’une montée de la violence.

Et ce sont ces phénomènes que suivront et relateront les narcocorridos.

Enfin il est assez intéressant de noter que la carte des narcocorridos se superpose presque parfaitement à la carte des corridos. Probablement parce que toutes ces régions de par leur héritage ont vu leurs systèmes sociaux se transformer de la même façon.

Terres des Corridos

Terres des Narcocorridos

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