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I/ Le principe du recours poste par poste

L’article 31 de la Loi de 1985 et l’article L376-1 du Code de la sécurité sociale
disposent que « Les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les
seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des
préjudices à caractère personnel. (…) Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a
effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière
incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de
préjudice ».

Compte tenu du fait que les prestations indemnisant le préjudice professionnel de la victime et
les pertes de revenus de ses proches réparent des préjudices patrimoniaux, le recours des tiers
payeurs est de droit sur les postes de préjudices correspondants (A) pour lesquels ils ont
effectivement versé des prestations (B).

A) L’imputation sur les chefs de préjudices patrimoniaux réparant un préjudice
professionnel

S’agissant du préjudice professionnel de la victime directe, la majorité des prestations
des tiers payeurs correspondent à des préjudices clairement identifiables. Ainsi, l’employeur
ayant maintenu les salaires pendant la période d’incapacité temporaire peut exercer son
recours sur le seul poste des pertes de gains professionnels actuels. Les indemnités
journalières doivent également s’imputer sur ce chef de préjudice. Les frais de formation ou
de reclassement professionnel s’imputent sur le poste de préjudice de l’incidence
professionnelle.

Les pensions d’invalidité posent plus de difficultés. En effet, certains praticiens estiment que
ces prestations auraient une nature hybride, au même titre que la rente accident du travail, et
qu’il appartient à l’organisme social d’indiquer la ventilation entre la part de dimension
patrimoniale et la part extrapatrimoniale de ces prestations en application de la méthode du
rapport Dintilhac(191). Toutefois, la pension d’invalidité a incontestablement une nature
économique en compensant une réduction de la capacité de gains de la victime(192), alors que la
rente accident du travail et l’allocation temporaire d’invalidité des fonctionnaires sont
allouées forfaitairement, que la victime ait ou non repris son emploi, et indemnisent à la fois
une atteinte physiologique et une perte économique.

Ainsi, la Cour de cassation a censuré un arrêt qui avait imputé la pension d’invalidité servie à
la victime sur la part d’indemnité réparant le poste du déficit fonctionnel permanent(193). Les
pensions d’invalidité doivent donc être imputées sur le poste des pertes de gains
professionnels futurs, puis sur celui de l’incidence professionnelle.

S’agissant des préjudices de la victime par ricochet, la pension de réversion versée en cas de
décès par un organisme gérant un régime obligatoire de Sécurité sociale s’impute sur le poste
de préjudice des pertes de revenus des proches. Le préjudice indemnisé par le capital décès
versé par les organismes de Sécurité sociale a été source d’incertitude. Selon la jurisprudence
actuelle de la Cour de cassation, cette prestation ne s’impute pas sur les frais d’obsèques(194)
mais sur la perte de revenus(195).

B) L’imputation sur les postes de préjudices effectivement réparés

Désormais, le tiers payeur ne peut imputer sa créance que sur le seul poste de
préjudice pour lequel il a effectivement versé une prestation. Cette règle implique donc une
fragmentation du dommage corporel dans tous ses chefs de préjudices réparables(196).
Favorable à la victime, cette solution évite qu’un tiers payeur ne puisse recourir sur une part
de l’indemnité correspondant à un poste de préjudice pour lequel il n’a versé aucune
prestation.

191 D. Arcadio, J.M. Grandguillote, Vent de réforme sur le dommage corporel, Gaz. Pal., 3 avril 2007.
192 B. Guillon, M.C. Gras, Fiche pratique IX : Pertes de gains professionnels futurs, op. cit.
193 Civ. 2e, 8 janvier 2009, n°07-19576.
194 Civ. 2e, 24 juin 2008, n°07-86848.
195 Crim., 10 mars 2009, n°08-84214.
196 Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, Systèmes d’indemnisation, op. cit., p.626.

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