I.3.1. Impact des métaux lourds sur la santé :
Tout d’abord, il est important de préciser que la forme chimique des métaux lourds influence fortement leur toxicité (ions, molécules plus complexes,…). La dose est également un paramètre essentiel dans la caractérisation de la toxicité aigüe.
I.3.1.1 Toxicité aigüe :
a- Arsenic (As) :
Les principaux effets aigus, observés suite à l’ingestion d’arsenic inorganique, sont typiquement gastro-intestinaux associant nausées, vomissements, hémorragies gastro intestinales, douleurs abdominales et diarrhées. Des effets sur le système nerveux et la peau peuvent aussi apparaître dans les jours ou les semaines suivant l’exposition (INERIS, 2010).
b- Cadmium (Cd) :
Chez l’homme, le système digestif est le premier touché suite à une intoxication au cadmium. Les symptômes observés sont une gastro-entérite, des vomissements, des diarrhées et des myalgies (douleurs des muscles striés squelettiques). L’effet émétique (qui provoque des vomissements) du cadmium explique la faible mortalité par cette voie. Par inhalation, l’intoxication aiguë sévère conduit à une pneumonie chimique, laquelle entraine un décès dans 15-20% des cas. Les effets observés pendant cette période sont une irritation pulmonaire sévère, accompagnée de dyspnée (difficulté à respirer), cyanose (coloration bleuâtre ou mauve de la peau et des muqueuses) et toux (INERIS, 2011).
c- Chrome (Cr) :
L’ingestion de sels de Chrome entraine une inflammation massive du tube digestif suivie d’une nécrose s’étendant de la bouche au jéjunum (douleurs abdominales, vomissements, diarrhées, hématémèses). L’ingestion de fortes doses de Chrome (VI) induit des vertiges, une sensation de soif, des douleurs abdominales, des diarrhées hémorragiques, et dans les cas les plus sévères un coma et la mort (INERIS, 02 2005).
d- Nickel (Ni) :
Le composé du nickel ayant la plus forte toxicité est le tetracarbonylnickel. La toxicité aigüe de ce composé se déroule en deux phases : immédiate et retardée. La symptomatologie immédiate se manifeste par des maux de têtes, des vertiges, des nausées, des vomissements, des insomnies et de l’irritabilité. Elle est suivie d’une phase asymptomatique avant le début de la phase retardée. Celle-ci est essentiellement pulmonaire avec des douleurs constrictives dans la poitrine, une toux sèche, une dyspnée, une cyanose, une tachycardie, des symptômes gastro-intestinaux occasionnels, une sudation, des perturbations visuelles et une débilité. La dermatite de contact, qui résulte d’une exposition cutanée au nickel, est l’effet le plus fréquent du nickel dans la population générale. D’autres symptômes sont également possibles.(INERIS, 2006).
e- Plomb (Pb) :
L’essentiel des données rapportées dans la littérature fait état d’absorption de plomb ou ses dérivés par voie orale. Les troubles digestifs sont les symptômes les plus précoces : fortes coliques associées à des douleurs, crampes abdominales et des vomissements. Il peut également y avoir des atteintes rénales (lésions tubulaires), des atteintes au niveau du système nerveux central (encéphalopathie convulsive, coma) ainsi que des atteintes hépatiques (réduction de la métabolisation de certains médicaments). Ces différentes atteintes peuvent dans certains cas se révéler mortelles selon la sévérité des lésions (INERIS, 2003).
f- Zinc (Zn) :
Des cas de mortalités ont été rapportés chez l’homme après inhalation de vapeurs de composés de zinc (chlorure de zinc). Une partie d’entre eux sont décédés par détresse respiratoire, ils présentaient à l’autopsie une fibrose pulmonaire interstitielle et intra alvéolaire, ainsi qu’une occlusion des artères pulmonaires. En milieu professionnel, certaines opérations très spécifiques (découpage, soudure d’acier galvanisé par exemple) peuvent conduire à la formation de fumées contenant des particules ultrafines d’oxyde de zinc.
L’exposition à ces fumées peut entrainer « la fièvre du fondeur » caractérisée par les symptômes suivants : gorge sèche et douloureuse, toux, dyspnée, fièvre, douleurs musculaires, céphalées et goût métallique dans la bouche. Des effets cardiaques et gastro-intestinaux peuvent aussi être associés à une exposition à ces fumées (INERIS, 03 2005).
I.3.1.2 Toxicité chronique :
Pour chaque composé, nous verrons 3 types d’effets potentiels suite à une exposition chronique : effets systémiques, effets cancérigènes et effets sur la reproduction et le développement.
a- Arsenic (As) :
En ce qui concerne les effets systémiques (voie orale et inhalation confondus), l’arsenic peut entrainer des effets sur la peau (hyperkératose, hyperpigmentation, maladie de Bowen), sur le système respiratoire (toux, rhinorrhées, laryngites, emphysème, pneumoconiose), sur le système cardiovasculaire (arythmies, péricardites, maladie de Raynaud), neurologique (neuropathies périphériques, diminution de la conduction nerveuse), gastro-intestinale, sanguin (anémie, leucopénie).
Par ailleurs, l’arsenic est reconnu comme cancérigène par le CIRC (groupe 1), l’US EPA (Classe A) et l’Union européenne (4 substances en catégorie 1). Les principaux cancers reliés à une exposition à l’arsenic sont les cancers de la peau, de la vessie, des poumons, du rein, et du foie. L’arsenic est également clastogène (capable de rompre les chromosomes) in vitro et in vivo.(voir figure I.1)
Figure I.1 : Classement cancérogénicité
Enfin concernant les effets sur la reproduction et le développement, ces effets ont peu été étudiés, cependant, des avortements spontanés, des mortalités fœtales et infantiles tardives et faibles poids de naissance ont été mis en évidence ces dernières années. De même des effets sur le développement intellectuel ont été observés (INERIS, 2010).
b- Cadmium (Cd) :
En effets systémiques, le rein est la cible principale du cadmium, il peut en résulter une néphropathie irréversible, pouvant conduire à une insuffisance rénale (avec atteinte fonctionnelle tubulaire rénale à partir de certaines concentrations dans le cortex rénal). Des troubles respiratoires peuvent aussi se manifester suite à une exposition par inhalation : rhinites, bronchites, emphysèmes. L’altération pulmonaire peut apparaître jusqu’à 2 ans après l’exposition. Des atteintes du squelette liées à une interférence avec le métabolisme du calcium sont observées lors des expositions aux doses les plus élevées (maladie de « itaïitaï »).
A propos des cancers, une exposition au cadmium peut entrainer des cancers pulmonaires et de la prostate. Il classé par l’UE dans la catégorie 2, l’IARC le classe dans le groupe 1 et l’US EPA en catégorie B1.(voir figure I.1)
Enfin, s’agissant des effets sur la reproduction et sur le développement, le conseil supérieur d’hygiène publique de France conclut à un retentissement faible du cadmium sur la fertilité masculine (INERIS, 2011).
c- Chrome (Cr) :
Dans un premier temps, nous allons voir quels sont les effets systémiques d’une exposition chronique au chrome. Les manifestations toxiques du chrome sont généralement attribuées aux dérivés hexavalents. Le chrome III est un composé naturel de l’organisme mais il possède également une action toxique. Le tractus respiratoire est l’organe cible des effets lors d’une exposition par inhalation aux dérivés du chrome III et du chrome VI. Lors d’une exposition au chrome VI, les principaux effets observés sont l’épistaxis, une rhinorrhée chronique, une irritation et des démangeaisons nasales, une atrophie de la muqueuse nasale, des ulcérations et des perforations du septum nasal, des bronchites, des pneumoconioses, une diminution des fonctions pulmonaires et des pneumonies. Après solubilisation, le chrome et ses dérivés peuvent avoir un effet sensibilisant qui se manifeste par de l’asthme ou des dermatites. Des symptômes cutanés sont observés lors d’expositions par voie dermique, ils correspondent à des dermites eczématiformes ou des ulcérations. D’autres atteintes peuvent également se manifester comme des atteintes gastro-intestinales.
La classification relative à la cancérogénicité diffère en fonction des institutions (CIRC, US EPA), elle diffère aussi selon qu’il s’agit de composés du chrome VI ou de composés du chrome III et enfin selon la voie d’exposition (inhalation, cutanée, orale). Parmi tous les dérivés du chrome, certains sont considérés comme cancérigène pour l’homme et d’autres dans des catégories inférieures (potentiellement cancérigène ou non cancérigène pour l’homme). De nombreuses études épidémiologiques réalisées sur des salariés de la production de chromates (surtout chromates de calcium et de zinc) ont largement mis en évidence un excès de risque pour le cancer du poumon. L’exposition aux chromates et aux dérivés du chrome héxavalent peut également favoriser des cancers localisés (larynx, estomac) ou autres (os, prostate, organes génitaux, reins, vessie, sang,…). De plus certains composés du chrome VI (dichromate de sodium, dichromate d’ammonium) sont classé en catégorie 2 concernant la génotoxicité (= « substances devant être assimilées à des substances mutagènes pour l’homme).
Enfin, peu d’effets significatifs ont été observés concernant les effets du chrome sur la reproduction ou sur le développement. (INERIS, 02 2005).
d- Nickel (Ni) :
Une incidence des décès par pathologies respiratoires est suspectée suite à une inhalation chronique de nickel sous forme de monoxyde ou de métal (les effets se manifestant sous forme de bronchite chronique, d’emphysème, de diminution de la capacité vitale) mais ces données doivent être relativisées car ces symptômes peuvent être dus à des expositions à d’autres composés. Des cas d’asthmes ont également été décrits. Des dysfonctionnements tubulaires ont aussi été observés chez des travailleurs exposés à des composés solubles du nickel. La dermatite de contact issue d’une exposition cutanée au nickel est l’effet le plus fréquent dans la population générale.
Parmi les dérivés du nickel, certains sont classés par les différentes institutions dans la première catégorie comme le dioxyde de nickel, le monoxyde de nickel, le sulfure de nickel et le sous sulfure de nickel. D’autres sont classés dans des catégories inférieures (catégorie 3, groupe 2B, classe B2, (voir figure I.1). Les différentes études épidémiologiques mettent en évidence une augmentation du risque de cancer du poumon et du nez.
Enfin, pour ce qui est des effets sur la reproduction et sur le développement, le tetracarbonylnickel est classé reprotoxique (toxique pour la reproduction) de catégorie 2 par l’Union Européenne. Une exposition par inhalation est suspectée d’augmenter légèrement le taux d’avortement spontané et le taux de malformation des fœtus (INERIS, 2006).
e- Plomb (Pb) :
Les intoxications chroniques sévères se traduisent par une encéphalopathie saturnique grave (aujourd’hui très rare en milieu professionnel). Des intoxications moins importantes peuvent conduire à des troubles neurologiques tels que de l’irritabilité, des troubles du sommeil, de l’anxiété, des pertes de mémoire, de la confusion, une sensation de fatigue, des perturbations de la mémoire et du temps de réaction ainsi que de l’habilité manuelle.
Le plomb entraine aussi classiquement une anémie (liée d’une part à l’inhibition de la synthèse de l’hème et d’autre part à la réduction de vie des érythrocytes). D’autre part, certaines études suggèrent que le plomb, même à des faibles niveaux de plombémie, pouvait exercer un effet négatif sur la fonction rénale (par altération de la fonction glomérulaire et/ou tubulaire du rein). D’autres études suggèrent des effets potentiels sur la croissance des os (ralentissement) chez les enfants et sur le système immunitaire. Enfin, il est démontré qu’une exposition chronique au plomb chez des femmes enceintes a des conséquences sur le développement neurocomportemental des enfants durant leur petite enfance.
La classification relative à la cancérogénicité décrit l’arséniate de plomb comme cancérogène pour l’homme (UE). D’autre part, le plomb et ses dérivés inorganiques pourraient être potentiellement cancérigènes pour l’homme (CIRC et US EPA). Certaines données indiquent qu’une exposition professionnelle pourrait être associée à un risque accru de cancers bronchique ou du rein (pour une exposition longue durée).(voir figure I.1)
Chez l’homme, une exposition longue durée (6 à 10 ans) peut entrainer une hypofertilité (par diminution de la production de spermatozoïdes). Par ailleurs le plomb perturbe la sécrétion d’hormones sexuelles, ainsi la concentration de testostérone est diminuée chez l’homme pour un certain seuil de plombémie (>600 μg/L). Une baisse de la fécondité a aussi pu être observée chez des femmes présentant un certain taux de plombémie. (INERIS, 2003).
f- Zinc (Zn)
Les inhalations de zinc sont suspectées d’induire une augmentation de la fréquence des problèmes gastro-intestinaux (bien que l’étude ayant mis en avant cette donnée doit être relativisée car d’autres composés chimiques ont aussi pu causer cette augmentation). Par voie orale, des crampes d’estomac, des nausées et des vomissements ont été relevées chez des volontaires ayant ingéré du sulfate de zinc. Par ailleurs, de nombreux cas d’anémie ont été décrits chez des personnes implémentées en zinc durant de longues périodes. Enfin, des doses trop élevées peuvent altérer les réponses immunes et inflammatoires (altérations fonctionnelles des lymphocytes et des polynucléaires sanguins).
Seul le chromate de zinc (dérivés du chrome VI) est classé par l’UE dans la catégorie 1. La plupart des autres dérivés du zinc ne sont pas cancérogènes.(voir figure I.1) Aucune étude complète n’a pu mettre en évidence d’effets significatifs du zinc sur la reproduction ou sur le développement. (INERIS, 03 2005).
I.3.2 Impact des métaux lourds sur l’environnement :
Les métaux lourds sont présents naturellement dans l’environnement à l’état de trace (très faible quantité). Ils peuvent devenir toxiques lorsque leurs concentrations deviennent trop élevées. La catastrophe environnementale et sanitaire de Minamata en est une bonne illustration. Au Japon, entre 1930 et 1960, une usine de plastique a rejeté d’importantes quantités de produits contenant du mercure dans la baie de Minamata.
Les poissons et les mollusques ont accumulé cette substance (mercure organique lipophile), par conséquent, les familles de pêcheurs (ainsi que les chats) se sont intoxiqués en se nourrissant de ces poissons. Les personnes contaminées présentaient des symptômes neurologiques, sensoriels et moteurs tels qu’une réduction du champ visuel, une altération de l’audition, des troubles de la sensibilité, une altération de la parole, une perte de coordination des membres, des convulsions et tremblements, troubles mentaux légers, etc. (« maladie de Minamata »).
Plus d’un millier de personnes en sont mortes et aujourd’hui encore, plus de 3000 personnes en souffrent encore. (Mirghffari N, 1998).
Cet exemple prouve que la pollution de l’environnement a un impact direct ou indirect sur la santé humaine.
D’autre part, la contamination de l’environnement aquatique par des métaux de provenance localisée, peut avoir des effets délétères (effets toxiques aigus ou chroniques) sur la vie aquatique à l’intérieur de la zone concernée. La plupart des données publiées jusqu’ici concernant les effets des métaux sur les organismes aquatiques indiquent cependant que ces effets nocifs se produisent à des concentrations supérieures à celles que l’on trouve généralement dans l’environnement (GESAMP, 1985, 1988).
Tableau I.2 : Sources industrielles et agricoles des métaux présents dans l’environnement
Les métaux peuvent être absorbés sous la forme inorganique ou sous la forme organique. Pour certains éléments, comme l’arsenic et le cuivre, la forme inorganique est la plus toxique. Pour d’autres, comme Hg, Sn et Pb, les formes organiques sont les plus toxiques. A de faibles concentrations, beaucoup de métaux lourds, dont Hg, Cd, Pb, As et Cu inhibent la photosynthèse et la croissance du phytoplancton. Les effets observés à des niveaux trophiques supérieurs se manifestent notamment par un retard du développement des embryons, des malformations et une moins bonne croissance des adultes chez les poissons, les mollusques et les crustacés.
Il a été démontré que les végétaux aquatiques accumulent des métaux lourds dans leurs tissus et c’est pourquoi ils ont été utilisés comme indicateurs biologiques pour le suivi de la pollution par les métaux dans l’écosystème aquatique. Par ailleurs, selon certaines études, les métaux lourds auraient aussi un impact négatif sur les communautés bactériennes telluriques.
En effet, les métaux lourds sont réputés toxiques pour la plupart des microorganismes du sol car ils affectent leurs croissances, leurs morphologies, et leurs métabolismes. Ces altérations conduisent à des réductions de la biomasse bactérienne. Les métaux lourds peuvent aussi entrainer des modifications des communautés bactériennes (disparition des espèces les plus sensibles et sélection des espèces les plus résistantes aux métaux lourds) et également cela peut affecter leur activité enzymatique. Ainsi les microorganismes sont susceptibles d’être affectés au niveau de leurs activités, leur physiologie et de leur diversité, par conséquent, ces perturbations peuvent avoir des conséquences sévères sur l’ensemble de l’écosystème.(HUYNH Thi My Dung, 2009).