L’entrée dans l’assurance a ainsi été graduelle : au milieu des années 1970, les banques ont commencé avec des produits d’assurance connexes aux opérations bancaires (garanties contre la perte d’emploi, pour davantage sécuriser leurs créances et répondre à l’inquiétude des emprunteurs vis-à-vis du chômage, contrats décès invalidité des prêts). Puis, dès le début des années 1980, sont apparus les produits liés aux moyens de paiement (Sovignet et Augier, 1998) et au fonctionnement du compte (comme le doublement du solde en cas de décès du titulaire). Même si l’enjeu n’est pas stratégique en raison du montant minime des cotisations, ces contrats assurent un flux récurrent qui peut aisément être multiplié par le nombre de comptes ouverts.
Depuis, les bancassureurs tentent d’investir l’assurance des biens, mais se concentrent sur les produits les plus standardisés comme l’assurance automobile et le MRH.
La tâche est plus complexe en dommages car le taux d’équipement initial des ménages en contrat de ce type est en effet élevé, le marché occupé par une pluralité d’acteurs, la rentabilité plus hypothétique, et le métier radicalement différent.
Trois stratégies diamétralement opposées, que nous avons pu analyser lors de l’étude des différents modèles de bancassureurs, se sont alors dessinés.
La première consiste en un développement interne par la création ex nihilo d’une société captive (avec intégration organisationnelle et financière de l’activité d’assurance, tout en lui gardant une certaine autonomie), comme c’est le cas des banques mutualistes (le Crédit Agricole avec Pacifica depuis 1990, et le Crédit Mutuel avec les ACM). Pacifica s’est introduit dans l’assurance dommages par l’intermédiaire de l’assurance automobile et du MRH, avant de l’étendre à la complémentaire santé en 1997, s’appuyant toujours sur son solide réseau.
La seconde voie est la bancassurance via la recherche d’un partenariat. Ce modèle s’est fortement développé en France, alors que quelques mariages de poids avaient marqué le secteur de la bancassurance en Europe (13). Si la première solution permet aux banques de contrôler le processus du début à la fin, l’investissement de départ est très coûteux. D’où le choix de certaines banques de privilégier le partenariat, à l’image de l’assureur allemand Allianz avec le Crédit Lyonnais à partir de 1995 (d’abord dans les branches santé et MRH, puis automobiles à partir de mars 1997), l’UAP et la BNP, la Maaf avec les Banques Populaires, voire le CCF (Crédit Commercial de France) et la Société Suisse.
La Société Générale a exploré quant à elle une troisième voie, en annonçant en janvier 1996 la création d’une société ad hoc, Sogessur, avec deux assureurs. La banque détient 60 % du capital de la société, et a à ses côtés les AGF et Commercial Union (devenu CGU puis CGNU et actionnaire de la Société Générale depuis 1987), avec chacun 20 % de la nouvelle compagnie. Sogessur est opérationnelle en mai 1997, avec pour vocation la création et la gestion des produits d’assurance automobile et MRH, gérés par les 2 000 agences du réseau.
La cession d’Allianz France aux AGF a incité les AGF à revoir en 1998 leurs accords de bancassurance, en récupérant 95 % des Assurances Fédérales et en cédant leurs 20 % de participation dans Sogessur (5 % à la Société Générale et 15 % à Commercial Union). La Société Générale a renoué des relations d’affaires avec les AGF en créant en décembre 2000 Meteo Transformer Limited, société détenue à parts égales et spécialisée dans les produits dérivés d’assurance, notamment les dérivés climatiques.
Par ailleurs il est possible de noter à titre informatif qu’en 2007 Allianz a pris le contrôle d’AGF et lui a donné depuis son nom.
Le Crédit Maritime, fort de son expérience réussie en assurance vie (avec Crédit Maritime Vie) et soucieux de s’armer contre la concurrence des bancassureurs en dommages, a suivi la même voie en créant Solassur en avril 2001, en compagnie de la Macif.
Le groupe CIC, quant à lui, reste très en retard en dommages, n’ayant signé son accord avec le GAN qu’en juillet 1996 (Serenis, opérationnelle en avril 1998) (14).
Finalement le Groupe Caisse d’Epargne (GCE) exerce une activité d’assurance dommage à travers une entité rebaptisée, depuis juillet 2008, GCE Assurances (auparavant nommée Ecureuil Assurances IARD).
GCE Assurances, après l’entrée au capital de Macif (25%) et Maif (15%) en septembre 2008, est détenue à 60% par la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne dont 46% en direct et 14% à travers la mutuelle Muracef.
Malgré les soucis que peuvent rencontrer les bancassureurs en assurance dommage, cinq bancassureurs font tout de même partie du classement 2007 des 10 premiers assureurs en dommages de particuliers (source FFSA) :
1. AXA
2. CNP (1e bancassureur)
3. Crédit Agricole Assurances (Prédica/Pacifica) (2e bancassureur)
4. AGF
5. BNP Paribas Assurance (3e bancassureur)
6. Generali France
7. Groupama
8. Covéa (GMF – MAAF – MMA)
9. Sogecap (4e bancassureur)
10. ACM (Assurances du Crédit Mutuel) (5e bancassureur)
Ainsi, comme le prouve ce panorama succinct et non exhaustif (au vu du nombre élevé des bancassureurs et des changements constants dans leur organisation), la bancassurance s’est développée très rapidement et a su s’imposer comme un acteur majeur du marché de l’assurance (cf : ANNEXE 7).
Une telle réussite nous amène à nous interroger sur les facteurs à l’origine de ce succès.
13 On peut citer le rachat de Winterthur par le Crédit Suisse en 1997, celui de la Dresdner Bank par Allianz en
2001, l’alliance entre le Britannique CGU et l’Italien Unicredito et entre la banque allemande Commerzbank et
l’assureur italien Generali en 1998.
14 A noter que Gan sera racheter par Groupama en 1998 et le CIC par le Crédit Mutuel la même année.
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