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II) Les moyens d’exonération

Outre l’absence de preuve du caractère nosocomial de l’infection rapportée par la victime, les établissements de santé peuvent s’exonérer de leur responsabilité par la preuve de l’absence de lien de causalité entre l’infection et l’hospitalisation (A) ou par l’établissement d’une cause étrangère (B).

A) Une exonération pour absence de lien de causalité : absence de présomption de lien de causalité

Il ne faut pas confondre responsabilité sans faute et présomption de causalité. Comme il l’a été énoncé précédemment, la charge de la preuve de l’origine hospitalière de l’infection incombe au patient.
Pour cela, le patient peu procéder par l’invocation de présomptions graves, précises et concordantes permettant de déduire l’existence de l’infection nosocomiale. « Attendu qu’il incombe au patient de démontrer le caractère nosocomial de l’infection fût-ce par des présomptions graves, précises, concordantes » d’après l’arrêt du 30 octobre 2008 cité ci-dessus et confirmé par un arrêt du 1° juillet 2010(21).

La victime doit démontrer que l’infection trouve son origine dans l’hospitalisation en n’étant ni préexistante ni postérieure à son hospitalisation.
L’arrêt rendu par le Tribunal Administratif de Nice en date du 26 mars 2004 a ainsi retenu qu’« il ne résulte pas de l’instruction un lien de causalité direct et certain entre l’hospitalisation et l’infection ».
L’établissement de santé pourra s’exonérer par l’absence de preuve de lien de causalité entre l’infection et l’hospitalisation apportée par le patient ; notamment si l’infection était préexistante à l’hospitalisation ou postérieure à l’hospitalisation.
L’établissement de santé ne pouvant pas rapporter la preuve de l’absence de lien de causalité pourra tout de même s’exonérer par la cause étrangère (B)

B) Une exonération par la cause étrangère

Les établissements de santé peuvent s’exonérer en rapportant la preuve de la cause étrangère si l’évènement invoqué présente les trois caractères de la force majeure (1). De plus, des divergences entre les juridictions administratives et judiciaires concernant les infections nosocomiales d’origine endogène et le fait du tiers sont à relever (2).

1) La cause étrangère constituée par un évènement de force majeure

L’Assemblée Plénière de la Cour de cassation a mis fin à une jurisprudence fluctuante concernant la définition de la force majeure en affirmant le retour à la définition classique exigeant la réunion des trois critères traditionnels par un arrêt en date du 14 avril 2006(22). En effet, un évènement ne sera considéré comme un cas de force majeure que s’il présent les caractéristiques suivantes :
– L’extériorité c’est-à-dire que le débiteur de l’obligation ne doit pas avoir joué de rôle dans la survenance de l’évènement.
– L’irrésistibilité qui suppose un évènement insurmontable pour le débiteur de l’obligation en cause.
– L’imprévisibilité c’est-à-dire l’ignorance de la possible survenance de l’évènement par le débiteur de l’obligation en cause.
La Cour de cassation a une vision très sévère de la force majeure (trois critères stricts) puisqu’elle n’a jamais admis l’exonération d’un établissement de santé sur ce fondement.

L’arrêt rendu par la Première Chambre civile du 18 février 2009(23) illustre ce phénomène. La Cour de cassation admet que la cause étrangère constituée par un évènement présentant les caractères de la force majeure puisse être un moyen d’exonération pour l’établissement de santé mais il ne sera pas retenu en l’espèce car l’établissement de santé invoque le caractère connu du risque de complication infectieuse qui ne peut constituer une cause étrangère exonératoire :
« Le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre le patient et l’établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve de la cause étrangère, la cour d’appel qui ne pouvait retenir comme cause étrangère un risque connu de complication, lié à l’intervention, fût-elle non fautive, du praticien, a violé le texte susvisé ».

2) Les autres moyens d’exonération : source de divergence d’appréciation entre la Cour de cassation et le Conseil d’Etat

Concernant les autres moyens d’exonération ouverts aux établissements de santé, des divergences entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation apparaissent.
Ainsi, le problème du caractère endogène de l’infection précédemment évoqué est toujours présent en constituant une cause étrangère devant le juge administratif (a). Et, le fait du tiers n’est pas apprécié de la même façon par les deux ordres de juridictions (b).

a) Le caractère endogène de l’infection nosocomiale

L’ancienne divergence jurisprudentielle entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation concernant l’indemnisation des infections nosocomiales endogène est restée d’actualité. En effet, la loi du 4 mars 2002 n’ayant pas donné de définition de l’infection nosocomiale s’imposant au juge, le juge administratif a conservé sa définition restrictive lui permettant d’exclure le caractère endogène de l’infection.
• Le caractère endogène de l’infection est une cause étrangère exonératoire devant le juge administratif :
Le Conseil d’Etat a confirmé sa position par de nombreux arrêts tels que CE 25 octobre 2006(24) :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que le germe qui est à l’origine de l’infection qui s’est déclarée à la suite de l’intervention chirurgicale subie par M. A était déjà présent dans l’organisme du patient avant ladite intervention ; que la circonstance que les micro-lésions provoquées par la tonte de son torse la veille de cette intervention auraient facilité la migration de ce germe est sans incidence sur le caractère endogène de l’infection nosocomiale ainsi contractée dès lors que ledit germe était déjà présent dans l’organisme du patient ; que si l’expert a émis l’hypothèse que l’infection aurait été favorisée par une préparation réalisée trop longtemps avant l’intervention, cette circonstance n’est pas, en l’état, de nature à permettre de regarder comme certaine l’existence d’une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BREST est fondé à soutenir qu’en l’absence d’une obligation sérieusement contestable lui incombant que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Rennes a accordé à M. A une provision de 8 000 euros ».

Ainsi, le caractère endogène du germe est exonératoire de responsabilité devant les juridictions administratives.
De nombreux arrêts illustrent cette position :
– CAA Paris 30 janvier 2008 : un germe présent sur le derme sans y être pathogène et sans constituer un foyer d’infection apparient à la flore normale du patient, et du fait de sa nature anaérobie, n’a pas une origine extérieure. Une infection provoquée par un tel germe ne présente donc pas un caractère exogène.
– CAA Nantes 7 mai 2008(25) : l’infection osseuse touchant le volet de voûte crânienne dite « ostéite du volet » a pour origine un germe issu de la flore cutanée du patient et présente par conséquent un caractère endogène.
• Le germe endogène ne constitue pas une cause étrangère exonératoire devant le juge civil :
La Cour de cassation a réaffirmé à plusieurs reprises que le caractère endogène de l’infection ne constitue pas une cause étrangère exonératoire pour l’établissement de santé. L’arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 juin 2007 témoigne du maintien de cette position : « attendu que la responsabilité de plein droit pesant sur le médecin et l’établissement de santé en matière d’infection nosocomiale n’est pas limitée aux infections d’origine exogène ; que seule la cause étrangère est exonératoire de leur responsabilité ».
Par conséquent, l’établissement de santé public bénéficie d’un moyen d’exonération supplémentaire par la preuve du caractère endogène de l’infection contrairement aux cliniques privées.
Cette divergence jurisprudentielle permet de souligner une nouvelle fois la difficulté de l’absence de définition juridique de l’infection nosocomiale.

b) La cause étrangère résultant du fait de la victime

• En droit général des obligations :
Le fait de la victime est constitué par l’inexécution de ses obligations par le débiteur du fait de la victime elle-même. L’exemple du malade invoquant des mauvais soins du médecin alors qu’il a lui-même omis de suivre les prescriptions de ce dernier illustre bien ce moyen d’exonération.
Lorsque le fait de la victime présente les caractères de la force majeure, le débiteur est totalement exonéré. Sinon, la faute de la victime ne sera que partiellement exonératoire laissant les juges du fond souverain quant à son étendue.
• En matière d’infection nosocomiale :
La Cour de cassation refuse de prendre en compte l’état de santé et les prédispositions du patient tel que l’arrêt de sa Première Chambre civile en date du 28 janvier 2010 l’illustre concernant une infection nosocomiale contractée suite à la pose d’une prothèse de hanche sur une patiente âgée de 79 ans :
« Le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ».
Par contre, les juridictions administratives admettent que l’état de santé et les prédispositions du patient constituent une cause exonératoire partielle de responsabilité pour els établissements de santé.

c) La cause étrangère résultant du fait du tiers

• En droit général des obligations :
Le fait du tiers se définit comme l’impossibilité pour le débiteur de s’exécuter compte tenu de l’immixtion d’un tiers. Le fait du tiers produira un effet variable selon ses caractères (force majeure ou pas).
• En matière d’infection nosocomiale :
En cas d’hospitalisation du patient dans plusieurs établissements, la jurisprudence a recours à la méthode de la causalité alternative. Cela signifie qu’en l’absence de preuve contraire, la responsabilité civile est partagée entre les différents établissements de santé en cause.
Par ailleurs, la faute initiale du médecin libéral postérieurement à une hospitalisation ne constitue pas une cause étrangère pour l’établissement de santé.
L’arrêt rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation en date du 1° juillet 2010 (précité) illustre ce principe: « lorsque la faute d’un médecin dans la prise en charge d’une personne a rendu nécessaire une intervention au cours de laquelle celle-ci a contracté une infection nosocomiale dont elle a demandé réparation à la clinique où a eu lieu l’intervention, au titre de son obligation de résultat, cette dernière, obligée à indemniser la victime pour le tout, est fondée à invoquer la faute médicale initiale pour qu’il soit statué sur la répartition de la charge de la dette »
Par conséquent, l’établissement de santé peut exercer un certains nombre de recours selon la situation :
– Le recours contre le médecin exerçant à titre libéral avant la survenance de l’infection ou pendant la réalisation de l’acte de soin ou après que l’infection se soit déclarée.
– Le recours contre le sous traitant lorsque la stérilisation est externalisée (selon les articles L 5126-3 et R 711-1-18 du Code de la Santé Publique).
– Le recours contre d’autres tiers dont l’intervention a permis le développement de l’infection nosocomiale chez le patient.
Après avoir étudié le régime de responsabilité applicable aux établissements de santé, il convient d’aborder celui appliqué aux professionnels de santé (section 2).

20 Civ.1er, 30 octobre 2008, n°07-13.791
21 Civ. 1er, 1° juillet 2010, n°09-69.151
22 Ass. Plén. 14 avr. 2006, JCP 2006. II. 10087, D. 2006. 1131
23 Civ.1er, 18 fév. 2009, n°08-15.979
24 CE, 5° et 4° ss-sect. réunies, 25 oct. 2006, 275700
25 CAA Nantes, 7 mai 2008, n°07NT03493

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