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I) L’étendue de l’obligation de sécurité de résultat

La Cour de cassation met à la charge du praticien et de l’établissement de santé privé une obligation de sécurité de résultat (A). Mais la charge de la preuve du caractère nosocomial de l’infection ainsi que du préjudice subi par le patient revient à ce dernier (B). Par ailleurs, il convient de relever la distinction opérée par la cour de cassation selon que le mode d’exercice de sa profession par le médecin en tant que salarié ou professionnel libéral (C).

A) Une solution applicable aux établissements de santé privés et aux professionnels de santé

Depuis trois arrêts rendus par la Première Chambre Civile de la Cour de cassation en date du 29 juin 1999, une obligation de résultat pure et simple est à la charge des cliniques en cas d’infection nosocomiale. Cela signifie que ces dernières ne peuvent s’exonérer que par la preuve de la cause étrangère qui doit remplir les trois conditions de la force majeure (voire II). La preuve de l’absence de faute ne pourra pas être utilisée comme moyen d’exonération contrairement à la jurisprudence précédemment rendue par la Cour de cassation.
Dans la 1° espèce, le patient avait engagé la responsabilité de la clinique sur le fondement de son obligation de stérilisation et d’asepsie des appareils et des locaux. La Cour de cassation a alors censuré la Cour d’appel qui avait exonéré la clinique en énonçant :
« le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un établissement de santé et son patient met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat, dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve de la cause étrangère ».
Les deux autres espèces sont relatives à la responsabilité d’un médecin dont l’un des patients s’est trouvé atteint d’une infection nosocomiale suite à l’accomplissement d’un acte médical. La Cour de cassation utilise la même formule que dans le 1° arrêt en déclarant que le médecin intervenant au sein de la clinique était tenu d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut s’exonérer que par la preuve de la cause étrangère.
Ces trois arrêts constituent une révolution en la matière sur deux points :
– L’extension du domaine de l’obligation de sécurité : cette dernière pèse sur tous les établissements de santé dans tous les endroits où l’infection a pu être contractée et la règle n’est même pas exclue en cas de médecine ambulatoire. De plus, l’extension concerne aussi les personnes visées par l’obligation de sécurité puisqu’un arrêt retient la responsabilité in solidum de la clinique et du médecin.
– Le changement de la nature juridique de l’obligation : désormais la Cour de cassation pose une obligation de sécurité de résultat qui introduit un régime de responsabilité objective. Ainsi, l’exonération de cette obligation n’est possible qu’en démontrant que le dommage provient d’une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure (extérieur, imprévisible, irrésistible).
L’arrêt du 13 février 2001(13) rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation confirme cette extension en déclarant que cette obligation de résultat s’applique à l’infection contractée dans un cabinet privé.
Cette sévérité par l’établissement d’une responsabilité objective des cliniques et médecins sera tout de même relativisée par un arrêt du 27 mars 2001(14), par lequel la Première chambre civile de la Cour de cassation a déclaré « qu’il appartient au patient de démontrer que l’infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial ».
Par ailleurs cette obligation est reprise à l’article 71 du Code de déontologie médicale.

B) La preuve du caractère nosocomial de l’infection et du préjudice incombant au patient

La Première Chambre civile de la Cour de cassation a précisé qu’il appartient au patient de démontrer que l’infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial pour que le médecin soit tenu d’une obligation de sécurité de résultat. (Civ.1°, 27 mars 2001 cité ci-dessus).
Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause le principe selon lequel le patient est dispensé d’apporter la preuve de la faute du praticien mais de la preuve du caractère nosocomial de l’infection dont il est atteint. En effet, cet arrêt permet de préciser que la preuve du lien de causalité entre l’infection et l’intervention médicale incombe au patient.

Cette solution peut sembler curieuse étant donné que dans la majorité des cas d’obligation de sécurité de résultat, la Cour de cassation présume l’existence du lien de causalité, tel est le cas en cas de contamination par transfusion sanguine où seul le préjudice doit être prouvé par le patient.
Par ailleurs, la preuve du caractère nosocomial de l’infection dont le patient est atteint semble peu aisée car l’origine exacte des germes en cause sera difficile à démontrer.
La Cour d’appel de Toulouse par un arrêt rendu le 14 janvier 2002(15) Alric c/ Boccards rappelle expressément que le patient doit établir l’existence d’un préjudice en lien direct avec le manquement du praticien ou de la clinique à son obligation de sécurité de résultat.

C) Une distinction entre le médecin salarié et le médecin exerçant en libéral au sein d’un établissement de santé privé

• Si le patient a été soigné par un médecin salarié, la Cour de cassation considère que seul l’établissement de santé est responsable ce qui limité l’action de la victime qui ne pourra pas agir directement contre le médecin (Civ1°., 4 juin 1991 et 26 mai 1999). En effet, le patient consultant un médecin salarié d’un établissement de santé privé conclu un contrat de soin avec ce dernier et pas avec le médecin.
Mais, le Tribunal des Conflits a été amené à se positionner sur ce point par un arrêt du 14 février 2000(16) par lequel il a déclaré que l’indépendance professionnelle du médecin permet au patient d’engager la responsabilité de ce dernier sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil. Cette position permet aussi de fonder l’action récursoire exercée par l’établissement de santé à l’encontre du médecin salarié.
• Si le patient a été pris en charge par un médecin intervenant à titre libéral, la Cour de cassation retient alors que le patienta conclu avec ce dernier la même obligation de sécurité de résultat que l’établissement de santé (Civ., 1 février 2005).

13 Civ.1re, 13 fév.2001, n°98-19.433
14 Civ.1re,27 mars 2001, Bull. civ. I, n°87
15 CAA Toulouse, 14 janvier 2002, 1°Ch. 1°sect. Alric c/ Boccards
16 TC 14 février 2000. – 2929. – Ratinet. – RFDA 2000.1138. – Concl. M. de Caigny, c .du g. ; SCP Guiguet, Bachelier, de la Varde, Me Vuitton, SCP Célice, Blancpain, Soltner, et SCP Richard, Mandelkern, av. ; voir note Dominique Pouyaud dans RFDA 2000.1232)

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