60. – Notion de faute médicale –
La faute est une notion de droit dont la qualification est soumise au contrôle de la Cour de cassation, et qui se distingue du simple manquement à une obligation préexistante. La définition moderne et objective de cette notion précise que la faute est un fait illicite résultant de la violation d’une obligation préexistante et qui suppose un « écart » ou une « erreur de conduite » de l’agent, à l’exclusion de tout élément intentionnel. La qualification d’une faute suppose donc de déterminer dans un premier temps le devoir auquel l’agent était tenu, avant de vérifier l’anormalité de l’écart constaté par rapport à un modèle de comportement en pareille situation.
La faute médicale consiste le plus souvent en la violation d’une obligation générale de prudence ou de diligence qui prescrit un devoir de « ne pas nuire à autrui ». L’accident médical visé à l’article L.1142-1 du Cde de la santé publique subordonne la responsabilité des professionnels et établissement de santé à la condition que les atteintes corporelles présentent un caractère anormal au regard de l’état de santé antérieur du patient, et de l’aléa inhérent à tout acte médical. Par conséquent, il ne suffit pas que l’acte médical ait joué un
rôle causal dans la survenance de l’accident ; le patient doit, de surcroît, démontrer le caractère anormal du fait générateur au regard des obligations incombant au médecin.
61. – Notion de faute d’humanisme –
La reconnaissance légale d’un droit est source d’une obligation générale pour autrui de ne pas violer ce droit. Toutefois, le caractère subjectif du droit confère des prérogatives à son titulaire qui peut exiger une prestation d’autrui. De ce fait, le droit subjectif à l’information médicale reconnu à toute personne soignée est source d’un devoir d’information pour les professionnels de santé qui doivent également satisfaire aux devoirs imposés par le Code de déontologie médicale. Le manquement du médecin au devoir d’information du patient constitue ainsi une faute déontologique, qualifiée de « faute d’humanisme », indépendamment de la réalisation de préjudices éventuels pour le patient.
La qualification de cette faute d’humanisme est appréciée in abstracto dans la mesure où le médecin est tenu de disposer de certaines connaissances adaptées à son niveau de compétence et à sa spécialité. Le Code de déontologie impose ainsi une obligation de délivrer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science au jour de la réalisation de l’acte. L’accomplissement du devoir d’information sera donc apprécié à la lumière du niveau de connaissance requis pour un professionnel moyen à compétences et spécialité identiques. Néanmoins, le contenu des informations légalement dues est déterminé en fonction de circonstances particulières et propres à chaque patient.
62. – Faits justificatifs de la faute d’humanisme –
Le devoir d’information médicale du patient est une obligation de nature civile dont la violation peut engager la responsabilité civile du professionnel de santé. Toutefois, cette violation ne présente aucun caractère fautif en présence d’un fait justificatif, qui dispense le médecin de son devoir d’information dans des circonstances particulières prévues par la loi. L’article L.1111-2 du Code de la santé publique prévoit ainsi que le professionnel de santé est exempté de son devoir d’information en présence d’une situation présentant les caractères de la force majeure, telle l’urgence dans la prise en charge de la personne soignée ou l’impossibilité de l’informer.
Ces exceptions au devoir d’information doivent cependant être interprétées strictement. Lorsqu’une situation nouvelle est découverte au cours d’une intervention chirurgicale, le médecin qui envisage de modifier l’acte médical doit surseoir à l’opération et en informer le patient, sauf impossibilité ou urgence avérée, car la volonté du patient d’être informé ou le refus d’être informé ne peuvent être présumés par le professionnel de santé. Enfin, la faculté du médecin de tenir un malade « dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves » prévue par l’article 35 du Code de déontologie médicale est inconciliable avec l’autonomie du patient et le caractère subjectif du droit qui lui est légalement reconnu.