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I/ Notion de pertes de gains professionnels futurs

ADIAL

La nomenclature Dintilhac rompt avec le concept hybride de l’incapacité permanente
partielle (A) et donne une définition précise des pertes de revenus après consolidation (B).

A) La disparition de l’Incapacité Permanente Partielle

L’incapacité permanente partielle, qui conduisait à une réparation globalisée (1), cède
la place à des réparations distinctes des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux (2).

1) L’abandon de la réparation globalisée

L’incapacité permanente partielle (IPP) peut se définir comme « la réduction du
potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d’une atteinte à l’intégrité
corporelle d’un individu dont l’état est considéré comme consolidé »(41).

L’IPP a pour origine la Loi du 9 avril 1898 sur la réparation des accidents du travail(42) qui
préconisait l’indemnisation de l’IPP en fonction de la perte de gains de la victime. Cette
corrélation entre le taux d’incapacité de travail et la perte de revenus se justifiait par le champ
d’application de cette législation, c’est-à-dire les accidents du travail des ouvriers. Faute de
règles juridiques, la notion d’IPP a été étendue au droit commun et est devenue la référence
abstraite d’une indemnisation globale du dommage corporel(43). Cette réparation globalisée
entrainait une confusion entre l’aspect physiologique de l’IPP, donc non économique, et ses
conséquences professionnelles, à incidence économique. De plus, considérée comme un
préjudice économique, l’IPP subissait les recours subrogatoires de la Sécurité sociale, par
ailleurs cantonnés aux chefs de préjudices économiques par la Loi du 27 décembre 1973.

L’évaluation de l’indemnisation s’effectuait alors en multipliant le taux d’IPP retenu par le
médecin expert par la valeur du point qui faisait l’objet d’une publication. Le calcul au point
a ainsi érigé le taux d’incapacité physiologique en paramètre déterminant dans
l’indemnisation des préjudices professionnels. En outre, le retentissement professionnel hors
perte de revenus pouvait être indemnisé par la majoration de la valeur du point d’IPP. Or, les
conséquences économiques d’une même lésion traumatique sont très différentes selon
l’activité professionnelle exercée.

La Recommandation de l’Académie de droit européen de Trèves des 8 et 9 juin 2000 a
proposé la notion d’Atteinte permanente à l’intégrité physique et/ou psychique (AIPP) qui
exclut l’aspect professionnel. Toutefois, la Cour de cassation a persisté, par un arrêt rendu en
Assemblée plénière le 19 décembre 2003, à soumettre au recours des tiers payeurs « les
indemnités réparant l’atteinte objective à l’intégrité physique de la victime »(44).

Les rapports Lambert-Faivre et Dintilhac ont proposé d’abandonner la notion d’IPP. La
nomenclature Dintilhac distingue ainsi les Pertes de Gains Professionnels Futurs (PGPF),
l’Incidence Professionnelle (IP) et le Déficit Fonctionnel Permanent (DFP).

2) La création du déficit fonctionnel permanent

Le rapport Dintilhac reprend la définition de l’AIPP de la Commission européenne
suite aux travaux de Trèves de 2000. Classé parmi les postes de préjudices extrapatrimoniaux
permanents, le DFP est « un préjudice extrapatrimonial découlant d’une incapacité constatée
médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps
humain de la victime »(45).

Réparant les incidences du dommage qui touchent uniquement à la sphère personnelle de la
victime, ce poste indemnise les atteintes aux fonctions physiologiques, la douleur permanente,
la perte de la qualité de vie, les troubles dans les conditions quotidiennes d’existence et la
perte d’autonomie dans ses activités journalières après la consolidation.

B) La définition de la nomenclature Dintilhac et de la jurisprudence

La vocation du poste des pertes de gains professionnels futurs est d’indemniser les
gains manqués résultant du dommage corporel, postérieurs à la consolidation de la victime
(1). Le poste doit être décliné en fonction de la situation de la victime (2).

1) Réparation de la perte ou de la diminution directe des revenus futurs

D’après le rapport Dintilhac, le poste de préjudice des pertes de gains professionnels
futurs a pour objet « d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus
consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère
professionnelle à la suite du dommage »(46).

La perte ou la diminution des revenus professionnels futurs doit être la conséquence directe de
l’invalidité partielle ou totale. Elle peut provenir de l’indisponibilité de la victime sur le
marché du travail, de la perte de son emploi en raison de la maladie traumatique, de
l’obligation de changer d’emploi, de l’impossibilité d’exercer un emploi à plein temps, ou de
l’impossibilité de travailler(47). La perte des revenus futurs peut également avoir pour origine la
perte de chance de bénéficier d’une promotion, à condition que la probabilité de sa réalisation
soit suffisamment forte(48). Dans le cas contraire, l’indemnisation se fera au titre du poste de
préjudice de l’incidence professionnelle.

Le rapport Dintilhac exclut de l’indemnisation au titre des PGPF les frais de reclassement
professionnel, de formation ou de changement de poste, conséquences indirectes du
dommage. En outre, la victime d’un accident qui choisit de cesser son activité professionnelle
ne peut être indemnisée au titre de sa perte de gains professionnels futurs et de sa perte de
clientèle si cet arrêt d’activité résulte de son choix personnel(49). En effet, dans cette hypothèse,
la perte d’activité ne peut être considérée comme une conséquence directe de l’accident, le
choix de la victime n’étant pas imposé par son état. Toutefois, si l’employeur n’est pas en
mesure de présenter une proposition sérieuse de reclassement à une victime déclarée inapte à
son précédent poste, celle-ci est en droit de le refuser, le responsable étant alors tenu de
prendre en charge les conséquences de son licenciement ultérieur(50).

2) Différentes situations concrètes

Il convient de distinguer la situation des victimes en activité, des victimes sans activité
professionnelle et des jeunes victimes.

S’agissant de la victime exerçant une activité professionnelle, trois hypothèses de PGPF sont
envisageables. Dans la première situation, la victime est dans l’impossibilité d’exercer une
quelconque activité professionnelle, ce qui implique la perte totale de ses revenus
professionnels antérieurs. Dans la deuxième situation, la victime ne peut reprendre une
activité professionnelle qu’à temps partiel, que ce soit l’activité exercée antérieurement ou
une autre activité, ce qui entraine une diminution de ses revenus professionnels. Dans la
troisième situation, la victime peut reprendre une activité professionnelle à temps plein mais
perçoit une rémunération plus faible, du fait de son changement de poste ou de profession par
exemple.

S’agissant de la victime exerçant une activité non professionnelle, il convient d’envisager la
situation de la femme au foyer qui exerçait une activité familiale et privée mais qui
envisageait de reprendre une activité professionnelle. Elle sera indemnisée au titre des PGPF à
la condition que le projet soit précis et certain, par exemple si la victime était en congé
parental lors de l’accident ou si des démarches avaient été entreprises. Pour la victime en
situation de chômage, l’indemnisation au titre des PGPF dépend de ses séquelles et des
éléments qu’elle apporte en ce qui concerne sa reprise éventuelle d’activité, à savoir une offre
d’emploi ou une date de reprise d’activité.

Enfin, la situation des jeunes victimes ne percevant pas à la date du dommage de gains
professionnels est envisagée par le rapport Dintilhac. Il précise que doit être prise en compte
pour l’avenir « la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage ».

41 Définition du Professeur Derobert lors de journées d’étude organisées par le Comité Européen des Assurances.
42 Loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail, JORF du 10 avril 1898.
43Y. Lambert-Faivre, S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, op. cit., p.175.
44 Ass. Pl., 19 décembre 2003, n°02-14783.
45 Rapport Dintilhac, op. cit., p.38.
46 Rapport Dintilhac, op. cit., p.34.
47 B. Guillon, M.C. Gras, Fiche pratique IX : Pertes de gains professionnels futurs, ANADAVI, Gaz. Pal., 30-31
janvier 2009.
48 Lamy Droit de la responsabilité, n°225-40.
49 Civ. 2ème, 16 septembre 2010, n°09-14210, V. Le Roy, Préjudices et obligation de formuler une offre
d’indemnisation, Argus de l’assurance, 19 novembre 2010 p.50-51.
50 Civ. 2ème, 8 octobre 2009, n°08-18492, RGDA 2010, n°2, note J. Landel.

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