Institut numerique

II) La charge de la preuve incombant à la victime

La responsabilité pour faute en matière d’infections nosocomiales pesant sur le professionnel de santé nécessite la preuve de l’erreur par le patient (A) qui a subi un préjudice démontré (B) et qui établi un lien de causalité direct et certain entre la faute invoquée et le préjudice subi (C).

A) Une faute prouvée entraînant une infection au caractère nosocomiale

Non seulement le patient doit rapporter la preuve que le médecin a commis une faute dans l’exercice de son art médical et que cette faute a permis le développement d’une infection, encore faut-il que cette infection présente un caractère nosocomial (1). Ce caractère nosocomial est apprécié par les juges du fond qui sont confrontés à l’absence de définition légale de « l’infection nosocomiale » pour se prononcer (2).

1) La charge de la preuve de la faute incombe au patient

La victime ne doit pas se contenter d’invoquer une quelconque faute commise par le praticien, encore faut-il que cette faute soit dûment prouvée. Ainsi, il incombe également de prouver quel est l’acte médical à l’origine de l’infection.
Par exemple, la Cour de cassation a retenu, avec un arrêt du 23 novembre 2004(28), pour un patient présentant une arthrite septique à l’issue d’infiltrations réalisées par deux médecins libéraux différents, qu’il était impossible de déterminer qui était à l’origine de l’infection.
De plus, le demandeur doit établir que les atteintes subies résultent d’une infection nosocomiale et n’ont pas d’autres causes possibles.
Par conséquent, il appartient aux juges du fond d’apprécier si la personne rapportait la preuve d’avoir été victime d’une infection nosocomiale.
Mais la preuve du caractère nosocomial de l’infection renvoie au problème de l’absence de consensus actuel sur la notion d’infection nosocomiale.

2) Les difficultés engendrées par l’absence de définition légale de la notion d’infection nosocomiale

Comme il l’a déjà été énoncé précédemment, l’article L 1141-1 du CSP issu de la loi du 4 mars 2002 n’a pas défini les infections nosocomiales. Il appartient alors aux juges en l’absence de définition légale de se prononcer sur la notion même d’infection nosocomiale.
Ce problème concerne à la fois la responsabilité sans faute des établissements de santé et la responsabilité pour faute des médecins puisque dans les deux cas la preuve du caractère nosocomial de l’infection doit être rapportée par le patient. Mais, cette absence de définition semble poser encore plus de difficulté en cas de faute du médecin libéral d’où le développement de cette problématique ici.

Comment le caractère nosocomial d’une infection peut-il être apprécié par les juges du fond, dépourvus de connaissances médicales, sans définition légale ? Certes le rôle des experts médicaux est primordial mais ne suffit pas à régler le flou actuel perceptible en jurisprudence sur la définition du terme « infection nosocomiale ».

L’absence de définition renvoie à la différence jurisprudentielle opérée par le juge administratif et le juge judiciaire en matière d’infection nosocomiale endogène (voire…). En effet, compte tenu de l’importante difficulté engendrée par cette notion, il importe de revenir sur les controverses entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sur ce point.
Le Conseil d’Etat considère que les infections endogènes ne présentent pas de caractère nosocomial car elles proviennent de germes propres au patient contrairement à la Cour de cassation qui englobe dans la définition d’infection nosocomiale, les infections endogènes et exogènes.
Face à ce flou jurisprudentiel, il est opportun de se diriger vers d’autres sources tout en conciliant les sources strictement médicales à la nécessité d’une définition juridique.

Tout d’abord, l’Académie nationale de médecine a, par contre, énoncé en se référant à la définition du Comité du Conseil de l’Europe, que seule la contamination exogène pouvait être qualifiée de nosocomiale.
Concernant les auteurs, ils sont assez partagés sur le sujet ce qui ne facilite pas la question.
M. Philopoulos a relevé que les définitions médicales des infections nosocomiales étaient nettement trop larges et ne prenaient pas en compte l’aspect juridique. Selon ce dernier, juridiquement toute définition devrait faire référence à ce que l’origine de l’infection soit sue à un défaut d’asepsie, maîtrisable ou non.

Madame Fabre considère qu’il doit être tenu compte du fait que, parmi les infections nosocomiales dont l’origine est multifactorielle, certaines ne sont pas maîtrisables sur le plan technique malgré le strict respect de toutes les règles d’asepsie, de stérilisation et d’hygiène en constituant un aléa infectieux devant lequel le médecin est à ce jour impuissant. Dans ce sens, il convient de relever que la Cour de cassation admet que la réparation des conséquences de l’aléa thérapeutique n’entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient.
Monsieur Radé relève que le fait que l’infection soit liée à un germe endogène ne lui enlève pas son caractère nosocomial, compris de manière large, puisque ce germe ne devient infectieux qu’à la suite de l’acte invasif qui le fait migrer et lui confère alors son caractère pathogène. Ainsi, l’introduction d’un tel germe n’est ni imprévisible car elle constitue un risque fréquent et n’est pas extérieure à la sphère d’intervention médicale.
Madame Chekli considère aussi que le refus de la Cour de cassation de distinguer entre infection endogène et exogène est justifié.
Ces divers avis restent divergents et ne permettent pas de dégager un consensus clair des auteurs sur la notion juridique des infections nosocomiales.
Selon le rapport d’information déposé par la Mission d’information commune en date du 8 juillet 2009 sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales et l’accès au dossier médical, une proposition visant à clarifier et unifier la définitions des infections nosocomiales indemnisables est nécessaire :
« En revanche, la mission a estimé nécessaire de remédier aux incontestables difficultés créées par l’absence de définition légale des infections nosocomiales indemnisables et par la dualité des interprétations jurisprudentielles retenues. À cette fin, la mission préconise que les infections nosocomiales indemnisables soient plus clairement définies, en excluant explicitement du champ des infections nosocomiales indemnisables les infections irrésistibles.
Une telle intervention législative aura un double intérêt :
— elle permettra de mettre fin aux incertitudes et à la dualité d’interprétations jurisprudentielles sur les infections nosocomiales pouvant donner lieu à indemnisation ;
— elle permettra de rééquilibrer le régime d’indemnisation des infections nosocomiales dans le sens de l’équité, en ne faisant pas supporter aux établissements et à leurs assureurs la charge de l’indemnisation d’infections irrésistibles qu’il leur était impossible d’empêcher, tout en préservant le droit à indemnisation des victimes pour toutes les infections directement causées par un acte de prévention, de diagnostic ou de soins que les établissements pouvaient et devaient prévenir par les mesures d’asepsie et d’hygiène adaptées ».
Par conséquent, l’absence de définition légale constitue un problème majeur dans l’application du régime d’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales.
Une fois la faute prouvée, la victime doit établir le préjudice subi en lien avec la faute (B).

B) Un préjudice et un lien de causalité

La victime doit rapporter la preuve qu’elle a subie des dommages en lien avec la faute invoquée.
• En droit des obligations général :
La faute du débiteur, quelle que soit sa gravité, ne suffit pas à engager sa responsabilité contractuelle. Cette faute doit aussi avoir causé un préjudice au créancier, qui doit en établir la preuve pour en obtenir réparation.
De plus, l’article 1151 du Code civil exige aussi l’établissement d’un lien de causalité entre la faute te le préjudice subi. Ce lien de causalité devra présenter deux caractères :
– Certain : la faute invoquée par la victime doit avoir été nécessaire à la production du dommage.
– Direct : seul le dommage directement causé par le fait dommageable pourra être indemnisé.
• En matière de responsabilité pour faute du médecin en cas d’infection nosocomiale :
La responsabilité contractuelle du médecin envers son patient obéit à la même règle. Ainsi, la victime devra rapporter la preuve qu’elle a subi un préjudice. En matière médicale et donc d’infection nosocomiale, un expert médical interviendra afin de déterminer les dommages dont le patient est atteint.
L’expert devra certes quantifier le préjudice subi par la victime mais il sera aussi solliciter afin de déterminer la cause des dommages, à savoir si l’acte de soin en cause est ou non directement et certainement à l’origine du préjudice (lien de causalité).
Par conséquent, la responsabilité du professionnel de santé ne sera engagée que si le patient prouve que le médecin a commis une faute lui ayant causée un préjudice découlant de cette faute.
L’étude du régime de responsabilité applicable aux établissements et professionnels de santé depuis la loi du 4 mars 2002 et la loi du 30 décembre 2002 a mis en évidence une différence de traitement entre les établissements de santé et les professionnels de santé an matière d’infection nosocomiale. De plus, il est important de relever que l’essentielle difficulté instaurée par le nouveau dispositif est l’absence de définition juridique de « l’infection nosocomiale » entraînant des divergences jurisprudentielles majeures entre le juge administratif et le juge civil.
Désormais, il convient d’aborder les conséquences de l’application de ces nouvelles règles notamment en termes de répartition de l’indemnisation des infections nosocomiales opérées par la loi du 30 décembre 2002 entre l’ONIAM et les assureurs de responsabilité civile professionnelle. Par ailleurs, un bilan pourra être dressé quant à l’utilisation par les victimes des nouvelles procédures d’indemnisation ainsi qu’à la complexité du régime actuel suggérant quelques modifications (Partie 2).

28 Civ. 1er, 23 nov. 2004 n° 1698 D.

Retour au menu : Le régime de responsabilité et d’indemnisation des patients en matière d’infections nosocomiales depuis la loi du 4 mars 2002