Institut numerique

I) ETAT DE SANTE, TESTS GENETIQUES ET AGE

Le droit pour l’assureur de sélectionner les risques qui lui sont proposés en vue de leur
souscription est admis et ce même sur certains critères jugés discriminants par le Code pénal.

Ainsi, conformément à la dérogation dont bénéficie le secteur des assureurs, l’état de santé du
prétendant à l’assurance peut légitimement fonder un refus d’assurance. Cependant, cette
faculté de sélection connaît des limites posées notamment par la loi Evin du 31 décembre
1989 ou le Code pénal (A).

A) Limite à l’usage de l’état de santé en guise de critère de sélection et segmentation

- Tests génétiques

Les tests génétiques, en tant qu’outils pour déceler des maladies, auraient pu être utilisés
licitement dans le silence de la loi, au nom de l’exception dont bénéficie le critère de l’état de
santé.

Néanmoins, la loi interdit aux assureurs de tenir compte des résultats de tests génétiques ;
dans cette hypothèse, l’interdiction vise tant la sélection que la segmentation des risques. Les
discriminations fondées sur l’état de santé sont ainsi punies des peines prévues à l’article 225-
2 du Code pénal « lorsqu’elles se fondent sur la prise en compte de tests génétiques prédictifs
ayant pour objet une maladie qui n’est pas encore déclarée ou une prédisposition génétique à
une maladie […]»(47)

En outre, l’état de santé ne peut fonder un refus licite en assurance collective.

– État de santé en assurance collective

La faculté de sélection reconnue aux assureurs s’amoindrit en assurance collective. S’agissant
des contrats collectifs à adhésion obligatoire souscrits par les entreprises au profit de leurs
salariés et qui visent à garantir à ces derniers des prestations en cas de décès, d’incapacité de
travail et de maladie, la faculté de sélection reconnue aux assureurs s’est considérablement
amoindrie. En assurance collective, la sélection est encadrée et doit s’opérer au niveau du
groupe en son entier. L’assureur n’a d’autre alternative que d’accepter le groupe en son entier
ou le refuser. Il ne peut en aucun cas s’opposer à la demande d’adhésion d’un membre de ce
groupe. Groupe constitué de personnes entretenant des liens de même nature avec le
souscripteur, dans l’hypothèse de l’assurance prévoyance complémentaire souscrite par
l’employeur au bénéfice de ses salariés, le fait d’intégrer l’entreprise entraîne de facto la
qualité d’assuré et n’ouvre pas la possibilité pour l’assureur de refuser la personne concernée
à moins de rompre le contrat d’assurance collective qui le lie à l’entreprise souscriptrice.

Selon l’article 2 de la loi Evin(48), il est en effet « interdit à l’assureur d’opérer une sélection
médicale en refusant d’assurer une personne du groupe ou de prendre en charge des risques
dont la réalisation trouvait son origine dans l’état de santé antérieur de l’assuré ».

Parallèlement à ces interdictions légales de refuser d’assurer, il incombe au juge de délimiter
les critères discriminants. Il devra ainsi réprimer un refus d’assurance si le motif de refus
avancé revêt un caractère discriminatoire.

B) Prohibition de la sélection fondée sur l’âge, le handicap

La segmentation tarifaire reste admise : les développements suivants traitent de la sélection
des risques.

Les exceptions s’interprétant strictement, nul doute que ni l’âge ni le handicap ne peuvent
bénéficier de la dérogation accordée au critère de l’état de santé en assurance de personne.

On ne peut pas déduire d’un âge avancé un état de santé défaillant ; de même, le critère de
l’état de santé ne se confond pas avec celui du handicap lequel demeure prohibé même en
assurance de personnes.

Le critère de l’âge n’est pas assimilable à celui de l’état de santé, et il ne peut donc bénéficier
de la dérogation ouverte à ce dernier critère. Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere
debemus(49) : il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. A contrario, si la loi
distingue, la distinction s’impose à tous. Or, parmi les critères discriminants de l’article 225-1
du Code pénal, il est fait mention distinctement tant du motif du handicap que celui de l’état
de santé. Ainsi, ils ne doivent en aucune manière être confondus. Si la sélection fondée sur
celui-ci est admise, elle ne l’est pas pour celui-là. A ce propos, la Cour d’appel de Nîmes a
rendu un arrêt très significatif(50). Il s’agissait en l’espèce d’une personne âgée de 78 ans ayant
fait l’objet d’un refus de vente d’une assurance automobile en raison de son âge, qui a saisi la
Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (ci-après HALDE) et s’est
constituée partie civile.

La HALDE, considérant que ce refus caractérisait le délit de discrimination, a présenté des
observations en ce sens devant la Cour d’appel, laquelle a condamné l’assureur. Dans cet arrêt
du 6 novembre 2008, la Cour d’appel de Nîmes rappelle en premier lieu que « la sélection du
risque par l’assureur, autorisée dans son principe, a pour limite la prohibition résultant des
dispositions des articles 225-1 et suivants du Code pénal [relatifs aux discriminations] ».

Ensuite, elle précise que « le législateur a pris soin d’opérer une distinction entre l’âge et
l’état de santé, il ne peut dès lors être procédé à un amalgame entre ces deux motifs en
considérant que l’âge avancé induit nécessairement une santé défaillante ».

Par identité de motifs, aucun amalgame ne serait permis entre le critère de l’état de santé et
celui du handicap. Dès lors, le refus absolu et systématique d’assurer une personne en raison
de son handicap, sans qu’il soit procédé à une quelconque analyse de son état de santé, devrait
être considéré comme contraire aux dispositions du Code pénal.

L’autorisation de la discrimination fondée sur l’état de santé implique donc qu’il soit procédé
à une appréciation individualisée de l’état de santé du candidat à l’assurance, par exemple au
moyen d’un questionnaire médical ou d’un examen individuel.

En matière d’assurance couvrant le risque de perte d’emploi, aussi appelé « assurance
chômage », l’instauration d’un âge comme limite de couverture de ce risque suscite des
interrogations. La HALDE a été saisie à plusieurs reprises sur ce sujet(51). Dès qu’un certain
âge est atteint, des personnes sont effectivement susceptibles de se voir opposer un refus
d’assurance chômage fondé précisément sur leur âge. Des assureurs refusent de couvrir le
risque chômage au-delà de 55 ans, ou 60 ans, conformément aux dispositions contractuelles.
Cela implique en toute logique qu’un individu ayant atteint l’âge de 60 ans se verrait exclu du
bénéfice de l’accès à une telle assurance et ce en raison de son âge.

De même, dans sa délibération n°2006-161 du 3 juillet 2006, la HALDE relève l’existence de
discrimination fondée sur le handicap. En l’espèce, il s’agissait d’un assureur conditionnant sa
garantie à l’absence de handicap, au moyen d’une exclusion insérée aux conditions
particulières du contrat qui indiquait : « Vous déclarez : ne pas être atteint d’un handicap
physique ».

Il convient de rappeler que seul le refus d’assurance fondé sur ces critères est interdit,
autrement dit se voir refus l’accès à l’assurance en raison d’un motif discriminant. En
revanche, il est indéniable que les différenciations tarifaires en fonction de ces motifs ne sont
pas affectées et s’autorisent de la liberté des prix et d’une concordance entre le degré
d’exposition au risque et le prix. Les assureurs se basent en effet sur des statistiques pour
définir lesquels, des hommes ou des femmes, présentent le plus de risques. Les statistiques
montrent que les femmes provoquent moins d’accidents graves que les hommes. Ainsi, les
sinistres automobiles causés par les femmes représentant un coût moins élevé et celles-ci
bénéficient de tarifs d’assurance automobile plus avantageux. De ce fait, les hommes paient
généralement une prime d’assurance automobile plus chère que les femmes. De même, les
hommes, dont l’espérance de vie est moins importante que celle des femmes, paient des
cotisations d’assurance décès plus élevées dans la mesure où leur probabilité de mourir
prématurément est plus forte. A présent, la donne devrait changer en leur faveur. L’arrêt de la
Cour de Justice de l’Union Européenne interdit désormais tant la sélection que la
segmentation tarifaire fondée sur le critère du sexe. (II)

46 Luc MAYAUX, La Semaine Juridique Edition Générale n° 16, 18 Avril 2011, 465 « Coup de tonnerre » : la CJUE
prohibe toute discrimination fondée sur le sexe !
47 Article 225-3 du Code pénal.
48 Loi n°89-1009 du 31 décembre 1989.
49 Adage en latin
50 CA Nîmes, 6 novembre 2008, n°08/00907
51 La HALDE, Délibération n°2009-364 du 9 novembre 2009 ; Délibération n° 2010-53 du 1er mars 2010 ;
Délibération n°2010-196 du 27 septembre 2010.

Retour au menu : ASSURANCE, EGALITE ET NON DISCRIMINATION