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II/ Les méthodes d’indemnisation du conjoint survivant et des enfants

ADIAL

La perte annuelle du foyer est répartie entre le conjoint survivant et les enfants en
capitalisant les pertes individuelles (A), en calculant le préjudice total du foyer (B) ou en
appliquant le principe de la réaffectation au conjoint survivant (C).

A) La capitalisation des pertes individuelles du conjoint et des enfants

La méthode classique consiste à capitaliser sur une base viagère la perte annuelle du
conjoint et à capitaliser sur la base d’un euro de rente temporaire la part des enfants.

Ainsi, le référentiel indicatif régional recommande de capitaliser la perte patrimoniale de
chacun des membres du groupe familial en utilisant le barème de capitalisation publié à la
Gazette du Palais en 2004(118) et de différencier la perte du conjoint survivant qui n’est pas
limitée dans le temps et la perte des enfants qui n’est effective que pendant la période allant
du décès à la date à laquelle ils ne seront plus à charge, c’est-à-dire entre 18 et 25 ans selon la
durée prévisible des études. La perte des enfants peut aussi être indemnisée par une rente
temporaire indexée.

Pour calculer la perte du conjoint survivant, il convient d’utiliser la table de capitalisation des
rentes viagères en fonction de l’âge du défunt au jour du décès. Le référentiel recommande,
s’il y a une grande différence d’âge entre les époux, de prendre pour référence le sexe et l’âge
de celui qui aurait dû décéder le premier statistiquement.

L’inconvénient de cette méthode est que la part d’autoconsommation des enfants est
définitivement perdue à l’issue de la période d’indemnisation temporaire, alors qu’en
pratique, lorsque les enfants prennent leur indépendance, cette part est réaffectée par les
parents à leurs frais fixes, à la thésaurisation ou au maintien d’une aide occasionnelle des
enfants(119).

Appliquons cette méthode classique à l’exemple précédent :

La perte annuelle du foyer est partagée à hauteur de 70 % pour la veuve et 15 % pour chacun
des enfants. L’âge auquel les enfants seront autonomes financièrement est fixé à 25 ans.

– S’agissant du conjoint survivant, sa perte annuelle est égale à 15 600 € x 70 % = 10 920 €.
La table de rente viagère (homme) donne un prix de l’euro de rente de 22,642 pour un homme
de 36 ans. L’indemnité est égale à 10 920 € x 22,642 = 247 250,64 €.

– S’agissant de la fille de la victime, sa perte annuelle est égale à 15 600 x 15 % = 2 340 €. Le
prix de l’euro de rente à 25 ans pour une fille de 8 ans est de 13,354. L’indemnité allouée est
de 2 340 € x 13,354 = 31 248,36 €.

– S’agissant du fils, sa perte annuelle est égale à 15 600 x 15 % = 2 340 €. Le prix de l’euro de
rente à 25 ans pour un garçon de 6 ans est de 14,490. L’indemnité allouée est égale à 2 340 €
x 14,490 = 33 906,60 €.

B) La méthode du préjudice total du foyer

La méthode du « préjudice total du foyer » (120) consiste dans un premier temps à
actualiser la perte annuelle du foyer à la date de la liquidation et à capitaliser sur une base
viagère le préjudice à venir. Ce préjudice comprend les préjudices temporaires des enfants, le
préjudice du conjoint survivant et le préjudice du disponible du foyer permettant de faire face
aux frais fixes. Les préjudices temporaires des enfants sont ensuite calculés en capitalisant
leur perte annuelle sur la base d’un euro de rente temporaire, puis déduits du préjudice total
du foyer pour obtenir l’indemnité allouée au conjoint survivant.

Cette méthode est appliquée par la jurisprudence récente qui admet le calcul du préjudice
viager du foyer et la déduction du préjudice économique des enfants pour obtenir le préjudice
du conjoint survivant(121).

Pour M.C. Gras et B. Guillon, cette méthode permet que la part disponible du foyer, qui
augmente lorsque les enfants prennent leur indépendance économique, reste acquise au
conjoint survivant. Celui-ci peut alors l’affecter à l’épargne ou à la constitution d’un
patrimoine. En outre, le calcul du disponible du foyer est essentiel dans l’hypothèse d’une
indemnisation du préjudice économique d’enfants ayant perdu leurs deux parents dans un
accident, particulièrement lorsque les parents décèdent jeunes sans avoir pu envisager une
acquisition immobilière. Une partie du disponible pourra faire l’objet d’une capitalisation
temporaire allouée à la personne recueillant les enfants et l’autre partie sera capitalisée de
manière viagère pour indemniser les enfants de leur perte de chance de recueillir un héritage
de leurs parents.

Appliquons la méthode du préjudice total du foyer à l’exemple précédent :

– La perte annuelle du foyer (15 600 €) est capitalisée sur la base d’un euro de rente viagère
pour un homme de 36 ans, soit 22,642. Le préjudice viager du foyer est égal à 15 600 € x
22,642 = 353 215,20 €.

– La perte annuelle de chaque enfant est égale à 15 600 € x 15% = 2 340 €.
Le préjudice économique de la fille s’établit à 2 340 € x 13,354 (euro de rente à 25 ans pour
une fille de 8 ans) = 31 248,36 €.
Le préjudice économique du garçon s’établit à 2 340 € x 14,490 (euro de rente à 25 ans pour
un garçon de 6 ans) = 33 906,60 €.

– Le préjudice du conjoint survivant est égal à 353 215,20 – (31 248,36 + 33 906,60) =
288 060,24 €.

C) La réaffectation au conjoint survivant

Le principe de la réaffectation au conjoint survivant est prévu par le Rapport Lambert-
Faivre selon lequel « Il convient de veiller à ce qu’au terme de la rente accordée aux enfants,
la part ainsi libérée soit affectée au parent survivant »(122).

La méthode de la réaffectation de la part des enfants au conjoint survivant(123) a été admise par
un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 26 novembre 2008(124). Elle consiste dans un
premier temps à capitaliser sur une base temporaire jusqu’à l’âge de l’autonomie financière la
perte annuelle des enfants, puis à calculer la réversion au conjoint survivant c’est-à-dire à
capitaliser la perte annuelle sur la base d’un euro de rente viager en fonction de l’âge lors de
l’autonomie économique de l’enfant du conjoint décédé, sauf si le conjoint survivant est plus
âgé. Le préjudice économique total du conjoint survivant est alors obtenu par réaffectation de
la part des enfants en l’ajoutant à la perte capitalisée du conjoint.

Appliquons la méthode de la réaffectation au conjoint survivant à l’exemple précédent :

– Comme calculés précédemment, les préjudices économiques de la fille et du garçon sont
respectivement de 31 248,36 € et de 33 906,60 €.

– Il convient ensuite de calculer la réversion au conjoint survivant.
S’agissant de la part de la fille, le conjoint décédé aurait eu 53 ans lors de ses 25 ans. La perte
annuelle est donc capitalisée avec un euro de rente viager d’un homme de 53 ans soit 17,398.
La réversion de la fille est égale à 2 340 € x 17,398 = 40 711,32 €.

S’agissant de la part du garçon, le conjoint décédé aurait eu 55 ans lors de ses 25 ans. La perte
annuelle est donc capitalisée avec un euro de rente viager d’un homme de 55 ans soit 16,686.
La réversion du garçon est égale à 2 340 € x 16,686 = 39 045,24 €.

– La perte annuelle du conjoint survivant est de 15 600 € x 70 % = 10 920 €, qu’il faut
capitaliser avec un euro de rente viager d’un homme de 36 ans, soit 10 920 € x 22,642 =
247 250,64 €.

La part des revenus revenant aux enfants à leurs 25 ans est ajoutée à cette perte, soit un
préjudice économique total du conjoint survivant de 247 250,64 € + 40 711,32 € + 39 045,24
€ = 327 007,20 €.

Les proches de la victime directe peuvent également subir un préjudice lorsque celle-ci
reste atteinte d’un handicap.

118 Préjudice : le barème de capitalisation actualisé, TD 2001 à 3,20%, Gaz. Pal., 9 novembre 2004.
119 M.C. Gras, B. Guillon, Fiche pratique III : Pertes ou diminutions de revenus, op. cit.
120 M.C. Gras, B. Guillon, Fiche pratique III : Pertes ou diminutions de revenus, op. cit.
121 CA Grenoble, 14 juin 2011, n°08/05267 ; CA Paris, 24 janvier 2011, n°06/21420 ; CA Paris, 15 novembre
2010, n°08/06410.
122 Rapport Lambert-Faivre, op. cit., p.27.
123 F. Delbez, Fiche pratique III bis : Pertes de revenus des proches, Gaz. Pal., 25-29 déc. 2009.
124 CA Montpellier, 26 novembre 2008, n°08/01073.

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