L’être est acte, c’est-à-dire qu’il est ce qu’il y a de plus profond en chaque étant, l’acte le plus parfait et le plus intime de chaque étant. C’est lui qui fait exister l’étant, car l’étant est en fait ce qui se maintient dans l’être, ce qui possède l’être et qui y persévère. L’être est donc toujours actuel, puisque l’étant qu’il définit n’est pas un « ayant été », mais un « étant », c’est-à-dire toujours actuel. André Léonard l’explicite en montrant qu’en tant qu’acte fondamental, il est l’actualité première de toute chose, « précédant logiquement et ontologiquement, sinon chronologiquement, tous les autres actes : avant de penser, de courir, d’aimer ou de digérer, nous exerçons l’acte premier d’être, qui est fondateur à l’égard de tous les actes seconds. (16)»
En tant qu’acte par excellence de tout étant et perfection de toutes les perfections, l’être commun ou l’acte d’être est total. Rien ne peut lui être ajouté qui ne soit pas de l’être, c’est-à-dire qui lui soit étranger.
En effet, l’être, avons-nous-dit, n’est pas une forme vide qui se remplirait par acquisition des déterminations successives. En d’autres termes, en se déterminant dans telle ou telle essence, l’être ne s’enrichit pas, puisque rien d’étranger ne peut lui être ajouté. Bien au contraire, il se limite.
En tant qu’actualité et totalité, l’être est aussi simplicité. Il ne se totalise pas par composition. Il n’est pas la somme des étants, de sorte qu’il s’épuiserait dans la diversité de ceux-ci. « Ce n’est pas en additionnant les essences ou en totalisant les étants qu’on atteint l’infinité plénière de l’être. (17)» Il en va, selon Léonard, de l’être comme de la personne : « Or, dit-il, une personne se révèle bien à travers ses comportements de fait, mais elle est cependant plus que la somme de ses comportements. (18)» Elle est liberté. Ainsi en est-il de l’être. Saint Thomas affirme que « l’être lui-même, considéré absolument, est infini, car il peut être participé par des essences en nombre infini et en des manières infiniment diverses. (19)» Cette infinité de l’être, A. Léonard l’appelle « suressentialité » (20), l’être pour lui est suressentiel du fait de son infinitude.
Soulignons au passage que l’esse commune n’est pas à confondre avec Dieu. Saint Thomas montre la différence entre les deux. Mais nous n’allons pas nous attarder sur cette distinction. Qu’il suffise de comprendre que l’un n’est pas l’autre. Après ces tentatives d’approches de l’être, que pouvons-nous à présent dire de l’étant.
16 Ibid., p. 36.
17 Ibid., p. 38. Nous signalons tout de même qu’il existe plusieurs autres interprétations divergentes à propos de cette plénitude de l’être chez Thomas d’Aquin. Par exemple, celle que soutient P. GRENET, selon laquelle « la totalité de l’être n’est que l’agglomération de tous les subsistants. » Le Thomisme, Paris, PUF, 1964, p. 91. Coll. Que sais-je ?
18 Ibid., p. 39.
19 THOMAS D’AQUIN, Somme contre les gentils, I, 43, cité par A. LEONARD, op. cit., p. 39.
20 Cf. A. LEONARD, op. cit., p. 38-39.
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