Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

I. L’ARTICLE 1384 ALINEA 5 DU CODE CIVIL : UNE GARANTIE PROFITANT EXCLUSIVEMENT A LA VICTIME

ADIAL

En posant le principe selon lequel la garantie du commettant ne bénéficie qu’à la victime et non au préposé, la Cour de cassation a consacré un régime d’une particulière sévérité envers le préposé qui demeure ainsi le débiteur principal de l’indemnisation (1). Pour justifier sa solution, la Cour s’est fondée sur la lettre même de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil qui, selon elle, n’a pas pour finalité de décharger l’auteur véritable du dommage de sa responsabilité (2).

1. LE PREPOSE : DEBITEUR PRINCIPAL DE L’INDEMNISATION

Pour la Cour de cassation, le préposé demeure le débiteur principal de l’indemnisation en raison d’un principe consacré par elle : le principe de l’indépendance des responsabilités du préposé et du commettant (A). L’affirmation de ce principe engendre des conséquences fondamentales au regard du régime de responsabilité du commettant du fait de son préposé, conséquences s’avérant très défavorables au préposé (B).

A. LE PRINCIPE DE L’INDEPENDANCE DES RESPONSABILITES DU PREPOSE ET DU COMMETTANT.

Proclamer le préposé débiteur principal de l’indemnisation due à la victime consiste ni plus ni moins à reconnaître l’indépendance des responsabilités du préposé et du commettant, même si les arrêts ont rarement consacré cette règle de façon explicite. Cependant, le principe est certain dans la mesure où ces mêmes arrêts ont clairement affirmé que l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, qui permet à toute victime de recourir directement contre l’employeur du préposé en cas de faute de ce dernier, a pour objectif principal de protéger les tiers contre l’insolvabilité du préposé, auteur du préjudice. On peut citer à titre d’exemple un arrêt de la Deuxième chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 6 février 1974(1) qui énonce que « l’article 1384 du Code civil, généralement édicté pour assurer à la victime d’un dommage la réparation qui lui est due, a, dans son alinéa 5, spécialement pour but de protéger les tiers contre l’insolvabilité de l’auteur du préjudice en leur permettant de recourir contre son employeur ». Le principe selon lequel la garantie du commettant ne profite qu’à la victime et non au préposé ressort clairement de cet attendu de principe. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a également pu affirmer dans un arrêt du 19 octobre 1982(2) que « la responsabilité civile que l’article 1384 alinéa 5 du Code civil fait peser sur le commettant a été édictée non en la faveur du préposé mais dans le seul intérêt des victimes du dommage ». On estime en effet qu’un préposé est rarement assuré contre les préjudices qu’il crée à des tiers dans le cadre de ses missions, contrairement à son commettant. Cette voie de recours ouverte aux victimes est donc vraiment là afin de répondre à un souci essentiel d’indemnisation systématique des victimes.

Cependant, en vertu du principe de l’indépendance des responsabilités du préposé et du commettant, le mécanisme de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil n’est que provisoire. En effet, la Cour de cassation, dans le même arrêt que précédemment, réaffirmé à de nombreuses reprises, déduit de son attendu de principe d’importantes conséquences qui viennent bouleverser les relations liant le préposé à la victime mais également au commettant.

B. DES CONSEQUENCES D’UNE EXTREME SEVERITE A L’EGARD DU PREPOSE

Les conséquences de ce régime se retrouvent à deux niveaux : d’une part dans les relations qui unissent le préposé à la victime (a) et, d’autre part, dans les relations unissant le préposé et le commettant (b).

a. Les conséquences du principe de l’indépendance des responsabilités dans les relations unissant le préposé à la victime

La reconnaissance du principe d’indépendance des responsabilités du préposé et du commettant permet à la victime d’agir soit contre le commettant afin d’obtenir réparation de son préjudice soit contre le seul préposé. De même, elle peut actionner les deux, tenus in solidum au paiement de la dette. En permettant à la victime d’agir à la fois contre le préposé et contre le commettant, la Cour de Cassation avait pour objectif d’augmenter les chances d’indemnisation de la victime.

Cependant, une réserve peut être émise concernant cette dernière idée : on peut en effet affirmer que l’octroie d’une action en justice contre le préposé à la victime reste une hypothèse relativement théorique puisque, comme nous l’avons vu dans le développement précédent, ce dernier est généralement insolvable, d’où la raison pour la jurisprudence d’avoir ouvert une seconde voie de recours dirigée contre le commettant. Rappelons à titre d’illustration l’arrêt de la Deuxième chambre civile de la Cour de Cassation du 6 février 1974 qui visait très expressément ce risque d’insolvabilité. En effet, le commettant, en tant que professionnel, dispose généralement d’une assurance destinée à le couvrir contre d’éventuels dommages commis à des tiers par ses préposés dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, la victime ne trouverait qu’un intérêt très relatif à actionner la responsabilité du préposé. L’ouverture de cette voie de recours contre le préposé peut sembler ainsi « hypocrite » : alors que son objectif initial est d’augmenter les chances d’indemnisation de la victime, cette dernière, si elle n’est pas suffisamment avisée, risque d’intenter une action qui, sur le plan strictement pécuniaire, ne lui sera pas favorable. Par conséquent, les hypothèses où la victime actionnera le préposé seront peut nombreuses.
Néanmoins, il ressortait clairement de l’arrêt du 6 février 1974 susvisé que la garantie du commettant ne profitait qu’à la victime. L’affirmation de ce principe n’est pas sans conséquence dans les relations unissant le préposé à son commettant.

b. Les conséquences du principe de l’indépendance des responsabilités dans les relations unissant le préposé au commettant

Le commettant, après avoir indemnisé la victime, peut se retourner contre le préposé pour obtenir restitution des sommes ainsi versées. Nous avons là une manifestation éclatante de l’indépendance des responsabilités du commettant et du préposé puisque le préposé, en revanche, est sans pouvoir contre son employeur. En effet, alors que le commettant actionné peut ensuite se retourner contre son préposé, il n’en est pas de même pour ce dernier qui, s’il est actionné par la victime, ne peut pas ensuite demander le remboursement des sommes versées à son commettant, quand bien même ce dernier serait assuré et que la faute a été commise dans le cadre de la mission du préposé. La Deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a en effet pu affirmer dans un arrêt du 28 octobre 1987(3) que « le préposé reconnu responsable d’un dommage ne peut exercer un recours contre son commettant sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du Code civil qui s’applique seulement en faveur des victimes ». Seule la victime dispose d’un recours contre le commettant qui peut ensuite se retourner pour le tout contre le préposé. Il s’agit véritablement de la consécration du principe selon lequel le préposé demeure le débiteur principal de l’indemnisation. Mais comment la Cour de Cassation justifie t-elle ce principe qui s’avère extrêmement sévère à l’égard du préposé ?

1 Cass.2e civ., 6 fev. 1974 : D.74.409
2 Cass. Crim., 19 oct.1982 : JCP 1983, IV, 14
3 Cass. 2e civ., 28 oct.1987 : Bull.civ. II, n°214 4 Cass. 1re civ., 25 nov. 1992 : Bull.civ. I, n°293

Retour au menu : L’IMMUNITE DU PREPOSE