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I.2. Gestion de risques pour la Moucharaka

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Les structures de Moucharaka sont des montages financiers qui se rapprochent plus de la prise de participation que de l’endettement. Ainsi en cas d’échec de la transaction les risques ne sont les même qu’avec on prêt conventionnel et la banque peut perdre sur le capital investi.

I.2.1. Couverture du Capital risque

Le produit Moucharaka présente un fort risque de pertes financières. Pour réduire ce risque, le spécialiste Mouhamed Ali M’rad (2011, p.94) propose des alternatives :

• Combinaison du contrat initial avec une vente différée

• Au lieu de fournir le capital en numéraire à la société, l’investisseur vend une partie de sa participation à un prix différé donné

• L’investisseur couvre partiellement son risque financier tout en gardant une participation aux gains de la société

• Possibilité de vendre l’usufruit et/ou la nue-propriété

Des alternatives qui cherchent plus à protéger l’investisseur à l’occurrence la banque islamique qui est plus exposée dans les contrats de participation.

A cause de sa forme tripartite, la banque gère plus de risques, risque liés au fournisseur et au client. C’est ainsi que la banque islamique a la possibilité de combiner le contrat initial Moucharaka avec un contrat Mourabaha ou vente différée pour se couvrir des risques de pertes financières.

I.2.2. Couverture par tierce partie (Third Party Risk)

Les risques de perte sur les financements participatifs peuvent être couverts par une partie tierce. Cette dernière peut être une compagnie d’assurance islamique (Takaful.)

Exemple sur le contrat Moucharaka

• L’investisseur fourni le capital à la société dont il devient actionnaire.

• L’investisseur vend sa participation en partie ou en totalité à une partie tierce à un prix différé égal au montant de capital vendu.

Ainsi la vente différée protège partiellement l’investissement (Bai Ajil) alors que la partie restante permet à l’investisseur de participer aux profits futurs de la société. La partie tierce (par exemple Compagnie d’assurance islamique ou Takaful) jouit de la participation sans avancer de règlement et avec une faible majoration (par rapport au prix réel). Il n’y a pas de transformation du capital en dette et la tierce partie reste en Moucharaka.

Cette approche reflète le principe du partenariat de la Charia qui permet aux partenaires de ne pas gérer eux-mêmes la Moucharaka s’ils ne le souhaitent pas.

I.2.3. L’utilisation du RAROC (Risk Adjusted Rate of Return On Capital)

Le RAROC est utilisé pour déterminer le capital propre assigné aux différents modes de financements qui ont des profils de risques différents. La Mourabaha par exemple est considérée comme le mode de financement le moins risqué par rapport aux autres modes de financement comme la Moucharaka

Le RAROC(58) se calcule comme suit :

Formule2

– La perte moyenne ou les pertes prévisibles

Comme les institutions financières conventionnelles, les IFI évaluent la perte potentielle en cas de défaut. C’est la perte moyenne annuelle constatée au cours des années sur un portefeuille.

Les paramètres utilisés sont la probabilité de défaut (Probability Default Frequency), la perte en cas de défaut (Loss Given Default), le montant à risque au moment du défaut (Exposure At Default).

De façon plus générale, la perte moyenne se calcule par la relation ci-dessous :

Pertes prévisibles = probabilité de défaut (EDF) x (encours – garanties) à la date du défaut x (taux de perte sur les actifs non garantis (LGD))

La probabilité de défaut est estimée grâce à le Scoring (notation interne). Dans les années à venir, les IFI devront être en mesure de se rapprocher des exigences de Bâle II afin d’améliorer davantage la gestion du risque de crédit.

– Les Fonds Propres économiques ou Capital Economique

Ils se définissent comme les fonds propres nécessaires à une banque pour absorber les pertes sur un horizon temporel donné pour un seuil de confiance prédéfinie (99,97 %). Lorsqu’on parle de C.E, on fait allusion aux provisions économiques qui servent à évaluer les pertes imprévisibles. Pour évaluer les fonds propres économiques, il faut d’abord calculer la perte totale ou maximale diminuée de la perte attendue

Capital Economique = Perte totale – Perte attendue (ou moyenne)

– La Perte Totale

La perte totale correspond à la perte maximale de l’opération. Pour parvenir à évaluer cette perte maximale, la banque mêlera les approches historiques (bases de données internes), et paramétriques (identification de la loi de distribution des pertes), et utilisera au besoin un modèle aléatoire par exemple la Simulation de Monte Carlo. Cette dernière est utilisée fréquemment par les banques dans la modélisation de gestion de portefeuille car elle permet de contourner les problèmes de modélisation des lois de probabilité (loi normale, log normale ou loi béta).

– L’existence d’un RAROC minimale

La banque doit définir un RAROC minimale (k) laissé à l’appréciation des dirigeants ou des actionnaires.

Ce RAROC minimal permet de savoir si l’opération est suffisamment créatrice de valeur, compte tenu du risque qui la caractérise, et de l’exigence de rentabilité des actionnaires.

Envisagée pour une opération particulière, la rentabilité ajustée par le risque est acceptable si la marge nette (M : margin) de laquelle on a retiré la perte attendue (EL) permet de satisfaire le taux de rentabilité (k) exigé sur les fonds propres économiques (FPE) affectés à l’opération, c’est-à-dire si : M – EL = k. FPE.

Si l’opération envisagée laisse apparaître un RAROC inférieur au RAROC minimal retenu, plusieurs possibilités s’offrent à la cellule commerciale de la banque : refuser l’opération essayer d’augmenter la marge nette (en augmentant la tarification du crédit) ou essayer de faire diminuer la « perte moyenne » attendue (en augmentant les garanties prises, les collatéraux…)

Exemple sur le RAROC

Une banque islamique considère un projet de d’investissement à base de Moucharaka. Le risque principal est le risque opérationnel. Elle estime la perte attendue (ou moyenne) à 1 an à ce risque est de 2 millions FCFA et que la perte à 99,97 % dans le scénario le plus pessimiste s’élève à 40 millions FCFA. Les commissions attendues de gestion des fonds sont de 12 millions FCFA par an et les coûts de gestion des fonds devraient s’établir à 5 FCFA par an.

Estimons le RAROC

Perte Totale = Perte moyenne + Perte imprévisibles ou Capital économique Capital économique = 40 – 2 = 38 => C.E = 38 millions FCFA Produit Net Bancaire = Ressources – Coûts = 12 – 5 = 7 millions FCFA

Raroc

Un RAROC de 13,2 % veut dire que le portefeuille de Moucharaka a un taux de rendement anticipé sur le capital propre de 13,5 %. Ainsi plus le RAROC est élevé plus le rendement anticipé sur le capital l’est.

Il faut noter que le RAROC peut être utilisé sur les autres produits islamiques comme la Moudaraba, Mourabaha, le Salam, l’Istisna…

I.2.4. Moucharaka et le financement à l’importation

La Moucharaka est souvent utilisée pour le financement des importations. Souvent la banque islamique est en partenariat contractuel avec le client.

Prenons l’exemple d’une industrie automobile sénégalaise qui importe chaque mois d’une valeur de 3 000 000 FCFA de pièces détachés de marque Toyota. Elle dispose généralement de 800 000 FCFA pour s’approvisionner et a besoin d’un crédit pour le reste. Elle s’adresse à la BIS et conclut un contrat de Moucharaka. La BIS apporte à l’entreprise des liquidités et des services pour une valeur de 3 000 000 FCFA (les services peuvent inclure une lettre de crédit et des devises étrangères, des yens japonais) et l’entreprise apportent les 800 000 FCFA en espèces ainsi que ses compétences car c’est elle qui est chargée de la gestion et de la commande des pièces. Maintenant lorsque la marchandise arrive au Sénégal, l’entreprise peut choisir de l’acheter comptant ou à terme au partenariat, ou elle peut être désignée mandataire du partenaire pour vendre les pièces détachées sur le marché.

Figure 8 : Financement de Moucharaka à l’importation

Financement de Moucharaka à l’importation

Nous constatons que la BIS va confier l’achat des pièces détachées et la gestion à l’entreprise partenaire et se contente seulement de régler les services qui accompagnent le partenariat.

Cependant elle a le droit de participer à la gestion du contrat. La répartition des bénéfices garantit l’industrie automobile de rendements importants. Elle reçoit une part fixe représentant sa gestion du projet et une autre part provenant sur les termes du contrat. La répartition des bénéfices permet aussi à la BIS de se dédommager des services fournis qui sont associés aux contrats à l’exportation dans les limites de la Charia, à savoir le coût de la lettre de crédit et des devises. Il faut noter qu’avec l’utilisation de ce type de produit la BIS pourra augmenter son activité bancaire et avoir un rapprochement avec les PME et PMI(59).

Observations finales

En définitive pour atténuer les risques sur le produit Moucharaka, c’est de concevoir les banques islamiques comme d’abord des banques universelles. De ce fait elles auront la possibilité d’octroyer des crédits mais aussi de participer au capital. Comme la Moucharaka est un contrat de partenariat, la législation locale peut, dans certains cas, entraver la bonne marche du partenariat. La forte sélection adverse s’explique par la faible potentialité des partenaires ou bien par des clients douteux. Ceci entraine les banques islamiques à prendre des mesures précautionnaires plus strictes et vont davantage s’orienter vers les financements à caractère commercial comme la Mourabaha que nous allons voir dans le prochain sous chapitre. Nous avons constaté que l’utilisation des modèles quantitatifs comme la RAROC constituent une bonne approche pour réduire le risque de crédit et de capital sur les produits financiers islamiques. Une approche qui doit être davantage utilisée par les banques islamiques comme la BIS pour une meilleure gestion de portefeuille.

58 ORY, 2002.
59 La BIS n’utilise pas encore le produit Moucharaka.

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