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II- Les concepts de ségrégation et d’enclavement à l’épreuve des faits sur le quartier de la Découverte-Espérance. La mise en lumière de causes et de conditions susceptibles d’être des facteurs d’exclusion…

1- L’approche historique pour éclairer la réalité d’aujourd’hui. Histoire du quartier et dynamique par rapport à la ville de Saint-Malo

a- Dans quel contexte le quartier de « grand ensemble » s’est implanté à Saint-Malo ? La reconstruction de Saint-Malo et la genèse d’un quartier symbole de la modernité d’après guerre

Sans s’étendre sur les conséquences des « ravages » subis par la ville de Saint-Malo (Intra-Muros) par des bombardements allemands et aussi par les Américains, en 1944, pour la libérer, il convient de dire que c’est du fait de ces destructions consécutives au pilonnage de l’Intra-Muros, que la commune va connaître –comme bien d’autres en France- une crise du logement, à la fin de la seconde guerre mondiale. 683 logements sur 865 sont détruits à la fois par l’occupant allemand à la fin de la guerre et par l’aviation américaine, soit 80% des logements de l’Intra-Muros.

Cependant comme dans bon nombre de communes françaises, la crise du logement est un fait qui perdure depuis des décennies sur la commune. Après-guerre, ce sont 3530 familles malouines au total qui se retrouvent sinistrées. Le dilemme des autorités de l’époque était de savoir si l’Intra-Muros devait conserver ses fonctions initiales ; c’est à dire celles de centre administratif, hospitalier, scolaire et commercial. L’ensemble du plan de reconstruction de la cité est définitivement adopté en 1946. Finalement, le centre hospitalier est évacué de l’intérieur des « murs » de l’intra-muros, les rues sont élargies, mais des conflits apparaissent entre les habitants sinistrés et la politique des monuments historiques. Les premiers réclament que la cité corsaire soit rebâtie à partir des vestiges du passé en laissant cependant une large place à la modernisation (AMSM). On parle de « mimétisme modernisé » dans le cas de reconstruction à l’identique après la guerre (Pelletier, Delfante, 2000). C’est Louis Arretche, préféré à Yves Hémar, à l’origine de la conception de villas balnéaires sur la Côte d’Emeraude, qui sera le principal architecte en charge du projet de reconstruction de la cité.

De manière générale, les choix qui vont s’opérer durant cette période de reconstruction et de construction de logements en France sont largement le fait d’une idéologie, érigée en dogme à l’échelle de l’Europe: le fonctionnalisme. Après 1945, le Ministère de la Reconstruction met en place une politique où les théories de Le Corbusier sont alors appliquées, mais de manière réductrice, comme nous l’avons déjà montré. Eugène Claudius-Petit, qui occupe le poste de ministre de la Reconstruction à partir de 1948, participera à la formation de cette vague fonctionnaliste qui reconfigure l’espace urbain en France.

De cette « fièvre urbanisante » -nécessaire- des « trente glorieuses » va donc émerger un modèle urbain dont le quartier de « grand ensemble » est devenu le symbole, comme nous l’avons vu. Ce dernier peut être défini simplement, de manière un peu réductrice, comme un groupe d’immeubles locatifs comportant un nombre élevé de logements (Merlin, Choay, 2005). Ce terme, créé en 1935 par Maurice Rostival(9), est devenu synonyme depuis une trentaine d’années, de territoires ségrégués où se trouvent regroupées des populations marginalisées, et dont la situation économique est le plus souvent précaire. Mais à l’époque de leur implantation, ces collectifs d’habitations, dont l’exemple le plus « abouti », disons le plus caricatural, est le quartier des « Quatre-mille » à la Courneuve, totalisant 4000 logements qui sont effectivement les symboles du progrès, de la modernité. Loin d’être à l’origine du territoire réservé de populations marginales, ces ensembles de logements sont équipés de tout le confort « moderne » : sanitaires, chauffage… et réservés à la classe moyenne émergente de la période fordiste.

Cependant, le fait même que ces nouveaux quartiers soient créés ex-nihilo, sur une ancienne zone marécageuse par exemple, pour la zone qui fait l’objet de notre étude, et qu’ils ne soient pas raccordés au tissu urbain existant les condamnait dès leur naissance, à plus ou moins long terme à devenir des « territoires de l’exclusion » (Bachman, Le Guennec, 1998).

La ville de Saint-Malo, durant cette période d’après-guerre va connaître une forte croissance démographique, à l’image du pays qui entre dans cette fameuse période de « baby boom ». A ce phénomène d’augmentation des naissances vont venir se juxtaposer deux autres éléments participant à cette croissance. En premier lieu, la mutation du monde agricole, va contraindre de nombreux ouvriers agricoles à migrer vers la ville. Saint-Malo qui doit alors absorber un flux de personnes conséquent, dû à un exode rural, qui touche par ailleurs l’ensemble du territoire français lors de cette fameuse période s’étalant de la fin de la seconde guerre mondiale au milieu des années soixante dix et désignée selon l’expression consacrée de « trente glorieuses ». Deuxièmement, le secteur du bâtiment nécessite une forte main d’oeuvre de 1948 à 1953, du fait des programmes de reconstruction tentant de répondre à une demande accrue de logement d’après guerre. Cette main d’oeuvre se fixera durablement dans la région malouine. La migration des populations vers Paramé et Saint-Servan entraîne donc une crise du logement dans les deux communes cités, d’où un transfert vers Saint-Malo, qui connaît à son tour une situation difficilement gérable au sujet du logement.

Les trois communes ne fusionneront qu’en 1967. Cette fusion intercommunale posera, par ailleurs, des problèmes de cohérence concernant l’organisation même de la nouvelle entité urbaine créée. En effet, ces communes ont adopté trois stratégies de développement différentes, d’où l’existence de trois centres villes, trois systèmes de voirie, trois systèmes d’extension urbaine. En somme, la ville de Saint-Malo est une ville multipolaire, avec trois centres.

En 1949 est créé l’Office public HLM de Saint-Malo. Etendu à la commune de Dol en 1956, OPHLM devient l’Office public intercommunal HLM de Saint-Malo. La création de cette entité permet alors de mutualiser les fonds pour la mise en oeuvre d’un programme de reconstruction cohérent. En 1956, le déficit en logement à Saint-malo est estimé à environ un millier.

Tableau 1 : La demande de logements selon la situation socio-économique à Saint-Malo en 1956 (Source : Archives municipales de Saint-Malo)

Cette crise du logement va inciter les pouvoirs publics locaux à constituer des réserves foncières pour permettre la construction de logements suffisants pour couvrir l’ensemble des besoins sur la commune. L’idée d’urbaniser le secteur Est de la commune va alors s’imposer d’elle-même. Cette zone est, jusqu’au XVIIe siècle, un marais au coeur duquel coule le Routhouan, un affluent de la Rance. Les différents travaux de drainage qui ont lieu à partir du XVIIe transforment le « marais de Saint-Malo » en terres agricoles. C’est ce secteur, ancien marais asséché, réservé jusqu’alors aux cultures et aux pâturages, qui va devenir en quelques années un nouveau foyer urbain, dont la mise en forme s’étalera de 1950 à 1975 (AMSM). Ce territoire sera donc le territoire d’élection pour l’érection des ensembles d’habitation du quartier de la Découverte-Espérance.

La première phase du projet d’urbanisation de la zone Sud Est de la commune, vise à parer au plus pressé en logeant les familles en situation de grande précarité, qui occupent des lieux insalubres : caves, celliers, baraquements de fortune…, rue René Capitan, le long de la voie ferrée Rennes-Saint-Malo. Ces nouveaux logements créés sont des logements de première nécessité (LPN). Au final, l’opération de relogement d’urgence est un échec. Ce sont des logements de fortunes, toujours en place en ce début de siècle, qui verront le jour ; des taudis modernes en quelque sorte, construits à proximité de la voie de chemin de fer.

En 1958, l’Etat permet aux communes d’acquérir facilement des espaces, le plus souvent agricoles, pour la construction accélérée d’ensemble d’habitat collectif : les Zones à urbaniser en priorité (ZUP). C’est un évènement décisif pour la production « industrielle »de logements. En 1959, le groupement d’Urbanisme de la Rance réfléchit alors à l’élaboration d’un plan d’urbanisme pour le secteur Est de la commune. Dans un premier temps, il est prévu de dédier la zone à l’habitat pavillonnaire. Nous retrouvons, à travers l’exemple de la Découverte, ce dilemme auquel doivent faire face les pouvoirs publics à la sortie de la guerre : privilégier la maison individuelle ou construire des immeubles, en somme.

Ce projet s’orientera finalement au bénéfice d’une zone d’habitation conséquente destinée au logement collectif, après approbation, en juin 1960, d’un plan d’urbanisme de détail. Le premier plan présenté par Louis Arretche en 1960, prévoyant un habitat uniquement pavillonnaire, est donc abandonné en 1963 au profit principalement de grands immeubles collectifs. Sur les 1 635 logements construits, 1 455 sont des logements sociaux, un seul en accession à la propriété, tous les autres en location. Les immeubles de logements collectifs sont construits alors en deux grandes phases successives de 1964 à 1967 et de 1968 à 1973.

Cependant, l’urbanisation du secteur Sud Est de la ville ne se limite pas à la construction du « grand ensemble » de la Découverte. Au début des années 1960, des terrains à bâtir pour l’accession à la petite propriété sont cédés à l’Amicale habitation, autre bailleur en charge de la construction du quartier. Ces pavillons émergent donc avant le « grand ensemble » et constituent les premières manifestations du programme de construction du quartier.

Tableau n°2 : Les phases de la construction des immeubles locatifs dans le quartier de la Découverte de 1964 à 1973 (Source : Archives municipales de Saint-Malo)

Détails des phases des opérations d’urbanisme à la Découverte (AMSM).

Le 12 mai 1961, le conseil municipal de Saint-Malo, sur proposition du maire Guy Lachambre , « décide de dénommer « quartier de la Découverte » le lotissement de la nouvelle zone d’habitation située en bordure de la route de la Hulotais, tel qu’il résulte du plan d’urbanisme de détail de la zone intercommunale de St-malo, St-Servan, Paramé, étant observé que la dénomination des voies de ce lotissement interviendra ultérieurement et recevront les noms de découvreurs malouins ou de pays découverts par eux (AMSM D43/9). » En juin 1961, cent parcelles sont rétrocédées à l’Amicale habitation pour des constructions en accession à la propriété. En décembre, la Ville de Saint-Malo cède gratuitement des terrains à l’OPIHLM pour la construction d’un premier collectif de 70 logements HLM, rue du Saint-Laurent, d’un autre de 56 logements de type Programmes sociaux de relogement (PSR), rue de la Bardelière. L’Amicale habitation recevra, quant à elle, un ensemble de 12 lots de terrains à bâtir pour l’accession à la petite propriété.

L’année suivante, la commune acquiert des réserves foncières par voie d’expropriation, les terrains nécessaires destinés à l’implantation d’un cimetière et d’une zone industrielle accolés à l’hippodrome. Entre avril et juillet 1963, les nouvelles acquisitions de l’OPIHLM permettent la construction de 94 logements HLM, rue de l’Arabie, place Duclos-Guyot, rue le Gentil et rue des Antilles. Par ailleurs, sur décision du conseil municipal et à la suite des modifications opérées sur le plan d’ensemble d’urbanisme, les parcelles cédées à l’Amicale habitation pour la construction de maisons individuelles sont rétrocédées à la Ville pour l’édification de collectifs d’habitations. En 1964, les projets de zone industrielle et de cimetière dans le secteur nord de la zone sont abandonnés. Les terrains qui leur étaient destinés seront intégrés à l’ensemble de la zone de construction pour le logement. Octobre 1964 voit l’OPIHLM acquérir de nouveaux terrains pour la construction de 140 logements, rue du Ponant et rue de Antilles. Ces dernières cessions foncières de l’année 1964 marquent la fin de la première tranche du projet.

Ainsi de 1965 à 1967, grâce à l’ensemble de ces acquisitions foncières seront construits 376 logements, soit 320 logements de type HLM et 20 dans le cadre de PSR. En novembre 1964, la Ville cède à l’OPIHLM un ensemble de terrains pour la construction de 561 répartis dans 30 immeubles, pour satisfaire au projet de l’architecte M. Murat dans le cadre du programme s’étalant de 1965 à 1967 et qui constitue la deuxième tranche du projet. Ce même architecte élabore en mars 1965, un second projet de 603 logements.

La construction des édifices de service public débute en 1965. Il est décidé de construire deux groupes scolaires, l’un à l’Ouest qui portera le nom d’école de la Découverte et un autre au Nord : l’Islet. A l’origine, le projet concernant la zone Ouest du quartier inclut la construction de 21 classes primaires, 5 classes maternelles, ainsi qu’une salle de sport. Dans un premier temps, les subventions sont accordées pour la création en 1965, de 8 classes primaires, 5 classes maternelles et une cantine de 260 places. En 1969, 6 classes supplémentaires et le gymnase voient le jour. La construction du groupe scolaire de l’Islet émane en 1967, du projet de M. Auffret, architecte. Le marché pour l’édification du complexe scolaire sera attribué 4 ans plus tard.

Durant cette même décennie, un centre social est édifié, grâce à un terrain cédé par la Ville à l’OPIHLM. Un centre commercial est également envisagé à la construction dans la partie Sud du quartier. Le centre commercial de la Découverte qui a connu depuis son ouverture plusieurs réhabilitations est implanté à l’orée des années soixante-dix. En juillet 1969, un terrain est cédé à la société Pretabail-Sicomi pour la construction d’un hypermarché et d’une galerie marchande, suite à la délivrance d’un permis de construire en mai 1969 modifié ensuite en 1970 et 1972.

Une église est implantée sur la place Saint-François Xavier en 1967, à la demande du diocèse de Rennes et à l’abandon d’un projet de construction de 2 tours d’habitation.

Enfin, le dernier équipement majeur apporté au quartier, avant la dernière décennie du vingtième siècle et qui verra naître l’espace Bougainville pour faciliter l’accès des habitants à certains services de la mairie, est le Centre culturel de la Vallée, autrement désigné sous le nom de « Centre Salvador Allende » et date de 1981. Ce centre qui à l’époque visait un public « autochtone » a vu sa zone d’influence croître considérablement, au point de devenir un lieu fréquenté par une population venant de l’ensemble de l’agglomération malouine (AMSM).

Le « nouveau » quartier de Saint-Malo semble donc être, dans les décennies soixante et soixante-dix, le lieu idéal pour l’installation des jeunes couples actifs, mariés avec enfants qui bénéficient de tout le confort moderne, longtemps resté inaccessible pour une large part de la population. De plus, les écoles, le centre commercial, puis la maison médicale sont autant de services proposés qui font de la Découverte un quartier moderne et attractif.

Mais dans les années quatre-vingt, des difficultés économiques et sociales liées aux restructurations industrielles touchent des secteurs comme la construction navale et la « grande pêche », fers de lance de l’économie malouine avec le tourisme à l’époque. « Ces facteurs de crise ont plus touché des territoires sur lesquels résident les « populations défavorisées » en premier lieu la Découverte et le quartier de Marville (CUCS, 2006). Ainsi, l’ « installation » durable du « chômage de masse » et cette fameuse dynamique de périurbanisation, liée à d’autres modes d’habiter, phénomènes présentés précédemment dans cette étude, incitent à quitter cette ZUP symbole de la « modernité » et qui ne correspond plus aux aspirations de nombreux ménages à la situation économique relativement confortable. Ces derniers cherchent alors un ailleurs meilleur…

Un « avantage » qu’a pu tirer ce phénomène migratoire de certaines catégories sociales vers les proches couronnes urbaines de la commune est que si le quartier de la Découverte a une localisation périphérique à l’époque de sa construction, le périurbanisation sur la commune de Saint-Malo a permis au quartier de trouver une situation plus centrale.

Au Sud Est du quartier, dans les années quatre-vingt, le lotissement de la Hulotais est implanté. Le quartier de la Madeleine voit le jour également durant cette période. Ce quartier présente alors un ensemble d’immeubles collectifs, ainsi qu’une zone pavillonnaire. De plus, le quartier de la Madeleine est choisi, à la fin des années quatre-vingt, pour l’implantation d’un centre commercial. Celui-ci, par sa position, à la fois périphérique par sa position à la sortie de la commune mais aussi du fait de sa proximité avec le quartier de la Découverte va amener à lui, une clientèle provenant de l’ensemble de l’agglomération malouine et restreindre la zone d’influence du centre commercial de la Découverte. Encore plus au sud de la commune le quartier de Château-Malo se développe et constitue un nouveau foyer d’urbanisation qui présente des petits ensembles d’habitation de type locatif ou en accession à la propriété.
L’ensemble de ces quartiers a alors aujourd’hui une localisation périphérique par rapport à l’ensemble de la commune. Ils drainent depuis les années quatre-vingt, une population issue pour une bonne part du quartier de la Découverte. Nous retrouvons donc avec ce dernier, la même dynamique qui caractérise les quartiers de « grands ensembles « à la fin des années soixante-dix : le départ des classes moyennes dû à l’attrait du modèle pavillonnaire.

Le quartier de la Découverte « se vide » donc des ménages les plus solvables. Ce désintérêt pour le quartier s’exprime par ces quelques données statistiques. La majeure partie des habitants de la Découverte occupe leur logement depuis une quinzaine d’années seulement. Il ne reste finalement que peu d’individus étant les premiers occupants de leur logement : 60 % des habitants vivent dans le quartier depuis 15 ans et moins, dont 45 % depuis 1995 et après. A peine 20 % des résidents habitent à la Découverte depuis 1979 ou avant, ces derniers étant majoritaires dans le parc de logement privé (Daniel, 2002). On constate par ailleurs que plus l’arrivée des individus est récente, plus ceux-ci sont tributaires des aides sociales (Ibid., 2002).

Ce phénomène paupérisation des populations restées « captives » ou arrivées après le départ des ménages les plus aisés du « grand ensemble » s’enclenche alors. Les liens de solidarité entre habitants semblent se défaire progressivement. Ainsi, le témoignage de cette femme vivant dans le quartier de la Découverte nous éclaire un peu sur cette situation d’augmentation de la « pauvreté » et de dégradation du lien social, dans son immeuble depuis le milieu des années quatre-vingt : « Il y a une vingtaine d’années, on pouvait compter sur ses voisins. Dès qu’il y avait un problème, tout le monde se mobilisait dans l’immeuble. On était toujours chez l’un ou chez l’autre. On s’invitait pour les fêtes, les anniversaires…nos enfants jouaient ensemble…Aujourd’hui, j’ai des voisins qui ne travaillent pas, n’ont pas d’heures pour se coucher, font du bruit à n’importe quelle heure. Moi, je suis retraité et je paie pour leur RMI pour qu’ils puissent aller boire et se payer le luxe de foutre le bordel… »

Un constat que nous serions tentés de faire est la disparition du sentiment d’appartenance à une classe sociale. S’il reste bien des actifs occupés dans ce quartier, ce qui faisait le « ciment » des catégories sociales tend à disparaître. « Avant c’était bien. Les années soixante : les meilleures[…] Il y avait du boulot à Saint-Malo. Tout a fermé…On a vendu les bateaux…On pleure Saint-Malo d’antan…Maintenant c’est chacun pour soi. Ceux qui travaillent encore n’ont qu’une envie : partir d’ici » nous confie cet ancien ouvrier. Il poursuit en disant : « Les jeunes ne veulent pas travailler […] Il y a trop de chômage… »

b- Les politiques de la Ville et le discours sous-jacent à de telles procédures. Une politique fondée sur la territorialisation et la géographie prioritaire

« Un ordre assez sinistre tend à s’imposer dans la ville radieuse»
« La lutte contre l’ennui commence »,

Henri Lefebvre, sociologue français (1901-1991)

Les émeutes qui apparaissent au début de la décennie quatre-vingt dans certains quartiers de « grands ensembles », ainsi que l’alternance politique incarnée par François Mitterrand sont les deux éléments principaux participant à l’élaboration d’actions ciblées sur les quartiers « sensibles ». L’idéologie sous-jacente à ces actions, qui prennent la dénomination de « politiques de la ville » au cours de cette décennie de « changement », a pour fondement la rupture avec le libéralisme qui a prévalu dans les décennies précédentes (Madoré, 2004). Ces procédures visent alors à agir à la fois sur le bâti tout en aspirant à faire émerger de nouvelles logiques d’actions centrées sur des préoccupations d’ordre social. Le commandement de ces « entreprises » de revalorisation des « quartiers » est confié aux acteurs locaux : ville, bailleurs…, l’Etat restant en retrait. Les lois de décentralisation de 1982 et 1983 entraînent des transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités locales. Ce sont les communes qui, désormais, sont en charge de l’urbanisme. Les politiques de la ville se succèdent à vive allure et l’instauration des ZEP puis la procédure DSQ semblent les plus significatives en termes d’actions très ciblées sur des territoires circonscrits.

La procédure DSQ ciblée sur 546 quartiers, soit une population d’environ 3 millions d’habitants, regroupe un ensemble d’actions destinées aux quartiers les plus en difficulté.(Ibid., 2004). Celle-ci vise à la fois l’amélioration du cadre bâti, tout en ayant une visée à portée sociale. En 1989, le quartier de la Découverte fait partie des sites retenus bénéficiant d’une procédure de Développement Social des Quartiers dans le cadre d’un contrat de plan Etat-Région. La convention DSQ du quartier de la Découverte, comme celle de nombreux autres quartiers devait répondre a plusieurs objectifs symbolisant « la trilogie de l’urbain, du social et de l’économique » (Madoré, 2004). Le principal objectif était celui de l’insertion sociale et professionnelle à travers le soutien du « tissu économique existant ». Or, comme le dit F. Madoré, il convient de signaler « l’inanité d’une intervention économique à l’échelle d’un quartier pour apporter une réponse a la hauteur des problèmes sociaux » ne pouvant assurément « trouver un substitut dans une action destinée a recréer du lien social hors de la sphère du travail » (Madoré, 2004). Les autres objectifs se focalisent sur « la requalification urbaine et l’action morphologique », mais aussi sur « l’amélioration des conditions d’habitat et du cadre de vie » essentiellement au niveau des immeubles HLM. Enfin, la participation associative dans les « quartiers » est également une problématique mise sur table dans le cadre des DSQ.

« Les années quatre-vingt-dix, et plus précisément la période couverte par le XIe plan (1990-1999), marquent une nouvelle étape dans la politique de la ville, avec à la fois un élargissement des sites d’intervention et un changement d’échelle »(Ibid, 2004). Les contrats de villes apparaissent et se substituent donc aux procédures DSQ.

Le premier Contrat de ville à Saint-Malo s’étale sur la période 1994-1998, le second de 2000 a 2006. Entre temps, le quartier est classé en ZUS suite à la loi du 14 novembre 1996. Les territoires éligibles au classement en ZUS à Saint-Malo s’étendent cependant à d’autres secteurs tous limitrophes au quartier de la Découverte: Marville et Bellevue en partie.

Enfin, les Contrats urbains de cohésion sociale, dont nous ne pouvons évaluer la portée -et pour cause ; ils sont les nouveaux « contrats de la politique de la ville en faveur des quartiers en difficulté dont le cadre général et les orientations ont été définis par le Comité interministériel des villes et du développement urbain (CIV) du 9 mars 2006 » (CUCS,2006)- marquent la fin des Contrats de ville. Ces CUCS devront « considérer à la fois, les politiques structurelles développées a l’échelle communale ou intercommunale influant sur la situation des quartiers (emploi, développement économique, transport, habitat et peuplement, politique éducative et culturelle, santé, insertion sociale) que les actions conduites au sein même de ces quartiers pour améliorer le cadre de vie ou la situation individuelle des habitants »(CUCS, 2006).

A Saint-Malo, le CUCS est associé au projet de rénovation de l’ANRU, mais il pourra être appliqué, dans d’autres communes, indépendamment d’un programme de rénovation urbaine. Pour finir, disons que « l’acte de candidature à l’ANRU de la ville de Saint-Malo s’inscrit dans le prolongement des actions engagées et réalisées depuis plusieurs années dans une approche partenariale » dont les principales étapes viennent d’entre présentées. Interventions à l’échelle du quartier de la Découverte et de la ville, auxquelles il faudrait rajouter entre autres « la mise en oeuvre en 1984 du Conseil communal de prévention de la délinquance et du Contrat d’action pour la sécurité de la ville signé en 1992, le Plan départemental d’action pour le logement des plus défavorisés (PDALPD), la démarche engagée par la ville de Saint –Malo pour associer les communes environnantes au projet de Plan local pour l’habitat » (Ibid., 2006).

Nous avons donc présenté, à grands traits, les différentes politiques de la ville dont le quartier de la Découverte a pu être l’un des théâtres. Reste à savoir s’il est possible d’en évaluer les conséquences, aussi bien du point des différents discours des acteurs intervenant sur le quartier qui a pu déterminer la mise en place de telles politiques sur ce territoire, qu’ en termes d’ « objectifs atteints »…

Une première chose que l’on peut mettre en avant est que l’historique rapide de ces politiques de la ville montre , selon François Madoré, de manière générale, mais de façon toute aussi valable dans le cas de la Découverte, « le chemin parcouru depuis la mise en place d’une gestion centralisée de l’urbanisme depuis les années cinquante » (Madoré, 2004). Cette « approche territorialisée » a su conjuguer au fil du temps la « transversalité et la globalité » (Ibid., 2004). Les différentes politiques de la ville « ont fondamentalement pour objectif de concentrer sur un territoire donné, en majorité des grands ensembles d’habitat collectif des années soixante et soixante-dix, des dispositifs d’interventions multiples. Cette approche est à la fois territorialisée, transversale et globale » (Ibid., 2004).

Le discours sous-jacent à ces politiques repose sur « le principe inégalitaire » de « discriminations positives » qui « semble contradictoire, de prime abord, avec le dogme républicain de l’égalité de tous les citoyens face à la loi, puisqu’il génère un traitement inégalitaire du territoire » (Ibid., 2004). Les expériences anglo-saxonnes de l’affirmative action au profit des minorités ethniques ont largement influencé cette « rupture apparente du dogme »(Vieillard-Baron, 2000). Dans les faits, le Conseil constitutionnel a affirmé que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ». Ainsi, si «le principe d’égalité proscrit les discriminations insuffisamment justifiées, [il] repose aussi sur le raisonnement selon lequel, pour parvenir à une égalité globale, le législateur peut créer des inégalités marginales » (Martin in Ségregation sociale et habitat, Madore, 2004).

Les objectifs visés par les différentes politiques sont alors ceux de la « mixité » – concept émergeant à l’époque du lancement des premières politiques centrées sur les « territoires prioritaires », « discriminés positivement »- de l’insertion, de lutte contre la petite délinquance. La notion de « mixité », à l’image de celle de ségrégation, reste relativement floue, polymorphe. On parle depuis la fin des années soixante-dix de « mixité fonctionnelle », donc relative aux formes de logements et de « mixité sociale », c’est-à-dire de « mélange » de populations sur un territoire, pour déconcentrer les populations les plus défavorisées. Cette dernière idée sous-entend de faire cohabiter des individus de catégories sociales modestes avec des ménages plus solvables. Le terme de « mixité » est aussi entendu, par le maire de Saint-Malo, M. René Couanau, comme l’idée de « faire coexister des ménages locataires et des propriétaires dans un même quartier » dans le cadre du futur programme de rénovation urbaine à la Découverte-Espérance, (Ouest France, 2007). Cette dernière façon d’envisager la mixité est, sinon à identifier, au moins à rapprocher de l’idée de mixité sociale.

Le terme mixité est en outre un terme commode ; chacun peut en avoir sa propre définition : mixité des âges, des catégories socio-professionnelles, des ethnies…). Un tel usage permet alors de rester dans l’ambiguïté. D’une manière plus générale, cela dépasse le simple cas du quartier de la Découverte, « concernant les quartiers nous sommes dans le non-dit : l’enjeu de la mixité sociale y est, dans la plupart des cas, celui de la désethnisation ».

Mais cette idée de « mixité » est-elle suffisante pour palier aux maux des quartiers de « grands ensembles » ? Le « droit à la mobilité », dans son acception la plus large, n’est-il pas une orientation des politiques de la ville à privilégier, sinon exclusivement, au moins en parallèle avec les objectifs de « mixités ». Nous aborderons plus avant ce sujet.

Le terme de « diversité » serait, en outre, sans doute préférable à celui de « mixité », obligeant par le même à reconnaître la diversité des gens (Revue Urbanisme, février 2007). Ne devrait-on pas d’ailleurs préférer l’expression de diversité sociale ?

Par ailleurs, l’idée de poser un bilan sur les différentes politiques de la ville menées sur le quartier se heurte au fait, qu’ a priori, celles-ci n’ont pas été clairement évaluées après coup. Au mieux, dispose-t-on de quelques rapports établissant, le cas échéant, un bilan quantitatif en termes de logements réhabilités par exemple. Mais, aucun écrits, institutionnels ou autres, à notre connaissance, ne montrent clairement les apports constitués par ces politiques en terme d’amélioration des conditions de vie, de la sociabilité dans le quartier ou d’insertion économique etc…Si des évaluations existent, elle se limitent a quelques généralités en introduction d’études diagnostics préalables au lancement d’une nouvelle procédure.

Aussi, en introduction du projet cadre du CUCS de Saint-Malo, lisons-nous : « la mise en oeuvre de ces différentes politiques contractuelles a permis la réalisation d’importantes opérations tant du point de vue de l’investissement que de l’accompagnement social. L’implication des habitants a permis de dépasser les logiques sectorielles- aussi bien spatiales que ministérielles- et d’ aider à envisager des actions préventives »(CUCS, 2006). Une telle entreprise est-elle par ailleurs possible ? Les propos de François Madoré, sur l’évaluation des politiques de la ville ciblés sur le quartier des Pyramides à la Roche-sur-Yon semblent s’accorder au cas de Saint-Malo : « est-il possible d’apprécier l’efficience de la politique de la ville mise en oeuvre sur ce quartier alors que son évaluation est absente ? Et comment appréhender la vie sociale d’un quartier, étant donné les difficultés conceptuelles et méthodologiques pour cerner les contours d’une réalité multiforme et qui se prête pas aisément à l’objectivation ? »(Madoré, 1996).

Néanmoins, nous disposons de sources constituées d’études préalables au lancement des différentes politiques, notamment avant le lancement de la procédure DSQ. Celles-ci nous permettent en tout cas de noter l’évolution des objectifs à atteindre avant le lancement d’une nouvelle politique contractuelle. Ce qui en ressort est que, finalement, les objectifs initiaux de chaque procédure sont très similaires. Peut-on en conclure que les objectifs fixés au lancement de chacune des politiques ne sont que partiellement atteints ?

Un bilan architectural et urbain mené conjointement à un diagnostic sociologique est établi pour le quartier de la Découverte, au début des années quatre-vingt-dix. L’état de la situation en matière d’urbanisme et d’architecture est mené par M. Revert et l’étude sociologique pour définir les besoins des habitants est confiée au bureau d’études Cérur par l’OPHLM. De ce diagnostic émane une série de conclusions puis d’actions visant à agir sur le logement dans le quartier. Il apparaît à l’époque que le manque de petits logements est prégnant à la Découverte et a contrario qu’ « il serait nécessaire de prévoir des logements de type T6 » pour « répondre à une demande non satisfaite ». La structure et l’état de certains logements est mise en cause dans ce rapport : exiguïté de certaines pièces (salles de bains, cuisines…) ; nécessité d’une mise aux normes des installations électriques et sanitaires, d’une amélioration en matière d’isolation thermique et phonique. ; reconsidérer les caves d’immeubles en tant qu’espace collectif sécurisé…

Mais surtout le constat concernant le cadre bâti est lapidaire: « la configuration des immeubles est monotone et sans qualité architecturale », « l’image générale des bâtiments est homogène : celle d’immeubles peu esthétiques, offrant peu de diversité, peu d’éléments de différenciation et d’identification pour les habitants. Les immeubles PSR disposent par ailleurs de façades dont les peintures sont usées […]. Ceci contribue également a engendrer une connotation négative.»

Les solutions proposées semblent alors bien peu appropriées par rapport a l’ampleur de la tâche à effectuer que l’on serait tenté d’imaginer pour réhabiliter le « grand ensemble », suite à la lecture d’un tel rapport, pour le moins dévalorisant : « parmi les améliorations souhaitées[…] : une amélioration et une revalorisation des façades des immeubles (ravalement, pose de volets) .»

Le diagnostic sociologique, quant à lui, met en avant le fait qu’il existe sur le quartier des familles « indésirables » et qu’il est nécessaire de répartir équitablement les familles en difficulté sur l’ensemble de la ZUP. Aussi, peut-on lire dans cette étude les recommandations suivantes: « le départ de certaines familles posant problèmes de voisinage et de comportement de La Découverte. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut écarter ces familles dans d’autres ensembles où elles poseront autant de problèmes ; il s’agit de mieux repartir sur le territoire de la ville et dans tous les groupes de l’OPI et des autres organismes, les familles en difficulté de l’agglomération… » (OPHLM, 1990)

La vie associative est, elle aussi, au coeur des problématiques de la procédure DSQ, tout comme les actions en faveur d’une meilleure prise en charge de la santé des habitants du quartier. On parle « d’habitants peu informés des activités proposés sur le quartier », d’ « équipements parfois en mauvais état », du centre d’animation et culturel du quartier « que l’on souhaiterait plus attractif pour les habitants de la Découverte », d’un « accès aux livres difficile »…Un bilan assez sombre est aussi établi, déjà à l’époque en matière d’accès aux soins, de prévention ou des règles élémentaires d’hygiène qui « laissent à désirer ». On pointe aussi du doigt « des parents désireux de jouer leur rôle mais démunis face aux troubles d’ordre psychologiques de leurs enfants ».

L’action de la procédure DSQ sur la ZUP de Saint-Malo qui s’étale de 1990 à 1992, se résume, in fine, à la rénovation-« ravalement de façades » de 650 logements et, à la construction d’un espace socio-administratif de proximité : l’espace Bougainville qui propose différents services au public du quartier : élaboration de documents administratifs, service social…

Si les contrats de ville qui succèdent à la procédure DSQ fixent un ensemble d’actions à réaliser, non plus à l’échelle du quartier, mais à celle de la ville, et s’ils semblent plus ambitieux, proposent au final des stratégies assez semblables pour « agir » contre des difficultés d’ordre urbano-architectural, social et économique.

Dans le cadre du contrat de ville 2000-2006 « le périmètre opérationnel des quartiers a été ciblé pour conduire la politique en matière de recomposition urbaine et traitement des « coupures », du logement et du cadre de vie, d’éducation » (CUCS, 2006). Parmi les opérations d’aménagement réalisées sur le quartier de la Découverte, on citera : la réhabilitation et la rénovation des espaces intérieurs et extérieurs du centre commercial, la création d’un giratoire entre l’avenue de Marville et l’avenue de Triquerville, la création d’un cheminement piétonnier entre le quartier de la Découverte et le secteur des Cottages dans l’optique du programme de Transport en commun en site propre (TCSP)…

De nombreux objectifs déjà fixés par les précédentes politiques de la ville sont encore à l’ordre du jour dans le cadre du CUCS. A titre d’exemple, les rédacteurs du contrat urbain de Saint-Malo constatent-ils au sujet des loisirs a la Découverte : « les jeunes ne connaissent pas vraiment l’offre dans ce domaine ». Une étude de l’OPAC datant de 2001 souligne encore « la concentration des ménages causant des troubles de voisinage sur le quartier, particulièrement au niveau des squares » (OPAC, 2001). Ce sont ces deux mêmes constats qui sont fait, entre autres, plus de 15 ans auparavant avant le lancement de la procédure DSQ sur le quartier…

Tout se passe comme si les concepteurs des différents projets se transmettaient d’un contrat à l’autre les mêmes problématiques a résoudre…
Sur l’évolution plus récente des politiques de la ville, en introduction du projet de convention cadre du Contrat urbain de cohésion sociale de Saint-Malo, établi en 2006, nous pouvons lire :

« La mise en place du nouveau contrat a été pour l’Etat l’occasion de préciser la géographie prioritaire de la politique de la ville dans les départements et de prendre en compte l’évolution des territoires » (CUCS, 2006). Ce nouveau contrat étend, par ailleurs, le périmètre d’intervention à d’autres secteurs de la ville : Marville, Bellevue, une partie du quartier de la Madeleine…

L’utilisation de l’expression « géographie prioritaire » n’est-elle pas finalement, symptomatique de la manière de traiter certains quartiers des villes? Le projet de convention cadre du CUCS de Saint-Malo nous parle également de « public prioritaire : la jeunesse », autrement dit les « jeunes » âgés de 8 à 25 ans.
Finalement, avec cette manière d’envisager les actions sur certains quartiers dits en difficulté, ne retombons-nous pas dans le même travers que depuis le lancement des premières politiques de la ville ?

Les acronymes, devenus stigmatisants, tels celui de ZUP, de ZEP, ZUS, ZRU ont la même fonction que ces mots de « géographie prioritaires» ou « territoires en difficulté » : poser une étiquette, un « sceau », une marque indélébile. Le fait de discriminer, même « positivement » le secteur d’une ville ou une population induit une logique de défiance à l’égard de tels territoires ou individus et ne produit, de toute façon, que rarement, le plus souvent, les effets escomptés. L’échec (demi-échec ?) des Zones franches urbaines (ZFU)- procédure qui ne concerne pas cependant le quartier Découverte-Espérance- ne montrent-ils pas que même si les entreprises s’installent sur des quartiers « sensibles », les populations autochtones profitent très peu au final des emplois proposés à l’intérieur du périmètre de leur quartier ? Le classement de certains établissements scolaires en ZEP n’est-il pas du même ressort ?

A trop vouloir « aider » ces espaces, à vouloir les « pacifier », en les isolant, pour qu’ils bénéficient de traitements spécifiques, on finit par faire accepter l’idée selon laquelle tous les maux de la société se concentrent à ces endroits. Or, par exemple, concernant une situation éventuelle d’enclavement pour le quartier de la Découverte, nous l’avons dit, seuls quelques secteurs semblent véritablement souffrir d’une telle situation. Cette simplification du réel ne tient pas compte, de fait, de l’éventuelle diversité des situations existantes sur le territoire de la Découverte. Nous le verrons. De populations en situation de grande précarité économique, il semble n’en exister finalement que dans des secteurs bien délimités à l’intérieur du quartier…N’aurait-on pas dû et ne devrions nous pas privilégier des échelles d’analyse plus fines pour l’étude du quartier : la rue, l’îlot, l’immeuble, voire la cage d’escalier…au moins dans la phase de « diagnostic »…

Finalement, chaque périmètre d’intervention correspond à des objectifs précis. De l’action sur le quartier, à l’approche globale à l’échelle de l’agglomération, chaque périmètre d’intervention peut trouver une justification selon les objectifs fixés…Mais quelle légitimité l’espace des quartiers ou des agglomérations pour d’application de certaines politiques, peuvent-ils avoir ? Ni l’un, ni l’autre n’ont un fondement démocratique dans le sens où leur « gouvernance » n’émanent d’aucun suffrage électoral universel.

Par ailleurs, les « appréciations globales », issues de moyennes statistiques, permettent d’orienter les politiques. Elles ont l’intérêt de donner « une cohérence administrative aux interventions en les homogénéisant, mais elles ont l’inconvénient majeur de les rendre peu efficaces, dans la mesure où elles ignorent souvent ce qui est réellement significatif dans un quartier : personnalités charismatiques à forte capacité mobilisatrice, associations dynamiques reconnues par la majorité de la population, faible qualité des emplois précaires exercés par les jeunes des quartiers, réseaux délictueux et trafics de drogue, action souterraine de minorités actives, etc. » Autrement dit, de manière générale « la diversité des quartiers sensibles interroge en profondeur les politiques de discrimination positive mises en place depuis une vingtaine d’années » (Vieillard-Baron, 2001). « Le problème de la pertinence des lignes qui séparent les zones ne cessent de se poser : quelles sont donc les limites qui ont du « sens » aujourd’hui, et à quel niveau d’échelle ? Et la visualisation des frontières n’est-elle pas en elle-même productrice de marginalité » (ibid., p.141)

L’ensemble des rapports diagnostics portant sur le quartier de la Découverte -la remarque pourrait sans doute être généralisé à un grand nombre d’écrits institutionnels relatifs aux ZUS- n’est pas avare d’expressions catégorisantes : « populations fragilisées », quartier « sensible », « enclavé », « espace de la relégation », de jugements de valeurs parfois aussi : « absence de qualité architecturale » pour les habitations, « immeubles peu esthétiques » etc…Le rapport préalable au lancement de la procédure DSQ faisait le constat suivant : « Le peuplement du quartier de la Découverte est le résultat d’un processus qui concerne l’ensemble du parc et qui a conduit à sa hiérarchisation : groupes valorisés, groupes dévalorisés…Un hiatus est donc établi « institutionnellement » à l’intérieur du quartier. Cette opposition formalisée entre deux groupes distincts au sein du quartier ne conduit-elle pas à engendrer une logique ségrégative ?

En dernière analyse, « la question de l’exclusion déclinée en termes de marginalité, de précarité et d’enclavement renvoie à la définition de la ville et à celle de la normalité en matière d’urbanisme » (Ibid., p.141). Citons pour illustrer ce propos l’affirmation d’un responsable de l’OPAC Emeraude Habitation : « L’ opération de l’ANRU aura pour but de donner une architecture ‘normale ‘ au quartier. »

Toute cette sémantique développée autour des « quartiers sensibles » et en l’occurrence au sujet du quartier de la Découverte ne renvoie-t-elle pas finalement à une acceptation commune, à un « air du temps » qui consisterait à dire : le quartier de « grand ensemble » est une plaie, il n’ a plus lieu d’être, il concentre l’ensemble des problèmes sociaux de notre société, il en est peut-être même une des causes fondamentales. Débarrassons-nous en et revenons-en aux fondamentaux, à ce qui fait la base de notre société urbaine occidentale : la maison individuelle habitée par un couple marié actif, avec enfants…et tant pis pour ceux qui ne pourront pas effectuer le voyage du retour a l’ordre ancien…

2- L’ apport de l’approche morphologique dans le décryptage des phénomènes de ségrégation/ enclavement

b- La morphologie du quartier. L’obsolescence actuelle d’une forme urbaine « dénoncée » par les acteurs intervenant sur le quartier

L’ensemble urbain formé par la Découverte-Espérance est lié par une histoire commune. Il est largement assimilé par l’ensemble de la population malouine et par les pouvoirs publics à ce « bloc monolithique » que constitue le territoire du « grand ensemble » de Saint-Malo. Ce périmètre d’étude est celui qui a été retenu par l’ANRU, pour le projet de rénovation urbaine.

Mais déjà, pourquoi appliquer d’emblée le terme de « grand ensemble » « chargé d’ambiguïté » (Vieillard-Baron in Le monde des grands ensembles, 2004, Creaphis) à cet espace urbain qu’est le quartier de la Découverte ? « Les évidences du sens commun et du discours politiques masquent la très grande complexité de la notion même de « grand ensemble » » (Fourcaut, 2004). « Retenons surtout que le « grand ensemble » désigne une politique urbaine vigoureusement tracée, avant même d’être un nouveau type de quartier » à l’époque où celui-ci émerge (Coudroy de Lille in Le monde des grands ensembles, 2004, Creaphis). « L’expression « grand ensemble » attire l’attention par son abstraction. Cette « déréalisation » connote fortement les représentations qui y sont associées ». « Grand ensemble »…de quoi au juste ? est-on en droit de se demander ? » (Ibid., p.39)

Néanmoins, la formule est commode. Aussi, si l’on prend en compte les critères de « définition », -rarement explicités- du « grand ensemble » admis par les chercheurs ayant travaillé sur cette forme urbaine, sujette à de nombreuses variantes locales et, présentés dans la première partie de cette recherche, alors la Découverte peut être considéré, a priori, comme un objet d’étude « grand ensemble » : taille de plus de 1000 logements, localisation périphérique lors de son édification, « financement aidé par l’Etat sous des formes diverses, nature du peuplement avec présence prédominante du statut collectif » entre autres (Ibid., 2004).

Le « grand ensemble » s’impose cependant « par son irréductible étrangeté et son insularité dans le paysage comme dans les représentations » (Ibid., 2004). Cette « insularité dans les représentations » semble justement s’accorder au cas du quartier de la Découverte comme nous pourrons le voir…

Contexte urbain et configuration générale du quartier

Le quartier de la Découverte-Espérance occupe lors de son implantation la majeure partie de l’espace situé au Sud-Est de la ville de Saint-Malo. Ce quartier est donc construit dans les années soixante, à la périphérie de la ville. Néanmoins, nous avons vu que l’étalement urbain de la commune de Saint-Malo lui confère aujourd’hui une position moins excentrée par rapport au reste de la commune.

Le quartier est localisé à l’interface des trois pôles urbains historiques du « grand Saint-Malo » que sont aujourd’hui les quartiers Intra-Muros, Saint-Servan, Paramé. Le périmètre du quartier est délimité à la fois par des axes de communication et par des équipements. Ainsi le territoire de la Découverte s’inscrit-il entre :

– l’avenue du général de Gaulle, à l’Est du quartier ( RD 301),
– la rue de Triquerville, au Nord du quartier (D 126),
– la rue Demalvilain, au Sud du quartier,
– le champ de course et le parc des sports, le long de la rue de Triquerville,
– la voie ferrée Rennes-Saint-Malo
– la zone industrielle sud, à l’Est du site, le long de l’avenue du général de Gaulle, qui constitue une barrière avec les quartiers plus récents de la Guymauvière et de la Bourrelais.

Ces axes de communication et de ces équipements sont considérés comme des « coupures urbaines résultant des grandes infrastructures » (Ibid., 2006). Si l’avenue du général de Gaulle correspond, à la naissance du quartier, à une voie rapide déconnectée du tissu urbain ; elle est aujourd’hui assimilable à « une coupure du fait de son intégration dans l’urbanisation » (Ibid., 2006). Pris en tenaille entre la voie ferrée et ce qui est initialement une « rocade » (l’avenue de Gaulle), les relations avec les autres quartiers sont par suite difficiles. Seule une voie interne au quartier, la rue des Antilles, orientée selon un axe Nord-Sud constitue une voie de passage qui permet une liaison entre les quartiers Nord et la zone Sud de la ville (Ibid., 2006).

La DAUF de Saint-Malo évoque le quartier de la Découverte en ces termes « un quartier perçu comme isolé, différent par sa forme urbaine » du fait de « logiques architecturales et urbaines propres, des coupures urbaines fortes, des fonctions des espaces mal identifiées, mal hiérarchisées »(DAUF, 2006). Le quartier de la Découverte, du point de sa conception, de sa morphologie est décrit en termes mettant en exergue des dysfonctionnements, des « difficultés liées à sa structure malgré les interventions engagées » (OPAC, 2001). Le quartier est « peu visible à partir des axes structurants qui le bordent :

– en contrebas au Nord Est,
– [car il] présente un alignement en recul masqué par des arbres le long du boulevard du général de Gaulle, »
– parce qu’il est « masqué à l’arrière du centre commercial au sud et d’accès plutôt difficile à l’Ouest .

Sa morphologie est difficile à appréhender. Les voies structurant le quartier ne sont quasiment jamais directes et brouillent l’image spatiale qu l’on s’en fait (systèmes de baïonnettes, de voies en butée, d’impasses » (Daniel, 2002).

La sémantique pour désigner le quartier est récurrente dans les différents rapports diagnostics élaborés sur la quartier : « isolement », « enclavement », « organisation urbaine [favorisant] sa mise à l’écart du reste de la ville et [qui] conduit à un repli sur soi de la population » (CUCS, 2006). La Découverte est assurément considéré, appréhendé comme un quartier « différent », en rupture avec la configuration spatiale du reste de la commune :

« Le quartier de la Découverte, conçu comme une entité autonome, s’inscrivait dans une logique totalement différente des autres pôles urbains de l’agglomération malouine. Cette différence est tangible dans la structure foncière, l’architecture, la desserte des îlots, leurs espaces verts et leurs équipements à l’exclusion du centre commercial dont le rôle dépasse le périmètre du quartier. Regroupant un nombre important de logements sociaux, donc différents morphologiquement du reste de la ville, et n’abritant pas un pôle d’attraction d’intérêt général, à l’exclusion du centre commercial; il est vécu comme un quartier isolé. »(DAUF, 2006)

La partie Est du quartier (square de l’Islet et de l’île Crozet) et l’Etrier sont perçus comme des secteurs particulièrement touchés par un phénomène d’enclavement. De l’avis même des urbanistes-architectes de la Direction de l’architecture, de l’urbanisme et du foncier de Saint-Malo, ce sont ces zones qui assurément sont victimes de leur positionnement dans le quartier. Ces secteurs du quartier font face à un « rempart infranchissable », l’axe routier de l’avenue de Triquerville et relègue donc ces espaces dans une « impasse » (DAUF, 2006).

Les entrées de quartier, selon cette analyse, sont donc appelées à être reconsidérées. Celles existantes doivent bénéficier d’un nouveau traitement et d’autres ont vocation à être créées (Ibid., 2006).

A partir de ces quelques éléments nous avons établi cette carte, présentant le quartier et ses dysfonctionnements désignés par les différents acteurs intervenant sur le quartier.

Morphologie et structure interne du quartier

Le quartier de la Découverte est appréhendé par « morceau », à la fois par les habitants mais aussi par les acteurs qui interviennent sur ce territoire. Ainsi, le quartier est fractionné en zones, en secteurs : les « squares », Espérance, l’île Crozet, l’Etrier, qui présentent chacun des particularités.

Ce quartier est rapidement identifiable par rapport au reste de la ville, de part son style architectural. Il y a une vraie uniformité des constructions et les bâtiments dessinent une forme en « U », si l’on en croit ce qui suit: le quartier « regroupant un nombre important de logements sociaux », ils sont « donc différents morphologiquement du reste de la ville » (DAUF, 2006). Les Immeubles de Grande Hauteur (IGH) sont par ailleurs absents. Choix délibéré des autorités responsables de l’urbanisme du quartier, les bâtiments ne possèdent pas plus de quatre étages. Le quartier fait, par ailleurs, une place relativement conséquente, au logement individuel privé ; les ménages résidant dans ce type de logement étant des propriétaires de longue date. De plus, dans certaines parties du quartier, surtout à l’Espérance, le logement locatif social est constitué de maisons individuelles alignées le long des rues. Pourtant, nous le verrons plus loin, le quartier, à la lumière de certains entretiens réalisés dans le cadre de cette recherche est presque exclusivement associé par les habitants des autres quartiers de Saint-Malo à un quartier de logements d’immeubles de type HLM.

Le rapport préalable à la procédure DSQ fait déjà état au début des années quatre-vingt-dix, de nombreux dysfonctionnements internes au quartier : « De nombreux squares sont totalement clos et leur accès est impossible à partir des squares adjacents à ceux-ci, autrement que par les sous sols des bâtiments (square de l’Islet et de l’île Crozet, rue de l’Arkansas). Néanmoins, la présence de porches ou passages, autrement appelés « transparents », permet une fluidité de la circulation piétonne à certains endroits du quartier. » (OPHLM, 1990)

L’espace public, s’il ne fait pas l’objet d’une définition très rigoureuse, peut être en tout cas considéré comme « la partie du domaine public non bâti, affectée à des usages publics » (Choay, Merlin, 2005). Espace, dont la délimitation est floue, traité de manière pauvre et uniforme, sans relation avec l’environnement alentour, l’espace public a été considéré comme un espace résiduel par les urbanistes du XXème siècle.

L’espace public du quartier de la Découverte, comme dans beaucoup de quartiers de grands ensembles d’habitations, se caractérise par « son aspect indifférencié » (DAUF, 2006). Les espaces verts, les places, les parkings ont été conçus de manière à privilégier avant tout la fonctionnalité et semblent exclure les habitants. Le « problème » des bas d’immeubles est une autre illustration de ce problème d’identification, ici entre l’espace public et l’espace privé. Il n’y a strictement aucune limite, aucune transition douce, entre l’espace privatif, réduit à l’immeuble et le domaine public sur lequel l’individu pose les pieds directement en sortant de son hall d’immeuble (DAUF, 2006). C’est une des dimensions incluses dans le projet de rénovation urbaine de l’ANRU concernant le quartier. Redéfinir clairement, ce qui appartient au domaine de l’espace privé et ce qui a trait au domaine de l’espace public. Pour cela, le projet ANRU se fixe comme objectif de créer aux abords des immeubles des espaces privatifs, permettant l’appropriation par les locataires et, le cas échéant, par les propriétaires des logements d’un espace transitionnelle entre l’immeuble et la rue.

La rue, la place, expressions même de la ville, sont, sinon absentes dans le quartier, en tout cas peu « lisibles » (OPAC, 2001), dans le sens où devant refléter l’urbanité et l’interaction, la « fonction première » de la ville (Allain, 2004), elles ne remplissent pas ce rôle à la Découverte. La construction au coup par coup, l’absence de vision à long terme, de prospective a entraîné la présence d’ « une voirie destructurée » (DAUF, 2006). Il est difficile pour le visiteur d’avoir une vision claire de l’espace dans lequel il évolue. Les voies qui structurent le quartier sont rarement directs, auquel système se rajoute de nombreuses impasses (Ibid., 2006).

Le quartier est aussi propice à une consommation d’espace démesurée et sa gestion de est totalement inadéquate par endroit : des parkings surdimensionnés, notamment place Saint-François Xavier où est située l’église du quartier ; en dehors de l’office dominical, le parking est pratiquement vierge de tout véhicule ; les espaces verts conséquents, totalisant une surface de 17 hectares, sont détournés de leur usage initial ; les aménagements d’aires de jeux pour enfants sont peu nombreux, mais aussi par endroit glauque et dangereux, comme le « vaisseau spatial » appelé « fusée » par les habitants en son temps(OPHLM, 1990), situé square de l’Islet, et aujourd’hui détruit et remplacé par une plantation d’arbustes. Une enquête datée de 2001 remarque qu’au sujet des espaces verts et des jeux pour enfants « la question n’est pas abordée directement par les habitants. Mais le fait d’engager la discussion sur le sujet entraîne une série de remarques : présences de saleté, papiers, personnes gênantes, chiens etc »( Le Goaziou, 2001).

En somme, il paraît exister un véritable hiatus entre la fonction affectée aux espaces publics et l’usage qui en est fait. Les terrains de jeux et autres espaces verts font l’objet de regroupements de jeunes gens (OPAC, 2001). Très souvent lieux de rencontres entre jeunes « marginaux », ces espaces conduisent de nombreux habitants du quartier à les éviter. L’aversion pour ces espaces est d’autant plus forte, que les habitants sont des parents d’enfants encore en bas âge et se refusent, contraints et résignés, à investir ces lieux. Nous constatons également, que d’autres espaces publics, tels les parkings, sont fréquemment transformés en terrain de jeu par de jeunes enfants, entraînant de fréquents conflits avec les automobilistes qui entrent dans les parcs de stationnement (Ibid., 2001). De plus, le mobilier urbain est considéré comme assez pauvre souvent dégradé (cabines téléphoniques détruites, bancs arrachés…) et l’éclairage public triste (DAUF, 2006).

Au final, les différents rapports diagnostics et de présentation du quartier corrèlent l’aspect morphologique global du quartier au sentiment d’urgence qui dominait à l’époque de son élaboration. La situation géographique du quartier, entouré de voies et d’équipements assimilés à des « coupures urbaines », entraîne un « réel enclavement » , accentué sur certains secteurs du quartier comme l’île Crozet. Les plaquettes de présentation du futur projet de rénovation urbaine décrivent le quartier comme émanant d’un « urbanisme qui a vieilli, qui s’est dégradé au fil du temps ». Cette situation génère un phénomène de promiscuité, de conflits entre certains habitants du quartier. Ceci est surtout valable pour des zones clairement identifiées comme « problématiques » par les habitants eux-mêmes, et qui correspondent aux squares de l’Islet et de l’Isle Crozet, c’est-à-dire au Nord-Est du quartier. Ce dernier, est l’endroit du quartier qui, visiblement, cumule le plus de handicaps, aussi bien d’un point de vue fonctionnel, que social (DAUF, 2006). Il est dit, par ailleurs que la « mauvaise réputation » du quartier serait liée à cette zone même qui pose problème…

b- Un quartier qui s’éloigne pourtant des caractéristiques types des quartiers de « grands ensembles »

Pour un observateur extérieur, le quartier de la Découverte peu paraître sensiblement éloigné des images d’Epinal qui collent à la peau des quartiers de « grands ensembles ». Saint-Malo, avec une population de 50800 habitants, se situe dans la catégorie des « villes moyennes » et sa ZUP, « peu étendue spatialement », est finalement préservée de certaines caractéristiques propres à de nombreux quartiers de « grand ensemble », même si, rappelons le, il n’est pas aisé de dresser le « portrait robot » d’un quartier de « grand ensemble », tant les situations locales peuvent varier. En premier lieu, si à l’époque de sa construction le quartier était localisé à la périphérie de la ville, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La configuration spatiale de la ville de Saint-Malo s’est trouvée modifiée. Depuis 30 ans, l’étalement urbain nous amène à reconsidérer la position du quartier par rapport au reste de la ville et à abandonner l’idée d’un territoire à la frange de l’espace communal.

Le quartier est en effet situé à l’interface des trois centres de Saint-Malo : Intra-muros, Saint – Servan et Paramé. La Découverte est de plus « en connexion avec les grands projets de la ville :

– le Transport en Commun en Site Propre entre le parking Paul Feval et intra-muros.
– le centre commercial de la Découverte réhabilité
– la mutation de l’avenue du Général de Gaulle
– la pénétrante sud qui devrait permettre de décharger l’avenue du général de Gaulle des flux qu’elle supporte » (DAUF, 2006).

La Découverte semble, de plus, bénéficier d’ « une politique de gestion adaptée (gestion urbaine de proximité) à poursuivre un partenariat entre :

– la ville de Saint-Malo, propriétaire des espaces publics
– le bailleur social unique OPAC Emeraude Habitation
– les acteurs sociaux actifs sur le terrain par le biais de l’espace Bougainville, des associations, des actions menées lors du contrat de ville (chantier insertion, chantier nature, …) » (Ibid, 2006).

Le quartier dispose en outre d’ « un patrimoine vert, une présence forte du végétal, des arbres, à préserver et à mettre en avant », d’immeubles à « taille humaine », aux toits en pentes et en ardoises à mettre en valeur également (Ibid, 2006). Par ailleurs, le quartier présente « une faible densité », « d’équipements et d’activités attractifs notamment autour du « mail central » » (Daniel, 2002). L’enquête commandée par l’OPAC Emeraude Habitation en 2001 ( La situation de vie des habitants du quartier de la Découverte. Pré diagnostic exploratoire dans le cadre du projet de requalification du quartier de la Découverte. Agence de sociologie pour l’action- Emeraude Habitation) signale que « le quartier présente certains atouts par rapport à d’autres quartiers de « grands ensembles ». [Ainsi] le petit nombre de logements par entrée et sur les paliers et la conception « en carré » des squares poussent à faciliter les relations de voisinage. A l’intérieur des squares, on peut être à la fois chez soi tout en étant avec les autres.» Ainsi, les différents aménagements des squares (Islet, Crozet, Caraïbes) sont-ils « mal vécus par leurs occupants [car] leur conception allait dans le sens de la création de liens. »

Le parc de logements locatif privé relativement important, constitué, essentiellement de maisons individuelles, ne souffre pas d’une « image dévalorisée » (DAUF, 2006). Les collectifs d’habitation s’insèrent dans un tissu de pavillonnaire, constitués de maisons mitoyennes, ce qui permet de rompre un peu avec la « monotonie visuelle » que l’on peut ressentir en observant la zone du quartier réservée aux immeubles HLM (Daniel, 2002).

La Découverte possède également une gamme de services assez large, avec un centre commercial éponyme, un hôtel depuis une quinzaine d’années, une maison médicale et des services paramédicaux, ainsi que des services déconcentrés de la mairie avec l’espace Bougainville, qui assurent certaines fonctions administratives. Signalons, par ailleurs, qu’à la lumière des enquêtes déjà réalisées avant le lancement de certaines procédures de requalification et par l’auteur de cette étude que nombre d’habitants mettent en avant cette offre de services relativement conséquente sur le quartier. Cette remarque est surtout valable, cependant pour les ménages résidents sur le quartier depuis sa création. Leur choix de venir s’établir à la Découverte a été, en effet, guidé en autre, par le fait que la municipalité a privilégié, dans les années soixante, la ZUP pour l’implantation de groupes scolaires, au dépend de certains quartiers de Saint-Malo.

La Découverte est, par ailleurs située à proximité d’une des plus grandes zones industrielles de la ville, ce qui a priori, peut sembler une plaie pour le cadre de vie des habitants. Cependant, si nous considérons la faible motorisation des habitants du quartier(10), l’accès à cette zone d’activité, donc à ce bassin d’emplois, est facilité pour les individus résidant à la Découverte qui y travaillent. Ajoutons un bémol à cette analyse, en disant que le caractère résidentiel du quartier et ce, « malgré une fiscalité intéressante sur la ZUS », incite peu à l’installation d’activités dans cette zone (Daniel, 2002, CUCS, 2006).

Disons aussi que la faible perméabilité du quartier est sans doute relative. Le quartier est, certes, fermé à l’est avec l’avenue du général de Gaulle et au nord avec l’avenue de Triquerville, mais les liaisons avec le « tissu » Ouest et Sud sont plutôt bonnes (OPAC, 2001).

Nous pouvons alors nous demander si la situation décrite par les acteurs agissant sur le quartier ne serait pas lié à un effet de contexte. Le quartier de la Découverte-Espérance serait « particulier », « différent », parce qu’il diffère de part sa morphologie, son organisation, des autres quartiers de Saint-Malo et surtout des quartiers historiques…Mais quels sont réellement les atouts du quartier de la Découverte par rapport à d’autres quartiers de « grands ensembles » ? Une approche comparative avec d’autres ZUS pourrait peut-être relativiser cette situation de « relégation » tant décrié par les acteurs institutionnels…

Imaginons enfin que le quartier de la Découverte soit situé sur un autre espace urbain dont le « poids de l’Histoire » marquerait moins l’image de la ville, le quartier pâtirait-il réellement d’une situation d’« enclavement », d’ « isolement » ?

Au final, le quartier de la Découverte souffrirait-il d’une situation d’enclavement parce qu’il ne correspondrait plus à la norme actuelle en matière d’urbanisme ?

Ces propos nous interpellent aussi sur la nécessité d’appréhender la « situation » du quartier « autrement » : « les diagnostics souvent sommaires concernant les déplacements tant au niveau des pratiques que des besoins mettent en évidence l’enclavement des quartiers avec pour origine une mauvaise organisation de la trame viaire (liaisons internes ou inter-quartiers) et l’existence de coupures urbaines par les infrastructures. Souvent les besoins des habitants n’ont pas fait l’objet d’études ou de diagnostics spécifiques dans le cadre de l’opération de rénovation urbaine » (CERTU, 2006). Or, ce qui apparaît dans les diagnostics sur le quartier, objet de notre étude, est que, finalement, le constat « enclavement du quartier » a visiblement pour fondement cette « mauvaise organisation de la trame viaire et l’existence de coupures urbaines »…

c- Situation, typologie des logements: quelles particularités à la Découverte-Espérance?

Commençons l’approche de la question du logement sur le territoire de la ZUS de Saint-Malo par des considérations d’ordre sémantiques, nécessaires pour clarifier la question abordée dans cette partie, et pour éviter les confusions quant au sujet abordé. Il existe effectivement une confusion entre les termes d’ « habitat » et celui de « logement ». Les deux mots sont, en effet, utilisés indifféremment l’un à la place de l’autre.

Or l’habitat correspond à l’ensemble des éléments constituant le cadre et les conditions de vie d’une population désignée. Le logement est l’enveloppe purement matérielle dans laquelle s’inscrivent des individus. C’est une « unité fonctionnelle où l’organisation de l’espace répond aux normes culturelles de la société de l’époque. Mais, la dimension, la forme, l’organisation interne, le niveau d’équipement du logement sont également liés à la structure et au niveau économique et social. » (Choay, Merlin, 2005)

La ville de Saint-malo possède sur son territoire la plus grande concentration de logements sociaux de toute la Bretagne. On y recense 5238 logements de ce type, soit 25,5 % des résidences totales de la commune.

La Découverte compte 1949 logements, soit respectivement 6,5 % des logements de la commune, dont 1542 logements sociaux. Le quartier de la Découverte-Espérance compte environ 4346 habitants dont 3226 à la Découverte précisément (CUCS, 2006). Il est à noter que le quartier de la Découverte détient le ¼ du patrimoine social de la ville et 1/3 de celui de l’OPAC Emeraude habitation( OPAC, 2001). Les Habitations à loyer modéré représentent la principale forme de logement social en France. Ce type de logement est prédominant dans le quartier de la Découverte. Ici, le parc HLM représente 79 % des logements totaux. Nous y trouvons majoritairement des logements de type T3 et une surreprésentation des types T4 et T5. Le quartier présente une forte concentration en logements de 4 pièces, représentant 48 % du parc contre 21 % dans le reste de la ville. Mais la taille moyenne des logements est, elle, « strictement égale à la moyenne malouine ». En outre, 19 % des habitants du quartier vivent en maison individuels et 17 % sont propriétaires de leur logement (INSEE, 2002, www.insee.fr/fr/region/rfc/ficdoc_frame.asp?ref_id=5564&doc_id=5436)

La demande en logement sociaux est forte à Saint-Malo : « 2000 demandes en attente à l’OPAC en janvier 2000 » (OPAC, 2001). Mais, cette demande n’est pas ciblée sur le quartier de la Découverte, du fait des problèmes récurrents liés à « l’image » de ce dernier (Ibid., 2001). Par ailleurs, on note « l’absence d’offre alternative à l’accueil des ménages en difficulté, la structure urbaine participant au marquage du quartier (squares, voies rapides périphériques) et nécessite un investissement important » (Ibid., 2001).

Visiblement, le quartier ne souffre pas d’une obsolescence de son parc de logement, « le rapport qualité/ prix étant assez avantageux » (Daniel, 2002). Le quartier ne présente cependant que peu de petits logements, et ne peut satisfaire la demande forte dans ce domaine (DAUF, 2006). L’OPAC signale dans ce sens que « d’un point de vue « produit », le quartier souffre d’un seul handicap par rapport aux autres quartiers : le faible pourcentage de petits logements qui sont les produits les plus demandés » (OPAC, 2001). L’Office Emeraude habitation met en avant le fait que les « secteurs » Découverte et Etrier présentent l’avantage de logements dont la superficie, la clarté et le prix des loyers les rendent relativement attractifs (Ibid., 2001). Dans le secteur de l’Espérance aucun point positif n’est signalé, en matière de logement, dans le cadre de l’enquête PCV-vie de quartiers de 2002 (Daniel, 2002).

Enfin, la demande de mutation à l’intérieur du parc de logements HLM est forte surtout dans les secteurs dits « dévalorisés » tels que les secteurs de l’Islet et de l’île Crozet (Ibid., 2002). Dans ces derniers « les logements sont dégradés, sales et vétustes et désinvestis par leurs occupants »(Le Goaziou, 2001). Un journal local titre en mai 2007 : « des logements HLM de Saint-Malo sont vétustes », phrase appuyée par une photo pleine page d’un secteur du quartier de la Découverte…Des problèmes d’isolation thermique et phonique, de chauffage, de ventilation, de robinetterie sont pointés du doigt en pages intérieures, dans un article consacré au quartier (Pays malouin, 17 mai 2007). Cependant, le titre de l’article fait le constat d’un parc « globalement en bon état » qui corrèle les propos cités par la directrice de l’OPAC : « nous avons des programmes d’entretien réguliers ». Le journal nous apprend, par ailleurs que « chaque année, en fonction des crédits débloqués entre 40 et 120 logements sont rénovés ».

Pourtant, « le bailleur est perçu [par les habitants] comme peu présent sur le quartier » (Daniel, 2002). Cette habitante, rue du Grand Passage, interrogée dans le cadre de notre étude nous a confié : « Rien n’est réparé depuis des années…Regardez !Les peintures sont dégradées, les portes ferment mal et c’est mal isolé. J’entends les chiens du voisins du dessous et l’hiver on sent le froid près des fenêtres » Le bailleur est perçu comme « trop distant des habitants. Il s’agit d’une distance physique mais aussi symbolique ». On lui reproche sa « lenteur, son manque de créativité et d’écoute, de reconnaissance et d’initiative : courriers sans réponses (demandes d’intervention liés à des problèmes de voisinage, plaintes…) »(Le Goaziou, 2001).

Une autre caractéristique du parc de logements sociaux semble être le « surpeuplement » : « 19,2 % des logements sont habités par 1,2 personnes par pièce (INSEE, 2002). Au-delà de la lumière des chiffres statistiques, plus « éblouissante » que réellement éclairante, ce sont in fine près d’1 habitant sur 5 qui vit dans un logement surpeuplé : « la quatrième plus forte proportion parmi l’ensemble des « quartiers prioritaires » bretons » (Ibid., 2002). On notera aussi une baisse de la population dans le quartier de 9 % malgré une augmentation du nombre de logement de 2 % durant la période 1990-1999. Ceci n’étant pas du à des « départs » du quartier, mais « la conséquence directe de la décohabitation à l’intérieur des ménages » (Ibid., 2002).

Enfin, par la comparaison de la composition socio-démographique entre le parc social de logements et le parc privé on notera que dans le premier on compte « beaucoup de chômeurs et de femmes au foyer, alors que le second est plutôt investi par une population majoritairement retraitée à hauteur de 45 % » (Ibid., 2002).

L’OPAC Emeraude Habitation souligne en 2001 « le rôle spécifique de la Découverte » au sein de son parc de logement « malgré l’existence d’un patrimoine similaire (loyers, typologie) sur d’autres quartiers ».« La mobilité au sein du patrimoine HLM » : « le parcours résidentiel est une des causes des difficultés de la Découverte » (OPAC, 2001)…

3-Une entrée par le territoire insuffisante à expliquer les phénomènes ségrégatifs. L’étude de la ségrégation à travers le prisme d’indicateurs socio-économiques

a-Questionnement sur la pertinence de l’échelle des « quartiers INSEE » et des indicateurs retenus pour l’étude de la division socio-spatiale à Saint-Malo

Les indicateurs démographiques et socio-économiques sont d’un usage courant dans le cadre des études portant sur la division socio-spatiale des villes, comme nous l’avons montré dans la première partie de ce « compte-rendu » de recherche. Aussi, après avoir effectué une étude morphologique du quartier, certes nécessaire, mais insuffisante pour cerner les phénomènes ségrégatifs relatifs au quartier de la Découverte, nous tenterons de décrypter les mécanismes générateurs d’exclusion à partir d’un certain nombre d’indicateurs socio-économiques.

Cependant, un obstacle nous oblige à modérer la pertinence de cette approche. En effet, les données disponibles pour entreprendre une telle démarche proviennent de sources variées (INSEE, enquêtes diagnostics…) et résultent d’études portant sur des périmètres territoriaux assez divers. Aussi, a-t-on accès, à certains moments, à des statistiques ciblées exclusivement sur le territoire du quartier de la Découverte, alors qu’à d’autres c’est le périmètre de la ZUS, s’étendant au-delà du quartier et incluant le quartier Marville et de Bellevue en partie, qui est privilégié pour certaines études. Concernant les données relatives à l’éducation, ce sont des moyennes statistiques qui nous sont fournies dans le projet de convention cadre du CUCS, par exemple, et qui portent sur l’ensemble des individus fréquentant des établissements prioritaires, situés parfois bien au-delà du périmètre de la ZUS, et de celui de la Découverte à fortiori. Car, comme nous le verrons la commune de Saint-Malo présente un groupe scolaire inscrit en RAR, situé à Rocabey au Nord de la ville et qui n’appartient pas au territoire de la ZUS de Saint-Malo.

Nous avons donc à faire, selon l’étude, soit à des données statistiques relatives aux « traditionnels quartiers INSEE » soit à des données sur des territoires plus vastes comme celui de la ZUS ou des périmètres définis lors de la mise en place de certaines procédures comme les RAR. Cependant, peut-on appréhender de manière suffisamment fine, les réalités démographiques, sociales ou économiques en travaillant sur des espaces aussi « vastes » ? Ne devrait-on pas s’attarder sur des échelles plus grandes comme la rue ou l’immeuble, pour saisir toute la complexité du réel ?

Sur la pertinence des indicateurs retenus dans les études monographiques sur le quartier utilisés pour montrer des particularismes dans celui-ci, disons que certains attributs sont régulièrement mis en avant dans les études diagnostics sur le quartier. Notamment, cette surreprésentation des familles monoparentales sur le quartier. A titre d’exemple, on nous donne le chiffre de 27 % de ménages monoparentales, composés principalement de femmes avec 1 ou plusieurs enfants, à l’échelle du quartier de la Découverte soit « 12 points de plus qu’au niveau de la commune entière », avec une surreprésentation de ce type de ménages dans le parc HLM (INSEE, 2002).

Est-ce un indicateur suffisamment pertinent pour montrer les difficultés éventuelles de la population d’un quartier ? Le fait de dire que des femmes vivent seules, indépendamment de tout indicateur lié aux revenus par exemple, nous donne-t-il le droit d’affirmer objectivement que celles-ci sont en difficulté ? Il existe de telles situations dans d’autres quartiers de la ville. Ces femmes seules sont souvent bien insérées dans un réseau de relations sociales et ne semblent pas rencontrer de difficultés, au moins d’un point de vue économique. Est-ce à dire que le fait qu’il existe des ménages monoparentaux relève de la pathologie sociale ? On s’éloignerait du « diptyque : femme mariée plus enfants », donc d’une norme sociétale, de ce qui est respectable en somme… !? Enfin, certains indicateurs ne paraissent pas faire sens sur le quartier de la Découverte comme la proportion d’étrangers y résidant. Le chiffre de 1,2% d’étrangers habitant le quartier, égale à la moyenne communale, n’est pas donc discriminant.

Quoiqu’il en soit, l’ensemble des données disponibles sur le quartier est à considérer avec précaution et ne doit pas être un élément qui nous permette d’aboutir à des conclusions tranchées.

Pour cette étude sur la ségrégation, ou plutôt la mise en lumière de quelques particularités signifiantes sur le quartier, à partir de la dimension socio-économique de celui-ci, nous avons sélectionné un ensemble d’indicateurs nous semblant être les plus discriminants. L’approche par la part de chaque CSP ou PSC au sein du quartier -même si nous ne l’excluons pas de notre étude- nous a semblé limitative par exemple. Est-ce que c’est parce qu’il existe un grand nombre d’ouvriers sur le quartier que celui est pour autant un quartier en difficulté, pauvre ? Conclure par l’affirmative n’aurait aucun sens. Tout au moins disons que si la représentation de telle ou telle PSC sur un quartier ou un territoire est significative de sa situation socio-économique, la seule prise ne compte du critère de la PSC n’est pas « parlante » en elle-même. Nous avons privilégié une approche par les minima sociaux car elle nous semblait plus à même d’être le fondement éventuel d’une géographie de la pauvreté…

L’éducation nous a semblé aussi être une dimension centrale dans toute étude désirant même en avant les particularismes d’un territoire. En premier lieu, l’éducation n’est-elle pas un des piliers du développement ? D’autre part, la focalisation de certaines politiques publiques sur les questions d’éducation nous montre le besoin impératif d’aborder la question du « grand ensemble » de la Découverte et de la ségrégation à travers cette dimension.

On a pu se poser également la question de savoir si la santé des habitants d’un quartier ne révèle pas l’état même de ce territoire ? Prendre en compte l’ « état de santé » des « habitants » d’un quartier est-il significatif pour une recherche sur les phénomènes de ségrégation ? Le critère « santé » relève-t-il de quelque chose de réellement objectif pour faire l’état des lieux d’un quartier ou bien s’agit-il d’un thème plutôt « construit » par notre société actuelle ? Autrement dit, cette nouvelle « vague hygiéniste » qui se décline en terme de « dépistages » en tout genre, de « bilans de santé », de conseils ou de critiques formels sur la manière de s’alimenter et sur le rapport des individus à l’alcool ou au tabac, de « pratiques sportives régulières recommandées » quasiment déclarées « d’intérêt public » et autres « régimes conseillés » dont la sphère politico-médiatique est l’ instigatrice, n’est-elle pas un moyen de « normaliser », voire de contrôler, les comportements des individus plus que le fait d’une réelle préoccupation de leur état de santé ? Pour prendre l’exemple du « test de séropositivité » et les obligations légales qui en découlent ; n’a-t-on pas à faire ici à un instrument de contrôle, un moyen de « ficher » définitivement certains individus ?

Quoiqu’il en soit, ce « thème » largement développé dans les « écrits » des études sur le quartier de la Découverte nous incite, en reprenant un terme médical justement, à « l’examiner » de plus près…Enfin, peut-on lier finalement ces « préoccupations médicales » à l’idée que le quartier de « grand ensemble » est considéré comme « pathogène » ? Si la forme urbaine l’est, alors ceux qui y résident doivent sûrement l’être aussi…

Enfin, les phénomènes de violence, de délinquance plus ou moins prégnants, nous ont aussi paru être des révélateurs de la « situation » d’un quartier, de l’ « ambiance » qui y règne et a fortiori des difficultés rencontrées par les habitants. Nous avons supposé que le logement social de type HLM, à Saint-Malo, comme ailleurs, est associé « à la figure du pauvre, du délinquant » (Madoré, 2004). Le sujet de l’exclusion se décline en effet de manière institutionnelle, « administrative », notamment à travers le thème de la délinquance. Nous avons ainsi voulu nous rendre compte si ce fameux thème rend compte des difficultés existantes sur un quartier comme celui de la Découverte et s’il est réellement significatif dans une étude sur la ségrégation.

Cependant, ce dernier critère peut paraître plus discutable dans le sens où la «délinquance » se déplace, ne se fixe pas forcément sur les territoires les plus « défavorisés ». En outre, à l’instar « du » chiffre du chômage les statistiques qui rapportent les « actes de violence » et de « délinquance » sont a priori orientées selon les besoins…Il est, de plus, difficile de corréler une « géographie de la délinquance » avec celle de la pauvreté, en tout cas vu les objectifs fixés par notre étude…

L’ensemble de ces choix est forcément discutable, nous aurions pu en effet nous attarder sur d’autres indicateurs, d’autres thèmes…Pourquoi ne pas privilégier une entrée à partir de données sur l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des fortunes professionnelles, à l’instar de Monique Pinçon-Charlot pour ses études sur « une géographie de la fortune en France », sur l’ensemble de la commune de Saint-Malo… ? La ségrégation est une notion « polymorphe », « polysémique », floue. Une étude complète sur ce sujet doit donc prendre en compte de nombreux facteurs. Alors son étude concrète ne peut se heurter qu’à des difficultés dans le choix des critères retenus pour son étude. Néanmoins, nous l’avons montré dans la première phase de cette recherche, les approches par la CSP, la structure démographique, par exemple ont fait leurs preuves. Et, à la vue des indicateurs que nous avons retenus, nous nous situerons globalement dans cette perspective en y regardant de près, finalement…

Enfin, en ce qui concerne l’ « essai de représentation graphique » du dernier point de cette partie, nous avons considéré un ensemble de critères relatifs à la démographie, l’emploi, l’aide sociale, la typologie des logements…En effet, les seuls critères sur lesquels nous nous attardons dans cette partie consacré à l’approche socio-économique, s’ils paraissent avoir une légitimité pour le décryptage d’éventuels phénomènes ségrégatifs sur le quartier, ne sont, a contrario, pas suffisants pour avoir une vision d’ensemble de la situation dans le quartier.

b- Les indicateurs en matière de niveau et de nature des revenus : une approche par les minima sociaux

Une surreprésentation de certaines PCS à la Découverte

Commençons cette étude, de manière « orthodoxe », en présentant quelques chiffres statistiques concernant les PSC ou CSP présentes à la Découverte, situés disons aux deux extrémités de la « hiérarchie » socio-professionnelle et qui correspondent aux catégories sociales, voire aux « classes » sociales -même si cette notion est battu en brèche du fait du contexte socio-économique émergeant depuis 30 ans- qui s’opposent le plus en termes de revenus et de niveau de vie : les ouvriers et les cadres.

La catégorie socioprofessionnelle la plus représentée sur le quartier de la Découverte est celle des ouvriers, soit 57 % des actifs occupés et « presque la moitié d’entre eux ne sont pas qualifiés ». La part de cette PCS sur l’ensemble de la commune n’est que 23,2 % (INSEE, 2002). Nous noterons la faible proportion de cadres sur le quartier de la Découverte : 2,6 % contre 11,1% pour l’ensemble de la ville. Les « professions intermédiaires »(11) tout comme la catégorie « fourre- tout » des « artisans, commerçants et chefs d’entreprises » sont également sous-représentées dans le quartier : respectivement 7 % et 1,5 % contre 22 % et 9,2 % pour la totalité des quartiers de Saint-Malo (ibid., 2002).

« Les emplois précaires sont proportionnellement beaucoup plus représentés » à la Découverte que sur l’ensemble de la ville : « 26 % des salariés contre 15 % » (Ibid.,2002).

Mais d’autres indicateurs plus significatifs méritent d’être énoncés pour mieux se rendre compte de la particularité de ce quartier au regard du reste de la commune.

Une faiblesse des revenus et un usage répandu des services sociaux à la Découverte

Sur l’ensemble de la ZUS de Saint-Malo, le revenu annuel par unité de consommation est de 8043 euros, contre 14557 euros sur l’ensemble de la commune. Plus précisément, dans le parc HLM de la Découverte, les habitants ont un revenu total inférieur à 12380 euros en moyenne contre 21860 euros dans le parc de logements privé (INSEE, 2002). 27,4% des ménages de la ZUS sont imposés contre 46% à Saint-Malo, tous quartiers confondus (INSEE, DGI, 2002). La situation d’imposition ou la non-imposition des ménages mériterait une analyse plus poussée mais nous ne disposons que de ces chiffres précédemment cités.

L’ANPE totalisait 581 demandes de demandeurs d’emplois sur la ZUS en 2002 contre 3845 pour la ville entière (DIV, ONZUS, http://www.ville.gouv.fr/). Le taux de chômage pour l’ensemble de la population active à la Découverte est quant à lui de 29 % et, chez les 15-24 ans il atteint quasiment 43 % en 2006 (CUCS, 2006). A Saint-Malo, « le » chiffre du chômage se situe autour des 8 % au 30 juin 2006, pour l’ensemble de la population active et est « fixé » à environ 28 % pour la tranche d’âge des 15-24 ans (Ibid., 2006).

Les chiffres du chômage sont, certes, éclairants, mais ne mettent pas forcément en évidence toutes les situations de grande précarité. Le taux de chômage, étant une moyenne statistique par essence, ne fait pas état des disparités à l’intérieur des quartiers.

Les taux de chômage sont, par ailleurs, critiquables de part les éléments pris en compte pour leur élaboration. On voit apparaître depuis deux décennies, un nombre croissant de travailleurs pauvres, dont les ressources même si elles sont issus des revenus du travail ne sont pas suffisantes pour couvrir les besoins fondamentaux dans notre société : se loger, se nourrir voire étudier…Ces populations « besogneuses » peuvent alors se trouver, parfois, dans des situations plus problématiques économiquement que certains chômeurs par exemple.

De plus, depuis quelques années, les « radiations » des « listes » ANPE sont un fait avéré. Le fait de refuser plusieurs emplois consécutivement ou encore de ne pas se présenter aux « rendez-vous » obligatoires avec un conseiller ANPE entraîne la « disparition » des individus concernés des « listes » officielles des chômeurs.

Enfin, la montée en puissance des thèmes de l’ « assistanat », de la « fracture sociale » dans la sphère politico-médiatique ont abouti à un glissement sémantique…De l’expression populations « démunis » nous sommes passés à celle de populations « assistées ». Les chômeurs sont identifiés de plus en plus souvent à ces dernières, notamment par les partis politiques dont l’idéologie est en porte à faux avec les principes interventionnistes de l’Etat-providence. Ce discours globalisant, réducteur, méprisant même, est aujourd’hui « accepté »- il est officiel, donc indiscutable, pense-t-on peut être- par une frange de la population française : une large part de l’électorat de ces partis politiques en somme.

Aussi, avons-nous pensé que tenter de mettre en évidence des phénomènes de pauvreté, de précarité, devrait passer par l’observation attentive de la distribution socio-spatiale des minima sociaux, sans doute meilleure révélatrice des inégalités en matière de revenus.

Un fait mis en avant par le projet de convention cadre du CUCS de Saint-Malo est que « 40 % des ménages à la Découverte ne perçoivent pas de revenus issus de l’activité professionnelle » (CUCS, 2006).

Le tableau suivant nous montre la répartition des allocataires de la CAF par quartier « où sont domiciliés en plus grand nombre les familles venant régulièrement au centre social ». Cette zone compte environ 14350 habitants, représentant 28 % de la population de la commune de Saint-Malo (AMIDS, 2006). Les 5 « quartiers » sont tous situés dans le secteur Est de la ville.

Mais une comparaison entre quartiers est difficile, car nous n’avons pas à faire à des territoires présentant le même nombre d’habitants, c’est un fait,-bien que les écarts en terme de nombre d’habitants entre « zones » identifiées pour cette présentation statistique soient relativement faibles- mais aussi et surtout parce que le « comptage » du nombre d’allocataires se fait aussi, dans le document ci-dessous, par le regroupement ou la création plus ou moins artificiels de secteurs. Ainsi, le « secteur » Bellevue est associé ici avec celui de la Guymauvière qui présente une population assez dissemblable avec le premier en terme de situation socio-économique par exemple. Un quartier « Hôpital » a été « crée ». Or, sa délimitation, sa situation géographique semblent plutôt floue. On pourrait présumer que ce « quartier », vu sa dénomination, regroupe à la fois une partie du quartier de Marville, la partie Ouest du quartier de Saint-Servan, mais pourrait tout aussi bien inclure un espace localisé à l’Est dans le quartier de la Découverte.

En effet, s’il s’agit bien d’un quartier ayant pour nom un lieu remarquable comme celui de l’hôpital de Saint-Malo, définir l’étendue de la surface de celui-ci reste du domaine de la pure subjectivité. D’autre part, comment appréhender un tel espace du point de vue de sa composition démographique, sociale et économique ? Nous supposons de fortes variations des statuts sociaux des habitants à l’intérieur de ce périmètre, vu la diversité présupposée des espaces englobés sous cette appellation…

Toutefois, nous pouvons faire ressortir de cette présentation quelques éléments intéressants. On voit que pour une population presque équivalente, le quartier de la Découverte compte un plus grand nombre d’allocataires que le quartier de la Madeleine par exemple.

Tableau n° 3 : Nombre d’allocataires par quartier dans la « zone d’influence » du centre social

Sources : recensement INSEE 99, services études CAF au 31/12/04, AMIDS-Centre social de la Découverte-Projet social 2006/2010

On constate, par ailleurs, « une augmentation de la précarité » à la Découverte sur la pourtant courte période s’étalant de 2002 à l’année 2005, au regard du « nombre d’allocataires dont les ressources sont constituées à plus de 50 % par les prestations familiales » (CUCS, 2006). (Tableau n° 4)

Tableau n°4  :Allocataires dont les revenus sont constitués à plus de 50 % par les prestations familiales

Source : Caisse d’allocations familiales au 31/12/05, CUCS, 2006

Les statistiques suivantes nous montrent l’évolution, de 2002 à 2004, du nombre des « allocataires dont les ressources sont constituées à plus de 50 % par les prestations familiales » par zones définies, toujours a priori, pour la présentation du projet social du centre social de la Découverte. L’augmentation la plus forte, et de loin, concerne le quartier de la Découverte. Mais que dire de cette baisse de 91 % dans le quartier de la Madeleine-Hulotais ?

Tableau n°5 : Allocataires dont les revenus sont constitués à plus de 50 % par les prestations familiales

Source : Caisse d’allocations familiales au 31/12/04, AMIDS-Centre social de la Découverte-Projet social 2006/2010

42% des habitants de la Découverte ont utilisé un service de type CAF, ASSEDIC, CCAS ou un autre organisme à vocation sociale pour l’aide aux personnes en situation de précarité financière. La probabilité d’avoir recours à un de ses services semble d’autant plus forte que les individus qui y ont recours habitent un logement de type locatif social (Daniel, 2002). 17,4% des Rmistes de Saint-Malo habitent à la Découverte, ainsi que 26,2 % des bénéficiaires de l’ Allocation parents isolés (API) et 21,2 % des bénéficiaires de l’ Allocation adultes handicapés (AAH).

Tableau n°6 : Bénéficiaires de minima sociaux à Saint-Malo et à la Découverte, CUCS, 2006

Source : CUCS, 2006, CAF, 2004-2005

Une approche par « quartiers » rend compte aussi de la situation en terme de bénéficiaires des minima sociaux : RMI, API et AAH au 31/12/2004 (Tableau n°7). Là encore, les habitants du quartier de la Découverte sont les plus nombreux à bénéficier de ces minima, sauf en ce qui concerne l’Allocation adultes handicapés où les habitants du « quartier » hôpital se distinguent et sont les plus nombreux à la percevoir.

Tableau n° 7: Bénéficiaires de minima sociaux dans les « cinq quartiers de la zone d’influence du centre social »

Source : CAF, 2004, AMIDS-Centre social de la Découverte-Projet social 2006-2010

L’augmentation du nombre des ménages, dont les ressources sont majoritairement constituées de prestations sociales est effectivement plus importante à la Découverte qu’ à l’échelle de la ville ou comparativement à un quartier a priori proche en terme de situation socio-économique comme celui de Marville. Mais, ces chiffres ne précisent pas quels sont les secteurs du quartier les plus touchés par ce phénomène. La situation des résidents du parc privé pavillonnaire de la Découverte peut-elle être traitée de manière indifférenciée par rapport à ceux du parc de logement HLM ? La population de ce dernier connaît-elle, dans tous les secteurs, de manière uniforme, la même évolution ?

Au moins, ces chiffres nous éclairent-ils sur une chose, par exemple : le lien existant entre le nombre de familles monoparentales à la Découverte (27 %) et celles qui, parmi elles, sont en situation de précarité. Plus de 1/5e des bénéficiaires de l’API résident à la Découverte. Nous pouvons considérer par cet état de fait que les familles monoparentales sont en plus grande difficulté financière à la Découverte que dans d’autres secteurs de la commune. Le tableau suivant nous éclaire un peu sur cette situation :

Tableau n°8 : Composition des familles allocataires CAF dans cinq quartiers de Saint-Malo

Source : CAF au 31/12/04, AMIDS-centre social de la Découverte-Projet social 2006/2010

Ainsi, nous voyons que la Découverte présente deux fois plus de familles monoparentales que le quartier de la Madeleine, un quartier à la population plutôt « mixte ».

C’est à dire à la fois populaire, pour une bonne part, mais aussi caractérisé par un nombre d’habitants conséquents appartenant aux classes moyennes. Les quartiers de Bellevue et de Marville, autres quartiers considérés comme prioritaires dans le périmètre d’action du CUCS, sont des espaces proches sociologiquement de la Découverte. Or, ces deux quartiers comptent un nombre largement inférieur d’allocataires CAF au sein de la population des ménages monoparentaux.

Finalement, cette approche par les minima sociaux relève de la « pauvreté administrative » et soulève quelques questions en montrant ses limites : Peut-on finalement s’en sortir avec des minima sociaux ? En dehors de toute polémique, demandons-nous si le fait de bénéficier de minima sociaux est synonyme de pauvreté extrême ? Est-ce que l’on peut vivre « bien » avec les aides sociales ?

Au-delà de la réalité statistique, comment vivent réellement les bénéficiaires de ces allocations ? Existe-t-il à la Découverte des réseaux d’entraide au-delà des voies de recours institutionnelles? En d’autres termes, s’il existe une « pauvreté administrative », qu’en est-il d’une pauvreté que nous pourrions qualifier d’ « effective »… ?

c- L’échec scolaire « à » la Découverte : fait objectif ou émanation d’un traitement statistique homogénéisant ?

Nous avons supposé que l’« entrée » par l’étude des résultats scolaires pour une étude sur la ségrégation doit révéler un certain nombre d’éléments éclairants quant à la réalité sociale d’un territoire. Aussi, nous attacherons-nous à identifier les caractéristiques en matière d’éducation sur quartier de la Découverte.

Regard sur le niveau scolaire des élèves à partir des différents « territoires d’éducation prioritaire » définis institutionnellement Le taux de scolarisation à la Découverte des jeunes âgés de 15 à 24 ans est de 48,7% contre 65, 4% sur l’ensemble de la commune (INSEE, 2002).

Les établissements scolaires situés à la Découverte sont classés en ZEP, mais des établissements prioritaires existent en dehors du quartier. En effet, huit écoles et un collège « bénéficient » de ce classement en ZEP à Saint-Malo. Les deux groupes scolaires de la Découverte et de l’Islet et le collège Surcouf mais aussi les écoles maternelles et primaires de Bellevue ainsi que les écoles maternelle et primaire situées dans le quartier de Rocabey sont des « établissements prioritaires ». L’ensemble de ces établissements est inscrit au programme Réseau ambition réussite (RAR) depuis la rentrée scolaire 2006.

Depuis 2005, la Ville de Saint-Malo participe au Programme de réussite éducative (PRE). « Le PRE est l’outil de mise en cohérence des différents outils existants dans les communes et sera dans le cadre du CUCS l’unité d’intervention de base pour les actions d’éducation » (CUCS, 2006). Un diagnostic a donc été établi dans le cadre du PRE et servira de base pour la mise en oeuvre de la résolution des problématiques en milieu scolaire dans le cadre du CUCS.

D’un point de vue démographique, signalons en premier lieu que les deux établissements d’enseignement primaire présents sur le quartier de la Découverte font face actuellement à une baisse d’effectif. Entre 1990 et 2004, le nombre d’enfants scolarisés dans ces écoles a diminué de 45%. Cette baisse sensible reflète la réalité démographique du quartier illustrée par une diminution des familles nombreuses et un vieillissement de la population (CUCS, 2006).

Cette baisse est aussi valable, mais de manière moins sensible pour le collège Robert Surcouf sur cette même période. Mais ce chiffre de la baisse de la fréquentation situé à la Découverte mérite que l’on s’y attarde. Que représente-t-il finalement ? Une structure démographique du quartier qui évolue dans le sens d’un vieillissement de la population seulement ou bien une évolution démographique qui est à associer avec une désaffection de ces établissements par les habitants de la Découverte ? Les habitants du quartier sont-ils nombreux à désirer scolariser leurs enfants dans un établissement hors ZEP ? Combien de demandes de dérogations formulées par les parents d’élèves résidants à la Découverte sont acceptées chaque année ? Autant de questions qui restent en suspens et qui permettraient peut-être de sortir de cette conclusion un peu hâtive : baisse du nombre des jeunes en âge d’être scolarisés, donc baisse du nombre d’inscrits dans les établissements scolaires du quartier…

Le collège R. Surcouf et dans une moindre mesure les groupes scolaires de la Découverte sont-ils victimes de leur classement en ZEP, devenant ainsi les établissements à éviter de la commune ?

La ZEP de Saint-Malo ne semble pas faire exception à ce qui ce produit dans les autres ZEP de France. Si nous pouvons noter dans ces dernières des résultats scolaires moins bons par rapport à la moyenne nationale, la ZEP de Saint-Malo ne déroge pas à la règle. Malgré les différentes mesures prises pour contrecarrer les problèmes présents dans sur la ZEP de Saint-Malo, les différences en terme de résultats scolaires par rapport à la moyenne départementale et nationale sont flagrantes. Ainsi, si nous prenons l’exemple des résultats aux évaluations en CE2 et 6e, on peut noter des écarts très sensibles entre les moyennes des résultats de la ZEP malouine et ceux de l’ensemble des établissements d’Ille et Vilaine ou du territoire national (Tableau n°9).

Tableau n°9 : Résultats moyens aux évaluations de CE2 et de 6e en 2006

Source : CUCS Saint-Malo, 2006

Dans les écoles du quartier de la Découverte, les élèves présentent au moins un an de retard à l’entrée en 6e pour 50% d’entre eux (CUCS, 2006).

Un autre exemple significatif quant à l’accès des élèves relevant du RAR est celui du taux d’accès à un lycée.Un autre exemple significatif quant à l’accès des élèves relevant du RAR est celui du taux d’accès à un lycée.

Tableau n°10 : Taux d’accès à un lycée des élèves relevant du RAR

Source : CUCS Saint-Malo, 2006

Mais le périmètre du RAR semble trop étendu pour rendre compte de la réalité quant au niveau de réussite scolaire sur le quartier de la Découverte. Dans ce dernier, ce sont par exemple 86% des individus âgés de 15 à 59 ans qui n’ont jamais fréquenté le lycée. Ce phénomène est pérenne chez la jeune génération, puisque 82% des 15-24 ans n’ont pas accès à ce type d’établissement. Aussi, ces éléments entraînent la situation suivante : parmi les actifs du quartier de la Découverte, 48% n’ont aucun diplôme et seul 3% d’entre eux sont diplômés de l’enseignement supérieur (INSEE, 2002).

Tableau n°11 : Niveau de qualification des individus et taux de scolarisation des 6-18 ans

Sources : RGP, 1999, INSEE, 2002

Des difficultés scolaires des élèves à la Découverte qui seraient liées à la situation familiale…

Le projet de convention cadre du CUCS insiste sur « les difficultés liées à l’exercice de la parentalité » et « la fragilisation de l’autorité parentale » entraînant l’échec scolaire des enfants : « un fossé se creuse entre l’école et les familles et conforte une situation de démobilisation des enfants sur les apprentissages » (CUCS, 2006). « Le manque d’implication des familles » nécessite par suite « d’améliorer les relations familles-écoles » (Ibid., 2006). « On » évoque le manque d’implication des familles dans la vie de l’école qui aurait pour causes : des parents « en perte de repères », une « incompréhension du système scolaire » par ceux-ci, une « histoire personnelle difficile avec l’école », des « difficultés d’appréhension culturelle », avec toute l’imprécision inhérente à de telles formulations…

Ces autres remarques semblent assez symptomatiques de la manière dont les « observateurs » du quartier appréhendent la situation des élèves dans les ZEP : « les enfants expriment un mal-être », « les problèmes sociaux et économiques [sont] conjugués à des problèmes psychologiques ». Ces « problèmes d’ « ordre comportemental » sont « difficilement gérables par les établissements scolaires » (Ibid., 2006). Certes, malgré la réalité de cette situation, a priori difficile à remettre en cause, ces traits comportementaux sont-ils spécifiques aux élèves des établissements « prioritaires » ? Combien d’adolescents ou de pré-adolescents n’éprouvent pas de souffrance d’ordre psychologique à ce moment de leur vie ? Est-ce un trait purement spécifique au public des établissements prioritaires ? En outre, dans quelle mesure ces difficultés liées au psychisme ont-elles une incidence sur les résultats scolaires des élèves ?

Enfin, toute la « litanie » liée aux quartiers de « grand ensemble » est présente dans la dimension du projet éducatif du CUCS : les enfants des « quartiers défavorisés » ne profitent pas de l’offre en matière de culture, de loisirs en général, pourtant facteurs « d’insertion sociale et de mixité ».

L’approche institutionnelle concernant l’évaluation du niveau scolaire des élèves de la Découverte inscrits dans des établissements localisés dans leur quartier aboutit à faire surgir certaines interrogations…La Zone d’éducation prioritaire de Saint-Malo englobe des établissements scolaires répartis sur différents espaces de la commune. Comment dégager à partir de cela des particularismes quartier par quartier ? Cette dernière approche semble par ailleurs somme toute limitative. Qui sont en effet ces élèves qui réussissent le mieux ou le moins bien à la Découverte ? Pourrait-on trouver des spécificités en terme de résultats chez des élèves résidents dans certaines parties du quartier ? Les parents d’élèves habitant le quartier sont-ils tous « démissionnaires » comme peuvent laisser penser les différents rapports diagnostics ?

Par ailleurs, le faible taux d’accession des élèves au lycée « pointé du doigt » par ces rapports est-il significatif en terme de « réussite » sociale ?

Autrement dit, ne pas fréquenter le lycée laisse-t-il présager une vie future en marge de l’ensemble de la société ? Le lycée est-il un passage obligé pour accéder à un emploi et à une vie sociale stables ? En somme, existent-ils d’autres voies d’insertion, des « réseaux » alternatifs à la fréquentation d’établissements d’enseignements secondaires et supérieurs dont pourrait bénéficier « des » individus sur le quartier de la Découverte?

Enfin, une dernière question mériterait d’être entendue également, avec en arrière-plan les conséquences sur les établissements de leur classement en ZEP.

Peut-on appréhender le taux de réussite ou d’échec scolaire de la population de la Découverte en prenant seulement en compte les résultats des établissements scolaires situés dans le quartier ? Les enfants en âge d’être scolarisés le sont-ils tous dans les 4 écoles et le collège du quartier ?

A contrario-mais répondre par l’affirmative semblerait, a priori, moins vraisemblable, malgré quelques exceptions qui ne paraîtraient pas incongrues- : les élèves de ces établissements sont-ils tous des habitants du quartier de la Découverte, disons plus largement de la ZUS ?

In fine, une étude des demandes de dérogations et des résultats des élèves scolarisés hors ZEP, le cas échéant, permettrait sans doute de cerner de façon plus fine le niveau réel des jeunes scolarisés vivant à la Découverte…

d- La santé : « un discours » sur la situation à la Découverte-Espérance qui laisse apparaître une singularité dans le domaine de la santé mentale…

« Alcool, drogue, malnutrition, obésité… A la Découverte, l’hygiène de vie n’est pas irréprochable » assène un journaliste de la presse locale dans un article du Pays malouin du 29 mars 2007 : « A La Découverte de réalités quotidiennes » (On notera au passage la pertinence de l’intitulé…).

Au niveau institutionnel, le rapport de présentation du Projet social de l’AMIDS et du centre social de la Découverte met également en avant « un diagnostic territorial santé qui met en évidence des problèmes de nutrition (tendances à l’obésité chez les enfants, les jeunes et les adultes), un manque d’hygiène, un nombre important de malades alcooliques (hommes et femmes) et le constat que les femmes sont en moins bonne santé que les hommes » (Centre social Découverte-AMIDS, 20006). Le projet de convention cadre du CUCS souligne lui aussi « des difficultés d’ordre sanitaire : des carences concernant les soins dentaires et ophtalmologiques, des problèmes liés aux habitudes alimentaires, à l’hygiène de vie (sommeil) et corporelle » (CUCS, 2006). Les « habitants » de la Découverte, avec toute l’imprécision liée à cette formulation, rencontrent des « problèmes importants de santé physique ou psychique ». On constate de « nombreux handicaps ou invalidité d’ordre physique et/ou des fragilités psychologiques fortes ». Ce qui entraînerait une impossibilité de « réinsertion ou de réintégration sociale », ces « habitants » là ne voulant « plus ou pas travailler »(Le Goaziou, 2001). Par suite les contacts avec l’extérieur seraient inexistants (nous abordons cet aspect plus en avant dans cet exposé). « Le logement est un refuge plus qu’un lieu de vie » et « l’extérieur du quartier est un autre monde »(Ibid., 2001).

Le quartier est donc insalubre, les habitants sont pauvres, sales, alcooliques et déséquilibrés, il en résulte une violence généralisée…Quod erat demonstrandum ? Posons nous quelques questions. Par exemple, sur quoi est basé ce constat sur l’hygiène corporelle ? Est-on allé vérifier de visu sur le corps des individus ? Les gens sales seraient-ils tous « défavorisés » (adjectif utilisé pour caractériser la population du quartier de la Découverte ) ?

De plus, les syntagmes : « nombreux », « très grand nombre », utilisés dans les rapports diagnostics, montrent, en outre, une certaine imprécision dans le constat établi et finalement effacent les différences entre individus.

Pour ce qui est des questions liés à l’alcoolisme, le fait de resituer le quartier dans son contexte spatial communal et régional permettrait sans doute de relativiser les faits. En 2004, l’Observatoire régional de la santé de Bretagne (ORSB) souligne que le pays de Saint-Malo est dans la moyenne régionale -« considérée comme l’une des plus préoccupantes de France »- au sujet de la mortalité par alcoolisme. Si Saint-Malo se situe dans cette moyenne régionale, rien ne montre à priori que le quartier de la Découverte contribue pour une large part à situer Saint-Malo dans cette moyenne…

Au sujet de la question de la maltraitance, s’agit-il d’un problème à considérer dans le cadre d’une évaluation dans le domaine de la santé ou dans celui de la « violence », de la « délinquance » ? Le projet de convention cadre du CUCS de Saint-Malo parle de « violences intra-familiales conjugales » qui peuvent prendre « différentes formes ». Quelles sont les causes de cette violence : un mal-être psychologique dont les causes peuvent être multiples : précarité économique, « maladie » psychiatrique…, l’alcoolisme ? Ou bien cette violence est-elle la résultante de facteurs liées à une situation économique précaire associée à la « maladie », à une tendance à l’alcoolisme, elle-même conséquence des facteurs précédents. Nous avons fait le choix de considérer les « violences conjugales » comme relevant du domaine de la santé, dans le sens où nous traiterons plus tard des phénomènes de violence tels que définis institutionnellement et qui sont plus de l’ordre de la « délinquance « et de l’ « incivilité » comme nous le verrons.

La « misère sociale, économique, mais aussi affective et mentale » que l’on rencontre à la Découverte entraîne des « attitudes et des comportements violents », une « violence généralisée subie par les enfants à l’intérieur de la famille, entre adultes » (Le Goaziou, 2001).

A la Découverte, « contrairement à d’autres quartiers d’un type proche, la population est davantage apathique, repliée sur elle-même et anomique (manque de lien et d’interactions sociales […] La violence est plutôt tournée contre soi-même et ses proches. » On se réfugie dans la plainte, l’acrimonie, le laisser-aller, la passivité »(Ibid, 2001).

Cette violence à l’intérieur des ménages est, certes, présente à la Découverte, mais comment se manifeste-t-elle et dans quelle proportion ?

Nous avons effectivement abordé cette question des « souffrances psychologiques » lorsque nous avons abordé les questions d’éducation, mais ce rappel pour dire que l’on constate une « augmentation du nombre d’enfants en souffrance psychologique », d’enfants qui « expriment un mal être » entraînant des difficultés d’ordre comportemental, à l’école notamment, lieu où ce genre de constats peuvent s’effectuer » (CUCS, 2006).

On signale également que les « habitants » du quartier ont un réflexe quasi pavlovien, qui consiste à faire appel aux services des urgences de l’hôpital de Saint-Malo plutôt qu’aux médecins généralistes, indépendamment de la nature, de la « gravité » du problème de santé qu’ils rencontrent…(Daniel, 2002)
In fine, les « diagnostics santé » pour le quartier ne sont pas fondés sur des moyennes statistiques. Au mieux, ceux-ci se résument à quelques remarques générales qui ne permettent pas finalement de se faire une idée vraiment précise sur « la santé des habitants » malgré quelques faits mis en avant…Seulement si ces remarques peuvent avoir une valeur encore, faudrait-il pouvoir faire « le bilan de santé » des habitants dans d’autres secteurs de la ville. En effet, seul parler de santé dans une perspective comparative avec d’autres quartiers pourrait affirmer ou infirmer l’hypothèse d’un « quartier » où de « nombreux habitants » sont ou ne sont pas dans une situation sanitaire précaire…

e- La « délinquance » sur le territoire de la Découverte : une prénotion déjà construite ?

Il importe, dans un premier temps, de replacer dans une perspective historique la « notion » de violence et celle de délinquance, qui semble être aujourd’hui un avatar de cette première notion. Le sociologue allemand Norbert Elias et l’historien Robert Munchembled ont montré que la « violence », telle qu’elle existe à notre époque est le fruit d’une construction étalée sur quatre siècles (Vieillard-Baron, 2001). Ces auteurs ont montré que cette violence n’a cessé de diminuer durant cette période. Ainsi, « même si le sentiment d’insécurité est très fort dans les quartiers « difficiles » de France, le sang toute proportion gardée y coule peu. Il y a une sorte d’inversion structurelle : les crimes de sang ont Cette violence à l’intérieur des ménages est, certes, présente à la Découverte, mais comment se manifeste-t-elle et dans quelle proportion ?

Nous avons effectivement abordé cette question des « souffrances psychologiques » lorsque nous avons abordé les questions d’éducation, mais ce rappel pour dire que l’on constate une « augmentation du nombre d’enfants en souffrance psychologique », d’enfants qui « expriment un mal être » entraînant des difficultés d’ordre comportemental, à l’école notamment, lieu où ce genre de constats peuvent s’effectuer » (CUCS, 2006).

On signale également que les « habitants » du quartier ont un réflexe quasi pavlovien, qui consiste à faire appel aux services des urgences de l’hôpital de Saint-Malo plutôt qu’aux médecins généralistes, indépendamment de la nature, de la « gravité » du problème de santé qu’ils rencontrent…(Daniel, 2002)
In fine, les « diagnostics santé » pour le quartier ne sont pas fondés sur des moyennes statistiques. Au mieux, ceux-ci se résument à quelques remarques générales qui ne permettent pas finalement de se faire une idée vraiment précise sur « la santé des habitants » malgré quelques faits mis en avant…Seulement si ces remarques peuvent avoir une valeur encore, faudrait-il pouvoir faire « le bilan de santé » des habitants dans d’autres secteurs de la ville. En effet, seul parler de santé dans une perspective comparative avec d’autres quartiers pourrait affirmer ou infirmer l’hypothèse d’un « quartier » où de « nombreux habitants » sont ou ne sont pas dans une situation sanitaire précaire…

e- La « délinquance » sur le territoire de la Découverte : une prénotion déjà construite ?

Il importe, dans un premier temps, de replacer dans une perspective historique la « notion » de violence et celle de délinquance, qui semble être aujourd’hui un avatar de cette première notion. Le sociologue allemand Norbert Elias et l’historien Robert Munchembled ont montré que la « violence », telle qu’elle existe à notre époque est le fruit d’une construction étalée sur quatre siècles (Vieillard-Baron, 2001). Ces auteurs ont montré que cette violence n’a cessé de diminuer durant cette période. Ainsi, « même si le sentiment d’insécurité est très fort dans les quartiers « difficiles » de France, le sang toute proportion gardée y coule peu. Il y a une sorte d’inversion structurelle : les crimes de sang ont Malo proches géographiquement : L’ enquête permanente Conditions de vie-vie de quartier menée sur le thème Vous et votre quartier réalisée auprès de 1000 ménages répartis dans les quartiers de la Découverte, Bellevue et la Madeleine, en partenariat avec l’INSEE et la ville de Saint-Malo et publiée en 2002.

A propos du quartier de la Découverte, les diagnostics relatifs à la vie dans le quartier font état d’un certain nombre de faits qui font sens, si l’on suit les critères fixés institutionnellement pour décrypter la délinquance et les actes d’incivilité. Mais la délinquance sur la commune de Saint-Malo est « diffuse et non concentrée sur le quartier de la Découverte » (Daniel, 2002).

Cependant, il existe des phénomènes récurrents qui « troublent la vie de quartier : des actes de délinquance des occupants du terrain des gens du voyage » situé dans le secteur de l’Espérance. On fait état d’ « une lutte continuelle » qui « nécessite un travail à l’échelle de l’agglomération, voire du pays ».

Des « troubles de voisinage » semblent aussi très fréquents (Ibid., 2002). Par suite, différents dispositifs ont été mis en place à l’échelle du quartier à la fois par le bailleur, l’OPAC Emeraude Habitation, qui « intervient sur le quartier après chaque plainte déposée »(sic) et, dont les interventions sont en constante augmentation depuis 1994, par la police municipale avec des « équipes de soirées » et par l’association Le Goëland qui grâce à ses éducateurs de rue a su créer des « relations avec les jeunes se regroupant en bas d’immeubles »(Ibid., 2002).

En 2001, d’après L’ enquête permanente Conditions de vie-vie de quartier, le « manque de sécurité » est « le premier facteur d’insatisfaction » à la Découverte comme dans les deux autres quartiers étudiés. Cependant, « si à Bellevue et à la Madeleine plus de 80 % des habitants trouvent leur quartier sûr, à la Découverte seul un habitant sur deux est de cette avis ». « Les personnes âgées d’au moins 60 ans sont plus confiantes » sur l’ensemble des trois quartiers : 82 % d’entre elles trouvent leur quartier sûr » mais « seulement » 68 % à la Découverte.

Ce « sentiment d’insécurité » varie selon la durée d’occupation du logement : « parmi les personnes installées depuis longtemps (avant 1980), 80 % trouvent leur quartier sûr ; à l’inverse, celles arrivées récemment (après 2000) ne sont que 60 % dans ce cas. Or, les nouveaux arrivants habitent le plus souvent en HLM : six ménages sur dix arrivés après 1995 habitent un logement social ». Cette remarque est formulée pour l’ensemble des trois quartiers.

De manière générale,-nous sommes effectivement avec cette enquête dans une appréhension globale des faits sociaux-dans les trois quartiers « enquêtés », les causes du « sentiment d’insécurité » émanent « surtout de diverses détériorations constatées par 46 % des personnes interrogées : boîtes aux lettres endommagées, ascenseurs ou éclairage mal entretenus, façade abîmée, tags, caves et celliers pas sûrs ou condamnés… ». En outre, environ « 1/3 des ménages qui vivent en immeuble se plaignent de rassemblements trop fréquents dans les halls ou les d’escaliers ». Sur le quartier de la Découverte « presque sept ménages sur dix » déclarent que « des espaces publics ou du mobilier urbain ont été détruits ou détériorés ces dernières années ». A la Bellevue ou à la Madeleine, c’est seulement « un ménage sur deux » qui se plaint de cet état de fait. Le mot « immeuble » utilisé ici mérite d’être précisé ; il s’agit autant de « collectifs » du parc privé ( quasi inexistants à la Découverte) que du parc de logements publics. Aussi, les habitants du parc HLM sont 61 % à se plaindre à ce niveau contre 44 % dans le privé.

Concernant, le « sentiment d’insécurité » considéré à partir du « vécu » des habitants, il n’y a pas de données pour la Découverte. En revanche, à l’échelle des trois quartiers 9 % des habitants disent avoir été victimes « d’agressions ou d’actes de violence (en 1999 ou en 2000)». Reste à savoir ce qui se cache sous ces termes « agressions ou actes de violence ». On nous dit 70 % de ces agressions sont uniquement verbales mais que « pour 4 % de la population il y a eu coups et blessures ».

Le bruit est « le deuxième facteur d’insatisfaction des habitants » des trois quartiers. Il est dit qu’il « joue un rôle dans le sentiment d’insécurité », les « nuisances sonores dues à la circulation, les voisins ou les salles de spectacle » en sont les causes. A la Découverte, 75 % des habitants de plaignent d’ « au moins une de ces nuisances » contre 40 % des ménages interrogées dans les deux autres quartiers. L’enquête nous dit, à propos de la Découverte que « la mauvaise isolation des logements peut expliquer la situation dans un quartier où les logements sociaux sont nombreux. » L’équation logements sociaux égal mauvaise isolation est ainsi établie…

Enfin, 60 % des personnes interrogées à la Découverte trouvent leur quartier « agréable à vivre » et 33 % disent que « rien ne les dérangent ». A partir de la moyenne des résultats obtenus sur les trois quartiers, l’enquête constate que « 81 % des habitants le trouvent agréable à vivre » et 45 % déclarent que rien ne les dérange dans leur quartier. On voit, à travers cet exemple que la moyenne statistique n’a pas grande valeur pour montrer un phénomène. Le constat que 81% d’ « habitants » sont satisfaits de leur quartier paraît peu à même de décrire une situation que l’on voudrait appréhender globalement sur trois quartiers tant les écarts, concernant la part de « satisfaits de leur quartier », semblent importants d’un quartier à l’autre. Cette remarque pourrait être généralisée aux autres résultats statistiques évoqués plus haut. Si l‘on s’en tient aux chiffres issus de l’enquête, les habitants du quartier de la Découverte semblent vivre une autre réalité que ceux des autres quartiers…

L’enquête nous précise cependant, et à juste titre sûrement que le fait de trouver son quartier « agréable à vivre », par exemple, varie « en fonction du type d’habitat (HLM ou privé, immeuble ou maison individuelle), du type et du revenu du ménage, du statut d’occupation (propriétaire ou locataires) de l’âge, de la CSP. »

Concernant la présence policière dans les quartiers ; en 2001, c’est « presque deux habitant sur trois » qui trouvent que la police n’est pas assez présente sur le quartier de la Découverte. Dans les deux autres quartiers c’est « environ une personne sur deux » seulement qui se plaint de son absence. (INSEE, 2002). Si l’on en croit les propos qui suivent, les choses semblent avoir été évoluées. Dans un article de la presse locale un individu déclare en effet : « c’est calme ici […] » surtout depuis que les rassemblements « sont interdits » dans les halls d’immeubles « grâce à la loi Sarkozy ». Et puis « la police est beaucoup intervenue » (Pays malouin, février 2007). Ecoutons cependant cet autre individu interrogé, cette fois-ci dans le cadre de notre recherche : « La police et les pompiers font dix fois le tour du quartier dans la journée. » Il continue en disant: « la mentalité du quartier est pourrie […] le soir et la nuit sont mortels : agressions, vols… » Pour cet homme si la police est aussi présente ce n’est pas parce que leur présence est dissuasive mais parce que le nombre d’« agressions » augmentent…

Finalement, ce que nous voulons montrer en présentant ces deux discours d’habitants du quartier, ce n’est pas de voir si effectivement le quartier est plus « calme » qu’il y a quelques années, mais les différents façons dont peut être perçu un phénomène, le « réel »…

Aussi, à quoi est lié véritablement ce sentiment d’insécurité à la Découverte ? La réalité de certains faits n’est pas à mettre en cause, bien que les « actes de violence » selon la formule utilisée par l’organisme en charge de l’enquête sur laquelle nous nous sommes appuyés, se résument le plus souvent à des menaces, des injures.

Cependant, « l’image » du quartier souvent « désastreuse » qui est renvoyée aux habitants-nous évoquerons cet aspect plus loin- ne contribue-t-elle pas à influencer leur jugement sur leurs lieux de vie ? Autrement dit, les « habitants » de la Découverte s’approprient-ils les stéréotypes véhiculés au sujet de leur quartier au point de dicter leur discours ?

f- Essai d’approche graphique

Il nous a semblé intéressant de confronter l’approche graphique, désignée sous l’expression de « sensibilité spatiale », pour la mesure de la ségrégation décrite dans la première partie de cet exposé à la réalité sur le quartier de la Découverte. Nous avons précédemment évoqué un certain nombre d’éléments mettant en évidence qu’il existe sur le quartier de la Découverte un certain nombre de faits qui font sens et qui particularisent ce quartier dans la ville de Saint-Malo. L’utilisation d’indicateurs socio-économiques reste, malgré la limite de cette approche, une façon somme toute pertinente d’appréhender la « mesure » de la ségrégation sur un espace donné. La difficulté d’envisager la ségrégation de cette manière réside, cependant, dans le choix d’indicateurs suffisamment discriminants pour mettre en évidence tel phénomène.

Pour réaliser le graphique qui suit, nous avons fait appel à un ensemble d’éléments statistiques, commentés, en partie, plus haut dans notre travail. Nous avons suivi la méthode décrite par Vieillard-Baron qui consiste à mettre côte à côte un ensemble d’indicateurs liés à un territoire, relatifs entre autres aux CSP, à la démographie, au niveau scolaire mais aussi à la nature des revenus en incluant dans notre graphique la part des bénéficiaires de minima sociaux comme le RMI. Les sources proviennent principalement des enquêtes INSEE www.insee.fr/fr/region/rfc/ficdoc_frame.asp?ref_id=5564&doc_id=5436 (enquête de l’INSEE, Saint-Malo : trois quartiers évalués par leur habitants, Novembre 2002),
www.insee.fr/fr/insee_regions/bretagne/rfc/docs/Oc91art4.pdf (enquête de l’INSEE sur la sociabilité dans le quartier de La Découverte à Saint-Malo).

Ce choix est justifié par le fait que ces sources sont les plus complètes que nous ayions pu trouver à un temps t. Enfin, certains indicateurs n’ont pu être utilisés, car nous ne disposions pas de données à la fois relatives au quartier étudié et à l’ensemble de la commune : les indicateurs en matière de santé ou de délinquance. Si des données existent pour le quartier de la Découverte, nous n’avons, en tout cas, pas pu avoir accès des données suffisamment importantes sur l’ensemble du territoire communal, au moins au moment où nous avons voulu fixer « l’instantané » de la représentation graphique, en l’occurrence l’année 2002.

De plus, nous avons sélectionné 12 indicateurs, au lieu des 7 préconisés par les auteurs de la méthode. Nous avons exclu le critère « servitude spatiale », relatif à la situation d’enclavement du territoire étudié, pour le remplacer par d’autres indicateurs, tels que la part des ménages ne possédant pas de véhicule. La raison en est que nous n’avons pas pour cette étude les moyens de calculer ce fameux indice de servitude spatiale.

Par ailleurs, un tel graphique n’a déjà en soi qu’une valeur limitée et qui plus est n’a aucun sens si l’on s’en tient à une seule représentation graphique relative à un quartier, sans que celle-ci fasse l’objet d’une comparaison. Nous avons donc fait le choix, dans un premier temps, de confronter deux graphiques : un pour le quartier de la Découverte et un autre pour la ville de Saint-Malo, tous quartiers confondus.

En outre, cette autre remarque, pour dire que si l’approche détaillée par Vieillard-Baron dans son ouvrage Les Banlieues, des singularités françaises aux réalités mondiales, Carré géographie, Hachette Supérieur, 2001, se nomme sensibilité spatiale, les indicateurs retenus pour notre étude sont exclusivement des indicateurs sociaux. Il serait donc judicieux, dans notre cas, de désigner plutôt le schéma obtenu par la confrontation des 12 indicateurs choisis, sous l’expression de mesure de la « sensibilité sociale ».

Pour finir, le schéma doit être compris comme une tentative de mesure de la ségrégation d’un territoire, replacé tout d’abord dans un contexte particulier ; ici la ville de Saint-Malo. De plus, la situation démographique et socio-économique des territoires sélectionnés est représentée visuellement de telle sorte que le polygone formé par les différentes liaisons entre indicateurs sur le graphique doit rendre compte du fait que plus la forme géométrique est « décentrée » plus la situation de « ségrégation » est prononcée. Aussi, il ne s’agit pas de considérer ce graphique comme un constat mettant en évidence l’existence « d’une ségrégation » pour le quartier de la Découverte, mais de simplement montrer qu’à l’échelle de la ville celui-ci se différencie…

En outre, cette comparaison est insuffisante. Une comparaison avec un « quartier » de la commune présentant a priori des similitudes au niveau démographique, social et économique serait envisageable pour voir si réellement le quartier de la Découverte est celui qui présente la situation la plus « marginale ». Aussi, une étude comparative avec un secteur de la ville présentant la situation la plus contrastée par rapport à la Découverte serait encore sans doute plus pertinente…

Doc. :

La sensibilité sociale de la ville de Sain-Malo. Lemonnier, 2007
La sensibilité sociale du quartier de la Découverte. Lemonnier, 2007

4- L’ espace urbain de Saint-Malo dessine-t-il une hiérarchie sociale ?

a- L’opposition classique ZUP/ quartiers centraux est-elle suffisante pour décrypter la réalité socio-spatiale à Saint-Malo ?

La ville de Saint-Malo se caractérise par son organisation multipolaire, fruit de la rencontre des « communes » de Saint-Malo : les centres historiques de l’Intra-Muros, de Saint-Servan et de Paramé. Autour, des dynamiques de complémentarité, voire de concurrence entre ces trois pôles se sont développés le port, les zones industrielles, les faubourgs, les secteurs pavillonnaires, ou encore les quartiers constitués pour une grande part de logements collectifs.

L’organisation spatiale de la ville de Saint-Malo repose donc sur 3 couronnes ou « auréoles » qui se sont développées autour des centres historiques que sont le quartier Intra-muros ou le rocher d’Alet (Saint-Servan):

«
-les secteurs centraux autour des pôles urbains
-les quartiers qui se développent entre 1880 et 1940 sous l’impulsion du « balnéarisme »
-les territoires péricentraux constitués de quartiers d’habitat ou de zones commerciales ou industrielles » (DAUF, 2006)

Si effectivement, le regroupement des trois communes : Saint-Malo (essentiellement le quartier historique « Intra-Muros »), Paramé, Saint-Servan n’intervient qu’en 1967, nous utiliserons le terme de « quartier » pour désigner l’une de ses zones, même si on les évoque dans un contexte précédant la formation du « grand » Saint-Malo.

Un fait avéré, quant à la répartition des catégories sociales, est que celles-ci sont inégalement réparties sur l’espace urbain de Saint-Malo (PLU, rapport de présentation, 2006).

Sans vouloir corréler exagérément chaque zone d’habitat, chaque quartier, avec une catégorie sociale précise, nous pouvons dégager à grands traits quelques tendances lourdes concernant la configuration socio-spatiale de la ville de Saint-Malo.

Ainsi, les cadres sont-ils majoritairement regroupés dans les quartiers de Rothéneuf, Rochebonne, Paramé-centre, le Sillon, Saint-Servan Ouest, c’est-à-dire sur la façade littorale de la ville. Les professions intermédiaires ont une localisation préférentielle également dans les « quartiers littoraux » et la grande majorité des ouvriers résident dans les quartiers où l’habitat social est prépondérant, c’est à dire essentiellement sur le quartier de la Découverte et dans une moindre mesure à Marville ou Bellevue. Les employés occupent l’espace urbain de manière plus homogène, avec cependant une plus forte présence dans des « quartiers résidentiels » : la Gare, Rocabey, Saint-Ideuc ou Paramé sud (DAUF, mars 2006).

Les quartiers littoraux ont toujours été les territoires d’élection de la haute société locale. « L’investissement bourgeois succède aux premières implantations aristocratiques de la pointe de Rochebonne ». En effet, la croissance urbaine de la ville répond au XIXe siècle aux « désirs bourgeois du second empire » (Delignon-Lemonnier, 1999). Le « quartier » du Sillon ou celui de l’actuel Paramé, quasiment créé ex-nihilo à partir d’un petit bourg rural transformé en station balnéaire au XIXe siècle -période d’essor du tourisme balnéaire- voit s’agréger une population exogène, le plus souvent parisienne (Ibid., 1999). L’organisation spatiale de ces quartiers et l’architecture même des premières demeures témoigne de cette influence de la capitale quant aux choix urbanistiques et architecturaux locaux dans cette zone.

Dans une perspective historique élargie, la ville s’est vu constituer, depuis le XVIIe siècle, un patrimoine architectural de « grande valeur » localisé principalement à l’intérieur des périmètres des premiers foyers d’urbanisation. Aussi, pour une présentation –qui reste cependant succincte- de ces éléments qui ont fortement contribué à marquer « l’identité » et « l’image» de la ville, forgées par la noblesse et la haute-bourgeoisie locales, nous citerons :

« -les propriétés et maisons de type malouinières et gentilhommières ou manoirs : 110 demeures de ce type recensées sur la commune
-les maisons d’architecture représentative de la fin XIXe et de la première moitié du XXe siècle parmi lesquelles :

-des propriétés d’inspiration irrégulière
-des maisons dites d’inspiration balnéaire
-des maisons de types villas, hôtels particuliers, maisons bourgeoises
-des maisons et immeubles de ville souvent implantées en retrait de la chaussée et participant au dessin de la rue »(DAUF, 2006).

Le quartier Intra-Muros est perçu au XIXe comme un espace indésirable, ceci étant lié à l’insalubrité de cette zone aux ruelles étroites et aux logements décrépis. L’image de ce dernier a aujourd’hui largement évolué consécutivement à sa destruction quasi-totale à la fin de la seconde guerre mondiale et à sa reconstruction qui a suivi -les poches d’insalubrité ayant définitivement été annihilées- au point où le « marketing » territorial destiné à la promotion touristique hésite peu à réduire la ville de Saint-Malo à cet espace circonscrit qu’est la « ville fortifiée »…(cf sites internet de la Ville de Saint-Malo).
La création ex nihilo de la station balnéaire de Paramé au XIXe siècle est à rapprocher de celles de Dinard, commune voisine ou d’autres stations telles que Deauville ou Biarritz par exemple. Le quartier du Sillon « correspond à la station devant s’intégrer à ‘l’existant’ ». Il s’agit dans ce dernier cas d’un « quartier » construit à proximité des remparts de Saint-Malo Intra-Muros (Delignon-Lemonnier, 1999).

Un fait plausible est donc que le « processus d’agrégation des grands bourgeois » (ADEF, 2004) a été aussi à l’oeuvre dans certains quartiers de Saint-Malo. Ce « collectivisme grand-bourgeois » aurait entraîné dans certains secteurs de la ville : Paramé-Rochebonne, le Sillon par exemple une « mise en commun des richesses accumulées » dans le sens de « cumulativité des dimensions de la fortune, économique mais aussi sociales, culturelles et symboliques […] favorisée par le rapprochement spatial des familles » (Ibid., 2004). On pourrait parler à propos des « quartiers » de Rothéneuf, Rochebonne ou du Sillon de « stigmate spatial positif de la grande bourgeoisie », a priori.

Cependant, une étude fine sur les stratégies d’agrégation, sur le « grégarisme » éventuels des classes de la haute société malouine actuelle et ancienne est à faire… Existe-t-il des « cercles », des « réseaux » qui seraient réservés à une « élite malouine » par exemple?

Mais, un ensemble de facteurs, tels le marché du foncier et de l’immobilier, dans ces secteurs laissent présager une dynamique socio-spatiale conduite par une logique d’entre-soi choisi, laissant entrevoir un mouvement de séparatisme social…

b- Les mécanismes du marché du foncier et de l’immobilier à Saint-Malo à corréler avec le parcours résidentiel des habitants de la ZUS… Vers une sécession urbaine… ?

L’étude de requalification effectuée par l’OPAC Emeraude Habitation en 2002 fait état « des tensions du marché local de l’habitat, un secteur privé onéreux et une absence de d’accession sociale à la propriété à proximité du centre de l’agglomération » (OPAC, 2002). Par ailleurs, l’orientation touristique de la commune entraîne « une rétention des logements à l’année. Les propriétaires préférant louer au prix fort durant la saison estivale », les locations saisonnières représentants environ ¼ du parc locatif privé total sur l’ensemble de la ville (OPHLM, 1990).

Le rapport de présentation du PLU de Saint-Malo signale en outre que la commune présente « 77 % de résidences principales, 18 % de résidences secondaires sur la côte, principalement, et 5 % de logements vacants.» A l’échelle des quartiers si l’on compare deux secteurs où la situation socio-économique de leurs habitants semblent être la plus contrastée : La Découverte et la zone de Rothéneuf-Le Pont, les caractéristiques de leur parc de logements les situent aux « antipodes » l’un de l’autre. Ainsi, à la Découverte nous trouvons « 95 % de résidences principales et 0,80 % de résidences secondaires ». Dans le quartier de Rothéneuf « 51 % de résidences et 45 % de résidences secondaires sont recensées ».

En Mars 2007, l’hebdomadaire le Pays malouin titre « Les chiffres records de l’immobiler » à Saint-Malo appuyés par un dossier sur les prix de l’immobilier et le foncier dans le Pays de Saint-Malo en pages centrales. L’ensemble des données ayant permis l’élaboration du dossier proviennent de ces sources : Les Notaires de l’Ouest et Notaires de France-Perval. Le premier constat qui ressort de ces articles est que « les prix moyens [de l’immobilier] dans le pays de Saint-Malo dépasse allègrement la moyenne départementale et régionale. » Si Dinard, la commune voisine, reste « la plus chère du département avec un prix au mètre carré qui s’élève à 3463 euros » pour l’achat d’un appartement ancien(12), Saint-Malo figure en bonne place avec dans le « classement » des villes « les plus chères du département » avec un prix de 2685 euros au mètre carré pour le même type de bien.

« Les Franciliens et les retraités représentent respectivement 20 % et 25 % des acquéreurs d’appartements anciens dans le pays de Saint-Malo […] Les étrangers (4 %) des acquéreurs disposent d’un budget très supérieur à celui d’un local : 278000 euros contre 146700 euros. » Ce qui viendrait appuyer la thèse formulée par un habitant de Saint-Malo selon laquelle, nous citons : « les Malouins et les habitants des communes alentours seraient dépossédés de leur ville. »

Le prix d’achat des appartements neufs semblent en recul (-1, 4%) mais cette situation serait davantage due à « la situation des programmes de construction dans les terres qu’à un réel fléchissement du marché. » D’après les données rapportées par la presse locale les acquéreurs de maisons anciennes « proviennent d’un secteur extérieur, notamment de Paris » pour 56 % d’entre eux. A ceci il faut ajouter que « les retraités investissent en masse en bord de mer (20 % des acquéreurs) » et que « par contre les ouvriers n’ont que rarement les moyens de s’offrir une maison sur le littoral (5 % des acquéreurs) ».

Enfin, ce fait signalé « un bien s’achète 198600 euros à la Madeleine contre 414300 euros sur le Sillon ou à Rothéneuf » nous montre les variations très sensibles, a priori, du prix d’achat d’une maison ancienne selon les quartiers de Saint-Malo. Le prix du foncier dans le Pays de Saint-Malo est également présenté comme « inaccessible » pour une « bonne part » de la population locale avec « un terrain de 811 m² [qui] s’acquiert 107100 euros contre 53800 euros en Ille et Vilaine. » Enfin, la « flambée » des prix de l’immobilier depuis 2002 semble avoir définitivement destiné l’achat d’un bien dans le « secteur de Saint-Malo » aux catégories sociales « très aisées ». Ainsi, si effectivement cette augmentation des prix du logement touche l’ensemble du département avec une augmentation de 53 % en 4 ans pour « le prix d’achat moyen d’un bien immobilier », dans le Pays de Saint-Malo elle prend des allures de « surenchère ».

En 2002, un « appartement 3 pièces » dans les quartiers d’Intra-Muros ou de Saint-Servan à Saint-Malo pouvait s’acquérir à 100000 euros ; en 2006, il faut investir près du double pour se procurer un tel bien. Cette situation touche cependant l’ensemble du « Pays ». En 2002, il était possible d’acheter une maison de 3 pièces dans le « secteur de Dol » pour 50000 euros. En 2006, ce prix couvre l’achat d’un studio à Château-Malo, quartier résidentiel périphérique de la ville de Saint-Malo…

Aussi, cette situation nous renvoie à la problématique posée dans la première partie de ce mémoire de recherche : est-ce l’usage du sol qui précède le prix du foncier et de l’immobilier ou bien l’inverse ? Un élément de réponse nous est fourni dans l’observation -rapide car impossible à étudier précisément dans le cadre de cette recherche du fait des « contraintes » temps inhérente à une recherche de DEA/Master 2 d’une part, et des objectifs fixés dans ce cadre : « questionner » et ouvrir des pistes de recherches futures pour le « décryptage » d’éventuels phénomènes ségrégatifs sur l’espace étudié- des dynamiques de peuplement des quartiers « historiques » de Saint-Malo (Cf partie II-4-a).

A la vue des prix de l’immobilier pratiqués dans le « secteur de Saint-Malo » comment imaginer un parcours résidentiel « positif » -l’utilisation de ce terme n’ayant pas de connotation ayant valeur de jugement mais répond plutôt à un « souhait » formulé par certains habitants de Saint-Malo et notamment de ceux de la ZUS et pouvant se matérialiser par l’accession à des formes de logements autre que celle du logement locatif social ou par la « migration » vers d’autres secteurs de la ville ou de l’agglomération- pour les plus « défavorisés » des habitants de Saint-Malo ?

Ce « souhait » a été formulé par un habitant de la Découverte de cette manière : « Je veux partir d’ici. J’en ai marre, mais je n’ai pas les moyens de faire autrement » Les dires de cette femme locataire d’un logement social à la Découverte illustre ce « choix » aussi par défaut du quartier de la Découverte comme lieu de vie : « Je n’ai pas choisi…La Découverte n’est pas recherché pour le logement…C’est le premier logement libre qu’on m’a donné…J’ai pas eu le choix… » Cependant , d’autres avis divergents des propos ci-dessus ont été également recueillis dans le cadre de cette enquête. Il ne s’agit donc pas de dire que « tous » les habitants exècrent leur quartier et veulent le quitter, mais qu’il existe des personnes aspirant à « autre chose » que le logement et le « cadre de vie » qui leur a été imposé…

Aussi, comment se positionne les acteurs institutionnels du « Pays de Saint-Malo », face à cette situation du logement ? Y-a-t-il une solution à l’échelon de l’intercommunalité comme constituer des réserves foncières pour le logement locatif social ou l’accession sociale à la propriété ? Mais comme le précise ce qui suit, le thème de l’ habitat « est l’objet d’enjeux tellement antagonistes qu’il s’éloigne plus qu’il ne rapproche les communes » (Madoré, 2004)

La réponse à ce niveau, précisément au niveau de la Communauté d’agglomération du Pays de Saint-Malo paraît en effet jusqu’à présent timorée…Le logement social représente pour l’instant seulement « 0,8 % des dépenses d’investissement, contre 27,9 % pour les déchets et l’environnement et 7,3 % pour les transports » à l’échelle de la Communauté d’agglomération du Pays de Saint-Malo, qui regroupe 18 communes en 2007.

Le Plan Local de l’Habitat (PLH) dont l’élaboration s’achèvera à la fin de l’année 2007 se veut être la solution à « l’envolée » des prix du foncier à Saint-Malo et dans les communes avoisinantes. René Couanau, président de Saint-Malo agglomération a pu déclaré ainsi : « Ce n’est qu’un début. C’est l’amorce de notre politique en matière de logements, une nouvelle compétence qui va se développer dans les années à venir avec la mise en oeuvre du Plan local de l’habitat » (Ouest-France, avril 2007).

Ce programme, qualifié de « sans précédent » par le maire de Saint-Malo inclura l’opération de rénovation urbaine à la Découverte avec une « reconstitution de l’offre » en matière de logement, se traduisant par des démolitions/reconstructions, permettant de proposer 211 logements neufs avec environ 70 logements supplémentaires à l’intérieur du « périmètre ANRU » (DAUF, 2006).

La plaquette de présentation du Projet de renouvellement urbain du quartier Découverte-Espérance précise que les opérations de construction conduiront à faire une large part à l’accession à la propriété : « 61 % des logements reconstruits » , « le locatif libre » et le « locatif social » représentant respectivement 24 % et 15 % des logements construits. On précise de plus que « en partie centrale, les nouvelles constructions, en accession, [donneront] toutes sur le mail central vert, ce qui [augmentera] considérablement leur valeur résidentielle… »

L’ objectif avoué du projet est donc « une densification du quartier qui répond à une nécessaire mixité sociale »… (DAUF, 2006). Le Projet de renouvellement urbain s’annonce déjà clairement comme la solution au « rééquilibrage nécessaire [ du taux de logements sociaux entre les quartiers]… »

Bien que nous serions tentés d’affirmer que les ménages les plus modestes ont un parcours résidentiel « limité », il semble exister toutefois un ensemble de faits mis en évidence par des auteurs comme C. Bonvalet, Jacques Chevalier ou Daniel Pinson qui contredise cette idée : « même les ménages les moins bien dotés en capital économique et culturel ont une capacité[…] à développer des stratégies résidentielles »(Madoré, 2004)…

« Les modes d’habiter oscillent entre des formes de préservation et de repli communautaire dont certaines ne sont pas subies mais au contraire souhaitées » (Ibid., 2004). Si le « repli communautaire » dont il est question dans ces propos se conjugue sur un mode ethnique, pourrait-il exister des stratégies d’agrégation à la Découverte reposant sur d’autres critères- sachant que les « 1,2 % d’étrangers » recensés sur le quartier incite peu à penser, dans un premier temps, l’existence d’un phénomène de type « regroupement ethnique »- mais c’est surtout l’interdiction du « comptage ethnique » en France qui empêche finalement d’évaluer par exemple le nombre de français issus de l’immigration « récente » qui seraient « tentés » par une stratégie d’agrégation, reposant sur le sentiment d’appartenance à un même groupe culturel. On perçoit ici toute l’ambiguïté voire le non-sens de l’expression « français issu de l’immigration » à laquelle on se sent forcés d’ajouter le qualificatif « récente », au regard de l’histoire du peuplement de la France faite de nombreuses invasions ou migrations, et la difficulté d’essayer de mettre éventuellement en évidence des regroupement de type ethnique ou communautaire sur le quartier objet de notre étude.

Par ailleurs, l’urbanisation de la commune longtemps contenu à l’Est à hauteur de l’avenue du Général de Gaulle progresse surtout depuis deux décennies. Le phénomène de périurbanisation que connaît la ville a aboutit à la création de nouvelles zones pavillonnaires et de zones commerciales et d’activités bien au-delà de ce désormais ancien espace périphérique qu’a pu constituer le quartier de la Découverte jusqu’aux années soixante-dix environ. Si l’espace rural de la commune doit subir les pressions de ce mouvement d’extension urbaine, la zone littoral est quant à elle soumise à une réglementation « sévère » pour la protection des espaces naturels renforcée par les dispositions du (récent) PLU de Saint-Malo, devant conduire à la création de « nouvelles zones naturelles, pour pérenniser les coupures d’urbanisation [et] pour une protection accrue des éléments du paysage » (DAUF, 2006).

Cette « protection accrue de l’environnement » se traduit par la fermeture à l’urbanisation de certains secteurs. En autres secteurs concernés par ces dispositions nous citerons « l’ancienne zone d’urbanisation IINAEe entre Quelmer et le Bas Quelmer [qui est désormais] classée en zone de protection du paysage NPp » ou bien encore le secteur de la Montagne Saint-Joseph, limitrophe du quartier de la Découverte-Espérance « auparavant classé en zone INA […] aujourd’hui désormais classé majoritairement en zone NPp de façon à préserver cet élément naturel »(Ibid., 2006).

Sans vouloir remettre en cause la nécessité de « protéger » certains « sites remarquables » de la commune, on peut se demander dans quelle mesure ces réglementations pour une « meilleure prise en compte des périmètres de la ZPPAUP » dans sa dimension « protection du patrimoine naturel », « surfant » sur cette vague environnementaliste évoquée dans la première partie de ce mémoire affecteront le parcours résidentiel de certains habitants de la commune, dans le sens où ces dispositions limitent les « possibilités » de construction de logements dans certains secteurs ?

Quoiqu’il en soit les secteurs à haute valeur foncière à l’échelle de la commune de Saint-Malo : Rothéneuf, Rochebonne, le Sillon par exemple, s’ils sont déjà presque impossible à investir par les « classes moyennes » de la commune, semblent définitivement hors d’atteinte des ménages de la ZUS et de la Découverte plus précisément…Cette question surgit alors presque d’elle-même : peut-on loger les « plus démunis » sur des espaces à haute valeur foncière ? Est ce que s’interroger sur cela à un sens par ailleurs, au vu de l’évolution actuelle de certains mécanismes –celui du foncier en premier- qui semblent plus que jamais tenir à distance certaines populations de territoires que l’on serait tentés de croire définitivement acquis à un ou des « groupes de privilégiés »…

Mais nous pouvons aussi penser que « la conquête d’un lieu par un groupe social n’est jamais définitivement acquise » du fait des « politiques de remodelage des quartiers »… « Les classes dominantes elles-mêmes, alors qu’elles possèdent les atouts leur garantissant les places les plus conformes à leur position sociale », ne sont pas à l’abri d’une remise en cause de leurs choix en matière de localisation de leur lieu d’habitat. « Générée en leur sein, celle-ci a sa source dans les concurrences et les contradictions qui opposent les unes aux autres les différentes fractions des élites » (Magri in La ville : agrégation et ségrégation sociales, L’Harmattan, 1996)…

c- Essai de représentation cartographique de la géographie socio-résidentielle de Saint-Malo. Un approche par « secteur » à privilégier…

A partir des éléments présentés précédemment nous avons pu établir l’esquisse d’une représentation des caractéristiques sociales des principaux secteurs de la ville de Saint-Malo. Il ne s’agit pas ici de réaliser une carte définitive corrélant certains secteurs de la commune avec le statut social de leurs habitants mais de simplement dégager à grands traits les caractéristiques de ces zones d’habitat à partir des données fournies par recensement INSEE RGP 1999, des « faits » mis en avant par notamment le rapport de présentation du PLU de Saint-Malo et de la lecture historique des dynamiques de peuplement de la ville.

Encore une fois, précisons que vouloir constituer une géographie socio-résidentielle demande une échelle d’analyse plus fine. L’homogénéité sociale des secteurs cartographiés n’est, a priori, qu’ apparente…Nous avons, par ailleurs, privilégié une approche par « secteur » -elle même discutable de toute évidence- plutôt que par quartier pour montrer dans un premier temps d’analyse de la configuration socio-spatiale de la ville que les statuts sociaux des habitants des quartiers sont beaucoup plus diversifiés par rapport à ce qu’ une approche par quartier laisserait présumer. Cette dernière masquerait finalement la variété des situations rencontrées à l’intérieur d’un tel périmètre, défini « artificiellement » pour les besoins de certaines études statistiques…

Dans cette optique, quelques précisions sont sans doute bienvenues pour la « lecture » de l’espace socio-résidentiel à Saint-Malo. Nous pouvons affirmer, par exemple, l’absence d’un parc de logements HLM dans des secteurs comme celui de Rothéneuf ou du Sillon. Néanmoins, par exemple un secteur comme celui de l’Intra-Muros que l’on serait tenté de « catégoriser » comme un espace réservé aux classes sociales « supérieures » et « moyennes » présente un « certain nombre » -le flou de cette dernière formulation est utilisé à escient- de logements sociaux qui fait battre en brèche l’idée d’une zone d’habitat homogène socialement…Il reste que la mise en évidence de micro-segmentations sociales dans chacun des secteurs présentés ici se révèlerait être une tâche ardue car elle nécessite des « sources originales » (Madoré, 2004), révélant d’autres réalités que celles présentées par l’approche globale des méthodes statistiques classiques de recensement…

Erving Goffman, sociologue américain, dont l’oeuvre est consacré à l’étude des interactions entre les acteurs de la vie sociale qu’il considère comme des représentations théâtrales, définit le stigmate ou plus précisément l’individu stigmatisé, comme un « acteur » disqualifié à cause d’un attribut qu’il possède : « Cet attribut constitue un écart par rapport aux attentes normatives des autres et de son identité ». Le stigmate peut être lié à l’appartenance religieuse, ethnique, au genre ou à un groupe social. « L’acteur », selon Goffman, va alors essayer de dissimuler sa « tare » en adoptant un comportement approprié à cet effet. Les interactions entre « normaux » et « stigmatisés » sont alors appelées « contacts mixtes ».

Dans le cadre de notre étude, nous avons pu souligner que l’adjectif « stigmatisé » est fréquemment utilisé dans les études relatives au quartier de la Découverte ; soit pour désigner le quartier lui-même, soit à destination des individus-acteurs qui y résident. Ce mot, comme d’autres, tels celui de « relégation », « disqualification », de « marginaux » sont d’un usage courant dans les études relatives à notre objet d’étude. L’utilisation de ces termes participent à la construction politico-médiatique de la ségrégation, même si ce dernier terme n’est jamais mentionné explicitement dans le cas de la Découverte.

Un vocabulaire semblable et les idées sous-jacentes qui lui sont inhérentes sont alors fréquemment réutilisés par certaines franges de la population ou disons plutôt par « des » individus-car il n’y pas lieu de généraliser de l’existence de préjugés uniquement au sein de classes sociales particulières- qui semblent se satisfaire d’un discours déjà construit autour de la question des « quartiers sensibles », autre « expression-information » largement diffusée…
Si les mots ont un sens et ils ont aussi un « poids »… Ce « poids des mots » qui pèse sur le quartier devient alors progressivement difficile à lester. En ce sens, l’utilisation récurrente de toute cette sémantique dévalorisante et simplificatrice apposent des étiquettes difficilement délébiles sur le front des habitants du quartier…

9 Maurice Rotival, 1935, revue L’Architecture d’aujourd’hui
10 40% des ménages ne sont pas motorisés à la Découverte, INSEE, 2002
11 L’appellation “professions intermédiaires” est une création de la nouvelle nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles. Deux tiers des membres du groupe occupent effectivement une position intermédiaire entre les cadres et les agents d’exécution, ouvriers ou employés. Les autres sont intermédiaires dans un sens plus figuré. Ils travaillent dans l’enseignement, la santé et le travail social; parmi eux, les instituteurs, les infirmières, les assistantes sociales. Plus de la moitié des membres du groupe ont désormais au moins le baccalauréat. Leur féminisation, assez variable, reste en particulier très limitée dans les professions techniques.)
12 le périodique qualifie de maisons et appartements anciens les biens « âgés de 5 ans et plus » et les maisons doivent disposer « de 5 pièces » pour entrer dans cette catégorie

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