Les réflexions primaires de Leibenstein (1966) sur la théorie de l’efficience-X étaient appliquées à l’analyse du sous-développement et n’établissaient donc pas de lien formel entre l’inefficience-X et les organisations publiques. Ce lien sera établi pour la toute première fois dans un article(7) publié en 1978, dans lequel l’auteur dégage un certain nombre de facteurs qui seraient source d’inefficience-X dans les organisations publiques et qui, par conséquent, pouvaient implicitement justifier certaines politiques comme la privatisation.
L’auteur déclare que les entreprises publiques sont généralement en situation de monopole, ce qui favoriserait une « vie tranquille » et n’inciterait par conséquent pas celles-ci à un effort permanent de recherche de gains de rentabilité, de compétitivité et d’efficacité. L’autre argument évoqué par l’auteur pour expliquer la mauvaise rentabilité des entreprises publiques (et donc justifier l’importance des politiques de privatisation) tient au caractère « immortel » des entreprises publiques. Pour lui en effet, les entreprises publiques sont immortelles tant que la politique monétaire et financière de l’Etat est suffisamment expansive pour limiter la probabilité de leur faillite.
Dans un tel contexte, les agents développent une aversion pour le risque, une faible propension à l’innovation et enfin une mentalité proche de celle observée dans des bureaux non marchands (Leibenstein, 1966). Par ailleurs, la multiplicité des objectifs(8) assignés aux entreprises publiques constitue selon Leibenstein (1978) un facteur explicatif de leur inefficience. En dépit du fait qu’il ne remet pas en cause le bien-fondé de ces missions (économiques, sociales et politiques), il fait remarquer cependant que leur caractère souvent conflictuel tend à exacerber les difficultés d’évaluation des gestionnaires, et entraine un arbitraire de la valse des dirigeants par les ministères de tutelle.
En clair, selon la théorie de l’inefficience-X, les sources de l’inefficience des organisations publiques se trouvent justifiées par les comportements inadaptés de l’Etat et de ses agents d’une part, et par la structure organisationnelle fortement bureaucratisée de ces entreprises publiques d’autre part. C’est la raison pour laquelle les théoriciens de l’Inefficience-X soutiennent que les privatisations pourraient contribuer à réduire de manière substantielle les sources d’inefficience-X dans les entreprises publiques, permettant à celles-ci de renouer avec la rentabilité et la compétitivité. Selon les théoriciens de l’inefficience-X, les privatisations devraient permettre de soustraire des entreprises autrefois publiques, les mauvaises influences politiques et, par conséquent, de simplifier et de clarifier leurs fonctions-objectifs. Plus précisément, les décisions stratégiques revenant au niveau de la direction des entreprises, cela leur donnerait une autonomie suffisante pour se mettre en adéquation avec leur environnement afin de réaliser l’adéquation produit-marché (9).
En outre, ce processus décisionnel scindé par Ansoff (1981) en décisions administratives et opérationnelles s’en trouverait fortement amélioré par des choix et combinaisons optimaux des facteurs de production ce qui aurait pour effet une augmentation de la rentabilité de la firme. Enfin, les privatisations devraient conduire à l’abandon des attitudes de type bureaucratiques (vie tranquille, insouciance, aversion pour le risque, faible propension à l’innovation et à la recherche systématique de la rentabilité). Le changement de contexte (l’entreprise n’étant dorénavant plus immortelle) force l’émulation interne et conduit à la rentabilité pour la survie de l’organisation.
En définitive, Leibenstein (1978) parle d’efficience-X pour nommer les facteurs non mesurables voire non identifiables, qui sont à l’origine de la rentabilité accrue de l’entreprise. Il faut néanmoins souligner que ces différentes théories justifiant les effets positifs de la privatisation se sont généralement accompagnées d’allégations stipulant que certaines conditions devaient être remplies pour qu’on obtienne une efficacité optimale des politiques de privatisation sur la performance en général des entreprises et sur leur rentabilité en particulier. La section suivante s’attellera à mettre en exergue les principaux déterminants de l’optimalité de l’efficacité de la privatisation sur la rentabilité des entreprises privatisées.
7 Leibestein, H. (1978). « On The Basic Proposition of X-Efficiency Theory ». American Economic Review, May, 68(2), pp. 328-332;
8 Ces objectifs ont été repris par Wortzel, H. V. & Wortzel, L. H. (1989) dans un article intitulé « Privatization : Not Only The Answer ». World Development, Vol. 17, n°5, P 636.
9 L’adéquation produit-marché, est encore désignée par le terme d’ “accord d’impédance“ selon l’expression d’Igor.
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