Au milieu des années nonante, sous l’impulsion de l’Etat français, sensibilisé aux problèmes de pollutions urbaines, les constructeurs français relevaient le défi de « re »lancer la voiture particulière et petit utilitaire 100% électrique.
Ce furent des modèles pourvus d’une autonomie comprise entre 70 et 100km.
Dans le même temps, afin de compléter une offre « tout électrique » destinée à l’usage citadin, Peugeot lançait aussi un scooter électrique 100% électrique d’une autonomie de 40 km.
Ces modèles, de par leur autonomie, furent tout à fait adaptés à un usage urbain et périurbain. Et ils le sont finalement toujours !
En effet, une étude du CERTU (2008), liée à la mobilité, met en évidence que la voiture (donc V.C.F.) est utilisée pour de très courtes distances au détriment des modes doux.
Voici les données extraites de cette fiche (part d’utilisation de la voiture (V.C.F.) en fonction de la longueur et du type de déplacement) que j’ai choisi de représenter sous une forme synoptique :
Au regard de ces données, qui n’indiquent pas, cependant, le pourcentage des citoyens qui sont tributaires de leur véhicule pour diverses raisons (handicap, etc.), on note une forte dépendance à l’usage de la voiture (V.C.F.) au détriment des modes doux dès les tous premiers kilomètres !
On remarque aussi immédiatement que ces déplacements « très courtes distances » sont largement compatibles avec l’autonomie des V.E. (voitures et scooters) des années nonante, qui était, rappelons-le, de 70 à 100km pour les voitures et de 40km pour les scooters.
Et en ce qui concerne la voiture électrique, son autonomie couvre également les déplacements « courtes distances ».
Rappelons que « les déplacements courtes distances sont ceux effectués à moins de 80 km à vol d’oiseau du domicile, soit à moins de 100 km environ en distance réelle. » (CERTU, 2007, p.9).
I-3-a Les véhicules à carburant fossile, source non-négligeable d’émission de CO2
Et toujours, selon le document du CERTU (2007), ces déplacements « courtesdistances » sont extrêmement générateurs d’émission de CO2.
On peut ainsi lire : « selon la situation de référence de 1990, les déplacements des personnes à courtes distances représentaient 447 milliards de voyageurs-km, 85 % étant effectués en voiture et 11 % en transports collectifs.
La circulation automobile « courtes distances » peut être évaluée à 262 milliards de véhicules-km. Ces déplacements automobiles représentent environ 64 % de l’ensemble des voyageurs-km effectués en voiture en France et 72 % des véhiculeskm.
Ils constituent donc un enjeu important pour la réduction des émissions de CO2.
[Notons que] les déplacements en voiture à courte distance représentaient en 1990 une émission annuelle de 60 millions de tonnes de CO2 [en France] que l’on peut répartir comme suit :
– centres urbains : 10 millions de tonnes
– banlieue : 16 millions de tonnes
– périurbain : 14 millions de tonnes
– rural : 20 millions de tonnes » (p.9)
Enfin, J.-P. Lavielle (2008) rajoute que « La mobilité quotidienne, ou mobilité locale prend en compte les déplacements effectués dans un rayon de 80 km autour du domicile. Elle représente la presque totalité des déplacements (96 %) et la majorité des distances parcourues. Cette mobilité est essentiellement urbaine […]. » (p.35)
I-3-b Le véhicule électrique : le Phénix de l’automobile
Et c’est cet environnement, tout à fait propice au développement du V.E., qui a permis aux constructeurs français, principalement Peugeot-Citroën, de devenir, il y a 15 ans, premiers constructeurs au monde de V.E. avec, grosso-modo 10.000 véhicules électriques produits.
Cependant, contre toute attente, l’année 2003 sonna le glas de la production française des V.E. et la fin de ce renouveau éphémère !
Bien qu’il soit mis en avant, généralement, que c’est l’autonomie des V.E. et la gestion de la charge des batteries qui soient responsables de cet échec ; ce qui est, par ailleurs, probablement un des facteurs importants ; il faut sérieusement appréhender cet arrêt brutal sous divers angles que nous aborderons plus en détail dans la partie IV-1.
On peut toutefois en énumérer quelques-uns :
– une initiative politique forte qui ne fut peut-être pas véritablement soutenue par les constructeurs ;
– le manque d’engagement étatique promouvant et favorisant l’usage des V.E. en milieu urbain et périurbain (infrastructures, information et éducation, etc.) ;
– le non-respect de l’engagement de l’Etat sur l’acquisition d’un nombre conséquent de V.E. pour les administrations (nombre conséquent qui aurait pu agir comme mesure d’exemplarité) ;
– le manque de formation du personnel administratif à la conduite des V.E. et à la gestion des charges des batteries ;
– de forts facteurs culturels et sociaux. N’oublions pas que sont associées à la voiture (son bruit, sa puissance, sa forme, etc.) des campagnes de communication « commerciales » qui jouent, depuis des décennies, sur la sémantique de l’image, la réussite, la puissance mais aussi de la « liberté », etc. ;
– et sans oublier, bien sûr, l’action de groupes d’intérêts et de pression divers et variés.
Même si l’on perçoit un nouveau regain d’intérêt pour le V.E. en France ; il est extrêmement important de souligner que cet arrêt de la production industrielle du V.E. en 2003 mais surtout cet abandon politique, toujours en France, apparaissent aujourd’hui comme à contre-courant de l’Histoire.
A contre-courant car la prise de conscience mondiale de l’épuisement des ressources planétaires, des liens entre pollution et santé humaine, pollution et réchauffement climatique, notamment à cause de la combustion des énergies fossiles, le tout d’origine anthropique, n’est pas récente.
Le rapport du Club de Rome (rapport Meadow) 1972, la conférence de Stockholm 1972, le rapport Brundtland de 1987, la conférence de Rio en 1992 et le protocole de Kyoto en 1996, le sommet de Copenhague de décembre 2009 et bien d’autres, auraient dû entraîner des politiques industrielles et des politiques de déplacements urbains fortement engagées en faveur du V.E. à travers le monde.
Car le V.E., nous le verrons plus loin en détail, se trouve être une clef pour répondre à certains enjeux de type environnementaux, de santé publique, économiques et sociaux mais aussi géopolitiques.
Alors, l’industrie automobile française, mais bien plus encore, l’industrie européenne, aurait-elle raté la marche du V.E., afin de satisfaire, à court terme, quelques groupes de pression et d’intérêts pour suivre un modèle économique suranné ?
La Chine, elle, a annoncé faire le choix de l’électrique (objectif : 50% de ses véhicules en 2020). Une volonté clairement exprimée de pousser la voie des véhicules à motorisation électrique et de tous leurs composants (projet « 863 », un des 12 programmes clefs nationaux).
Et il y a trois raisons impérieuses pour ce choix :
– moindre dépendance énergétique du pays vis-à-vis du pétrole ;
– lutte contre pollution urbaine (dans contexte de coût prohibitif de modernisation des raffineries) ;
– souhait de bâtir un nouvel outil industriel au service d’une mutation énergétique.
Et la Chine n’est pas la seule ! L’industrie automobile indienne propose aussi des V.E. depuis quelque temps…