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I/ Notion de pertes de gains professionnels actuels

La notion de pertes de gains professionnels actuels est récente. Elle est issue d’une
nouvelle approche (B), fondée sur une distinction qu’ignorait l’incapacité temporaire de
travail (A).

A) La disparition de l’Incapacité Temporaire de Travail

L’abandon de la réparation globalisée de l’incapacité temporaire (1) a entraîné la
création du poste du déficit fonctionnel temporaire (2).

1) L’abandon d’une notion hybride

L’incapacité temporaire peut se définir comme « l’impossibilité transitoire dans
laquelle se trouve la victime d’utiliser ses facultés physiques antérieures à un accident »(20).

Utilisés jusqu’en 2006, les termes d’incapacité temporaire de travail (ITT) sont source
d’ambigüité. En effet, cette notion hybride regroupe à la fois la gêne de la victime dans les
actes de la vie quotidienne et les pertes de gains professionnels causées par la cessation
temporaire d’activité. Le droit civil considérait l’ITT comme l’arrêt de travail mais l’a
progressivement étendu aux non travailleurs(21).

Or, cette confusion juridique entrainait une divergence entre juridictions dans l’indemnisation
des victimes. En effet, si certaines juridictions ne prenaient en compte au titre de l’ITT que le
préjudice économique, d’autres indemnisaient la globalité du préjudice de la victime,
patrimonial et extrapatrimonial. En outre, l’ITT était classée dans les postes de préjudice à
caractère économique, ce qui n’était pas sans conséquence sur le recours des tiers payeurs.

Dès 1987, la Commission de réflexion sur la doctrine et la méthodologie de l’évaluation du
dommage corporel en droit commun, présidée par M. Olivier, proposait que l’incapacité
temporaire totale soit systématiquement étudiée sous deux aspects, la sphère professionnelle,
c’est-à-dire l’arrêt des activités, et la sphère personnelle, indemnisée forfaitairement.
Toutefois, la mission d’expertise de 1994 de l’AREDOC ne demandait pas de distinguer entre
les activités privées et les activités professionnelles d’une victime.

Les rapports Lambert-Faivre et Dintilhac ont donc proposé la suppression de la notion d’ITT.
Ainsi, la nomenclature Dintilhac distingue l’aspect professionnel et l’aspect personnel des
dommages subis par la victime avant consolidation en créant deux postes de préjudices : les
Pertes de Gains Professionnels Actuels (PGPA) et le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT).

2) La création du déficit fonctionnel temporaire

Classé parmi les préjudices extrapatrimoniaux temporaires par la nomenclature
Dintilhac, le déficit fonctionnel temporaire est un poste qui cherche à « indemniser l’invalidité
subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire
jusqu’à sa consolidation »(22). Selon le Rapport Dintilhac, traduisant l’incapacité fonctionnelle
totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation, le DFT « correspond aux
périodes d’hospitalisation mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de
la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique ». Cette définition a
été consacrée par un arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2009(23).

Le DFT est ainsi composé du préjudice physiologique, de la privation temporaire des activités
privées, de la séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les
hospitalisations, du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel durant la maladie
traumatique.

B) La nouvelle approche de la nomenclature Dintilhac et de la jurisprudence

Le poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuels répare les pertes de
revenus temporaires (1) que la victime a effectivement subies (2).

1) Réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire

Le Rapport Dintilhac a proposé de « cantonner les pertes de gains liées à l’incapacité
provisoire de travail à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la
victime du fait de l’accident, c’est-à-dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette
victime du fait de son dommage »(24). Ce poste a donc vocation à indemniser uniquement les
répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa
consolidation.

Les pertes de gains professionnels actuels correspondent ainsi aux rémunérations et revenus
d’activités professionnelles salariées ou indépendantes, pendant la période d’arrêt d’activité
professionnelle. Lorsqu’une victime exerce plusieurs activités, la totalité des pertes de revenus
doit être prise en compte, même si l’organisme social n’intervient qu’au titre d’une seule(25).

2) Réalité des pertes de gains totales ou partielles

Le Rapport Dintilhac précise que « ces pertes de gains peuvent être totales, c’est-à-dire
priver la victime de la totalité des revenus qu’elle aurait normalement perçus pendant la
maladie traumatique en l’absence de survenance du dommage, ou être partielles, c’est-à-dire
la priver d’une partie de ses revenus sur cette période ».

Il appartient à la victime d’établir par tous moyens la réalité des pertes de revenus. La victime
pourra produire les bulletins de salaire des années antérieures à l’accident et des mois
précédant la consolidation, les pièces attestant du chiffre d’affaires lorsque la victime exerce
une profession libérale ou est entrepreneur, les attestations d’indemnités journalières, les avis
d’imposition sur le revenu.

Ainsi, la victime ne peut percevoir d’indemnisation au titre des PGPA dès lors qu’elle n’a
perdu aucune rémunération lors de son arrêt d’activité du fait des indemnités journalières
versées et des salaires maintenus par l’employeur(26). De plus, elle ne peut obtenir la réparation
de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites, elle ne peut pas demander le
remboursement de revenus provenant d’un travail dissimulé ou illégal(27).

En outre, aucune indemnisation au titre des PGPA n’est due aux personnes non actives, aux
enfants mineurs ou majeurs scolarisés. S’agissant de l’activité non professionnelle de la
femme au foyer, le coût de l’aide ménagère et familiale nécessaire pendant la période
d’incapacité temporaire est indemnisée au titre du poste de préjudice Frais Divers (classés
dans les préjudices patrimoniaux temporaires).

Le demandeur d’emploi ne peut obtenir d’indemnisation des PGPA que s’il avait des chances
sérieuses de reprendre une activité rémunérée(28). Celles-ci seront appréciées en fonction des
diplômes, de la recherche effective d’un emploi et de l’existence d’une offre d’embauche
ferme avant l’accident.

20 Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, op.cit., p.207.
21 J.P. Dintilhac, H. Béjui-Hugues, De la nomenclature Dintilhac à la mission 2006 : à propos du retentissement
professionnel, Revue Française du Dommage Corporel, 2007-3.
22 Rapport Dintilhac, op. cit., p.37.
23 Civ. 2e, 28 mai 2009, n°08-16829.
24 Rapport Dintilhac, op. cit., p.32.
25 Crim., 5 mars 1992, n°91-82424.
26 CA Paris, 19 mars 2007, n°05/09195.
27 Civ. 2e, 24 janvier 2002, n°99-16576.
28 CE, 13 octobre 2004, n°248626.

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